Ministère public v Jean-Louis Tournier.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1989:319
Date13 July 1989
Celex Number61987CJ0395
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket Number395/87
EUR-Lex - 61987J0395 - FR 61987J0395

Arrêt de la Cour du 13 juillet 1989. - Ministère public contre Jean-Louis Tournier. - Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel d'Aix-en-Provence - France. - Concurrence - Droits d'auteur - Niveau des redevances - Contrats de représentation réciproque. - Affaire 395/87.

Recueil de jurisprudence 1989 page 02521
édition spéciale suédoise page 00113
édition spéciale finnoise page 00125


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1 . Libre circulation des marchandises - Propriété industrielle et commerciale - Droits d' auteur - Protection - Limites - Supports de son commercialisés dans un État membre avec le consentement de l' auteur - Importation dans un autre État membre - Opposition ou restriction tenant à la perception d' une redevance au titre du droit d' auteur - Inadmissibilité

( Traité CEE, art . 30 )

2 . Libre circulation des marchandises - Propriété industrielle et commerciale - Droits d' auteur - Libre prestation des services - Réglementation nationale autorisant, à l' occasion de l' exécution publique d' oeuvres musicales enregistrées sur supports de son importés d' un autre État membre, la perception de redevances au titre du droit d' auteur - Admissibilité

( Traité CEE, art . 30 et 59 )

3 . Concurrence - Ententes - Atteinte à la concurrence - Contrats de représentation réciproque entre sociétés nationales de gestion de droits d' auteur - Licéité - Clause d' exclusivité - Illicéité

( Traité CEE, art . 85, § 1 )

4 . Concurrence - Ententes - Pratique concertée - Parallélisme de comportement - Présomption d' existence d' une concertation - Limites - Refus, par les sociétés nationales de gestion de droits d' auteurs, de laisser un utilisateur établi dans un autre État membre accéder directement à leur répertoire - Appréciation par le juge national

( Traité CEE, art . 85, § 1, et 177 )

5 . Concurrence - Ententes - Atteinte à la concurrence - Refus, par une société nationale de gestion de droits d' auteur, de laisser un utilisateur accéder à une partie seulement du répertoire protégé - Licéité - Conditions

( Traité CEE, art . 85 )

6 . Concurrence - Position dominante - Abus - Conditions de transaction non équitables - Redevances appliquées par une société de gestion de droits d' auteur sensiblement plus élevées que celles pratiquées dans d' autres États membres - Possibilité de justification

( Traité CEE, art . 86 )

Sommaire

1 . Une société de gestion de droits d' auteur, agissant au nom du titulaire d' un droit d' auteur ou de son licencié, ne peut invoquer le droit exclusif d' exploitation conféré par le droit d' auteur pour empêcher ou restreindre l' importation de supports de son qui ont été licitement écoulés sur le marché d' un autre État membre par le titulaire lui-même ou avec son consentement . En effet, aucune disposition d' une législation nationale ne saurait permettre à une entreprise chargée de la gestion de droits d' auteur, et détenant le monopole de fait sur le territoire d' un État membre, d' opérer un prélèvement sur les produits d' un autre État membre, où ils ont été mis en circulation par le titulaire du droit d' auteur ou avec son consentement et d' instaurer ainsi une charge à l' importation des supports de son qui se trouvent déjà en libre circulation dans le marché commun, à cause du passage, par ceux-ci, d' une frontière intérieure .

2 . Les articles 30 et 59 du traité doivent être interprétés en ce sens qu' ils ne s' opposent pas à l' application d' une législation nationale qui considère comme une violation du droit d' auteur l' exécution publique, sans paiement de redevances, d' oeuvres musicales protégées enregistrées sur des supports de son, lorsque des redevances ont déjà été versées à l' auteur, pour la reproduction de l' oeuvre, dans un autre État membre .

3 . Ne sont pas, par eux-mêmes, restrictifs de la concurrence de façon à relever de l' interdiction prévue à l' article 85, paragraphe 1, du traité, des contrats de représentation réciproque entre sociétés nationales de gestion de droits d' auteur en matière musicale par lesquels ces sociétés se confient mutuellement le droit d' accorder, sur le territoire dont elles sont responsables, les autorisations requises pour toute exécution publique d' oeuvres musicales protégées par des droits d' auteur de membres des autres sociétés et de soumettre ces autorisations à certaines conditions, conformément aux lois applicables sur le territoire en cause, ces contrats visant le double but, d' une part, de soumettre l' ensemble des oeuvres musicales protégées, quelle qu' en soit l' origine, à des conditions identiques pour les usagers établis dans un même État, conformément au principe de non-discrimination retenu par les conventions internationales applicables en matière de droits d' auteur et, d' autre part, de permettre aux sociétés de gestion de s' appuyer, pour la protection de leur répertoire dans un autre État, sur l' organisation mise en place par la société de gestion qui y exerce ses activités, sans être contraintes d' ajouter à cette organisation leurs propres réseaux de contrats avec les utilisateurs et leurs propres contrôles sur place .

