Hellenische Republik v Leo Kuhn.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:911
Docket NumberC-308/17
Celex Number62017CJ0308
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date15 November 2018
62017CJ0308

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

15 novembre 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 1215/2012 – Compétence judiciaire en matière civile et commerciale – Champ d’application – Article 1er, paragraphe 1 – Notion de “matière civile et commerciale” – Obligations émises par un État membre – Participation du secteur privé à la restructuration de la dette publique de cet État – Modification unilatérale et rétroactive des conditions de l’emprunt – Clauses d’action collective – Recours exercé contre ledit État par des créanciers privés détenteurs de ces obligations en tant que personnes physiques – Responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique »

Dans l’affaire C‑308/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), par décision du 25 avril 2017, parvenue à la Cour le 29 mai 2017, dans la procédure

Hellenische Republik

contre

Leo Kuhn,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteure), vice-présidente, faisant fonction de président de la première chambre, MM. J.‑C. Bonichot, E. Regan, C. G. Fernlund et S. Rodin, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 avril 2018,

considérant les observations présentées :

pour l’Hellenische Republik, par Me K. Kitzberger, Rechtsanwältin,

pour M. Kuhn, par Me M. Brand, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement hellénique, par M. K. Boskovits ainsi que par Mmes S. Charitaki, M. Vlassi et S. Papaioannou, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Pucciariello, avoccato dello Stato,

pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes, M. Figueiredo et P. Lacerda, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. M. Wilderspin et Mme M. Heller, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 4 juillet 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7, point 1, sous a), du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Hellenische Republik (République hellénique) à M. Leo Kuhn au sujet d’une demande tendant à obtenir l’exécution des conditions d’emprunt relatives à des obligations émises par cet État membre ou une indemnité en raison de l’inexécution de celles-ci.

Le cadre juridique

Le traité MES

3

Le 2 février 2012, a été conclu à Bruxelles (Belgique), le traité instituant le mécanisme européen de stabilité entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Chypre, le Grand-Duché de Luxembourg, Malte, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Slovénie, la République slovaque et la République de Finlande (ci-après le « traité MES »). L’article 12, paragraphe 3, de celui-ci prévoit que des clauses d’action collective figureront, à compter du 1er janvier 2013, dans tous les nouveaux titres d’État d’une maturité supérieure à un an qui seront émis dans la zone euro, de manière à leur assurer un effet juridique identique.

Le droit de l’Union

4

Les considérants 4, 15 et 16 du règlement no 1215/2012 énoncent :

« (4)

Certaines différences entre les règles nationales en matière de compétence judiciaire et de reconnaissance des décisions rendent plus difficile le bon fonctionnement du marché intérieur. Des dispositions permettant d’unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale ainsi que de garantir la reconnaissance et l’exécution rapides et simples des décisions rendues dans un État membre sont indispensables.

[...]

(15)

Les règles de compétence devraient présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur. Cette compétence devrait toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de compétence.

(16)

Le for du domicile du défendeur devrait être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter la bonne administration de la justice. L’existence d’un lien étroit devrait garantir la sécurité juridique et éviter la possibilité que le défendeur soit attrait devant une juridiction d’un État membre qu’il ne pouvait pas raisonnablement prévoir. Cet aspect est important, en particulier dans les litiges concernant les obligations non contractuelles résultant d’atteintes à la vie privée et aux droits de la personnalité, notamment la diffamation. »

5

L’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s’applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii). »

6

L’article 4, paragraphe 1, dudit règlement prévoit :

« Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

7

L’article 7, point 1, sous a), du même règlement est libellé comme suit :

« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

1)

a)

en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ».

Le droit grec

8

Selon la décision de renvoi, le système de comptes courants de la Banque centrale grecque comprend des comptes ouverts au nom de chacun des participants ayant été admis, par le gouverneur de cette banque centrale, à participer à ce système.

9

En vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la loi 2198/1994, les participants au système de comptes courants de la Banque centrale grecque peuvent octroyer des droits en rapport avec une obligation à des tiers investisseurs, mais l’acte juridique par lequel sont octroyés ces droits ne produit d’effet qu’à l’égard des parties concernées, à l’exclusion expresse de tout effet en faveur ou au détriment de la République hellénique.

10

Selon l’article 6, paragraphe 4, de cette loi, une obligation est transmise par son inscription au crédit du compte d’un participant audit système.

11

Par ailleurs, la loi 4050/2012, du 23 février 2012, portant règles de modification, avec l’assentiment des détenteurs, des titres émis ou garantis par l’État grec (FEK A’ 36/23.2.2012), prévoit, en substance, que les détenteurs de certaines obligations souveraines grecques reçoivent une proposition de « restructuration », par laquelle ceux-ci sont invités par l’État grec à décider s’ils acceptent la modification des titres éligibles visés par cette proposition.

12

Selon l’article 1er, paragraphe 4, de cette loi, la modification des titres visés nécessite la réunion d’un quorum représentant 50 % du total de l’encours des obligations concernées, ainsi qu’une majorité qualifiée correspondant aux deux tiers du capital participant.

13

L’article 1er, paragraphe 9, de ladite loi prévoit également l’introduction d’une clause de restructuration ou « clause d’action collective » (ci-après la « CAC ») permettant de modifier les conditions d’emprunt initiales au moyen de décisions adoptées à la majorité qualifiée du capital restant dû et s’appliquant aussi à la minorité.

14

Selon cette disposition, la décision adoptée par les détenteurs d’obligations, d’accepter ou de refuser l’offre de restructuration soumise par l’État grec, s’applique erga omnes, est contraignante pour l’ensemble des créanciers obligataires concernés et abroge toute loi générale ou particulière, toute décision administrative et tout contrat qui s’y opposerait.

Le litige au principal et la question préjudicielle

15

À une date non précisée, antérieure à l’année 2011, M. Kuhn, domicilié à Vienne (Autriche), a, par l’intermédiaire d’une banque dépositaire établie en Autriche, acquis des obligations souveraines d’une valeur...

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