Il pourrait en être autrement si ces contrats de prestation de services instituaient une exclusivité en ce sens que les sociétés de gestion se seraient engagées à ne pas donner l' accès direct à leur répertoire aux utilisateurs de musique enregistrée établis à l' étranger .

4 . L' article 85 du traité doit être interprété en ce sens qu' il interdit toute pratique concertée entre sociétés nationales de gestion de droits d' auteur des États membres qui aurait pour objet ou pour effet que chaque société refuse l' accès direct à son répertoire aux utilisateurs établis dans un autre État membre .

Il appartient aux juridictions nationales, dans le cadre de la répartition des compétences qu' opère l' article 177 du traité, de déterminer si une concertation à cet effet a effectivement eu lieu entre ces sociétés de gestion .

Pour ce faire, ces juridictions doivent considérer, d' une part, qu' un simple parallélisme de comportement peut, dans certaines circonstances, constituer un indice sérieux d' une pratique concertée lorsqu' il aboutit à des conditions qui ne correspondent pas à des conditions normales de concurrence et, d' autre part, qu' une concertation de cette nature ne saurait être présumée lorsque le parallélisme de comportement peut s' expliquer par des raisons autres que l' existence d' une concertation . S' agissant des pratiques des sociétés de gestion de droits d' auteur, une telle raison pourrait résider dans le fait qu' en cas d' accès direct à leur répertoire dans un autre État membre, ces sociétés seraient obligées d' organiser à l' étranger leur propre système de gestion et de contrôle .

5 . Le fait pour une société nationale de gestion de droits d' auteur en matière musicale de refuser l' accès des utilisateurs de musique enregistrée au seul répertoire étranger qu' elle représente n' a pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence sur le marché commun que si l' accès à une partie du répertoire protégé pouvait entièrement sauvegarder les intérêts des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique sans pour autant augmenter les frais de la gestion des contrats et de la surveillance de l' utilisation des oeuvres musicales protégées .

6 . Une société nationale de gestion de droits d' auteur se trouvant en position dominante sur une partie substantielle du marché commun impose des conditions de transaction non équitables lorsque les redevances qu' elle applique aux discothèques sont sensiblement plus élevées que celles pratiquées dans les autres États membres, dans la mesure où la comparaison des niveaux des tarifs a été effectuée sur une base homogène . Il en serait autrement si la société de droits d' auteur en question était en mesure de justifier une telle différence en se fondant sur des divergences objectives et pertinentes entre la gestion des droits d' auteur dans l' État membre concerné et cette même gestion dans les autres États membres .

Parties

Dans l' affaire 395/87,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par la Cour d' appel d' Aix-en-Provence et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Ministère public

et

M . Jean-Louis Tournier, directeur de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique ( SACEM ), à

Neuilly,

Partie civile : M . Jean Verney, domicilié à Juan-les-Pins,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation des articles 30, 59, 85 et 86 du traité CEE,

LA COUR,

composée de MM . T . Koopmans, président de chambre, f.f . de président, G.F . Mancini, C.N . Kakouris, F.A . Schockweiler, J.C . Moitinho de Almeida, M . Diez de Velasco et M . Zuleeg, juges,

avocat général : M . F.G . Jacobs

greffier : Mme D . Louterman, administrateur principal

considérant les observations présentées

- pour M . J . Verney, partie requérante au principal, par Me J.C . Fourgoux, avocat à Paris, par Me A . Paffenholz-Bompart, avocat à Grasse, et, à la procédure orale, également par Me P.F . Ryziger, avocat à Paris,

- pour M . J.-L . Tournier, partie défenderesse au principal, par Me O . Carmet, avocat à Paris,

- pour le gouvernement de la République française, par M . R . de Gouttes et M . M . Giacomini, en qualité d' agents,

- pour le gouvernement de la République italienne, par M . L . Ferrari Bravo, en qualité d' agent, assisté de M . I . Braguglia, avvocato dello Stato,

- pour le gouvernement de la République hellénique, par Mme E.M . Mamouna, M . G . Crippa, M . S . Zissimopoulos et M . Y . Kranidiotis, en qualité d' agents,

- pour la Commission des Communautés européennes par ses conseillers juridiques M . G . Marenco et Mme I . Langermann, en qualité d' agents,

vu le...

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