Carrefour Hypermarchés SAS and Others v Ministre des Finances et des Comptes publics.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:751
Date20 September 2018
Celex Number62016CJ0510
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-510/16
62016CJ0510

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

20 septembre 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Aides d’État – Article 108, paragraphe 3, TFUE – Règlement (CE) no 794/2004 – Régimes d’aides notifiés – Article 4 – Modification d’une aide existante – Augmentation importante du produit des taxes affectées au financement de régimes d’aides par rapport aux prévisions notifiées à la Commission européenne – Seuil de 20 % du budget initial »

Dans l’affaire C‑510/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 21 septembre 2016, parvenue à la Cour le 29 septembre 2016, dans la procédure

Carrefour Hypermarchés SAS,

Fnac Paris,

Fnac Direct,

Relais Fnac,

Codirep,

Fnac Périphérie

contre

Ministre des Finances et des Comptes publics,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. T. von Danwitz (rapporteur), président de chambre, MM. C. Vajda, E. Juhász, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, juges,

avocat général : M. N. Wahl,

greffier : Mme V. Giacobbo-Peyronnel, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 septembre 2017,

considérant les observations présentées :

pour Carrefour Hypermarchés SAS, Fnac Paris, Fnac Direct, Relais Fnac, Codirep et Fnac Périphérie, par Mes C. Rameix-Seguin et É. Meier, avocats,

pour le gouvernement français, par M. D. Colas et Mme J. Bousin, en qualité d’agents,

pour le gouvernement hellénique, par Mmes S. Charitaki et S. Papaioannou, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par M. B. Stromsky et Mme K. Blanck-Putz, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ainsi que de l’article 4 du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 2004, L 140, p. 1, et rectificatif JO 2005, L 25, p. 74).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre de litiges opposant Carrefour Hypermarchés SAS, Fnac Paris, Fnac Direct, Relais Fnac, Codirep et Fnac Périphérie au ministre des Finances et des Comptes publics (France) au sujet de la restitution d’une taxe sur les ventes et les locations de vidéogrammes acquittée par ces sociétés.

Le cadre juridique

Le règlement (CE) no 659/1999

3

L’article 1er du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), énonce :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a)

“aide” : toute mesure remplissant tous les critères fixés à l’article [107, paragraphe 1, TFUE] ;

b)

“aide existante” :

i)

[...] toute aide existant avant l’entrée en vigueur du traité [FUE] dans l’État membre concerné, c’est-à-dire les régimes d’aides et aides individuelles mis à exécution avant et toujours applicables après ladite entrée en vigueur ;

ii)

toute aide autorisée, c’est-à-dire les régimes d’aides et les aides individuelles autorisés par la Commission ou le Conseil ;

[...]

c)

“aide nouvelle” : toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante ;

[...] »

Le règlement no 794/2004

4

Selon le considérant 4 du règlement no 794/2004 :

« Pour des raisons de sécurité juridique, il convient de spécifier que les augmentations de faible importance n’excédant pas 20 % du budget initial d’un régime d’aides, notamment celles destinées à tenir compte des effets de l’inflation, ne doivent pas être notifiées à la Commission car il est peu probable qu’elles aient des incidences sur l’appréciation portée à l’origine par la Commission sur la compatibilité du régime d’aides, pour autant que les autres conditions de celui-ci restent inchangées. »

5

L’article 4 de ce règlement, intitulé « Procédure de notification simplifiée pour certaines modifications d’aides existantes », dispose :

« 1. Aux fins de l’article 1er, point c), du règlement [no 659/1999], on entend par modification d’une aide existante tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché commun. Toutefois, une augmentation du budget initial d’un régime d’aides existant n’excédant pas 20 % n’est pas considérée comme une modification de l’aide existante.

2. Les modifications suivantes apportées à des aides existantes sont notifiées au moyen du formulaire de notification simplifiée figurant à l’annexe II :

a)

augmentation de plus de 20 % du budget d’un régime d’aides autorisé ;

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

6

Par décision C (2006) 832 final, du 22 mars 2006 (aides NN 84/2004 et N 95/2004 – France, Régimes d’aides au cinéma et à l’audiovisuel) (ci-après la « décision de 2006 »), la Commission a déclaré compatible avec le marché intérieur plusieurs régimes d’aides au cinéma et à l’audiovisuel institués par la République française. Ces régimes sont financés par le Centre national du cinéma et de l’image animée (ci-après le « CNC »), le budget de cet organisme provenant essentiellement du produit de trois taxes, à savoir la taxe sur les billets de cinéma, la taxe sur les services de télévision et la taxe sur les ventes et les locations de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public (ci-après, ensemble, les « trois taxes »).

7

Par décision C (2007) 3230 final, du 10 juillet 2007 (Aide d’État N 192/2007 – France, Modification de NN 84/2004 – Soutien aux secteurs du cinéma et de la production audiovisuelle en France – Modernisation du dispositif de contribution du secteur télévisuel au compte de soutien au cinéma et à l’audiovisuel) (ci-après la « décision de 2007 »), la Commission a approuvé une modification du mode de financement desdits régimes d’aides, consécutive à une réforme de la taxe sur les services de télévision.

8

Les requérantes au principal ont demandé la restitution de la taxe sur les ventes et les locations de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public dont elles se sont acquittées au cours des années 2008 et 2009 en ce qui concerne Carrefour Hypermarchés, et des années 2009 à 2011 en ce qui concerne les autres sociétés. Elles font valoir que cette taxe a été perçue en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, dans la mesure où la République française n’a pas notifié à la Commission l’augmentation que le produit global des trois taxes avait connue entre les années 2007 et 2011 (ci-après la « période en cause »). Selon les requérantes au principal, qui se fondent sur un rapport de la Cour des comptes (France) établi au mois d’août 2012 sur la gestion et le financement du CNC (ci-après le « rapport de la Cour des comptes »), cette augmentation a entraîné une modification substantielle du mode de financement des régimes d’aides, dépassant le seuil de 20 % fixé à l’article 4 du règlement no 794/2004.

9

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi expose que, alors que la décision de 2007 faisait état de prévisions selon lesquelles la réforme de la taxe sur les services de télévision, essentiellement à l’origine de l’augmentation des ressources du CNC lors de la période en cause, pouvait, dans l’hypothèse la plus favorable, conduire à une augmentation du produit de cette taxe à hauteur de 16,5 millions d’euros par an, cette augmentation s’est élevée, en réalité, selon le rapport de la Cour des comptes, à 67 millions d’euros en moyenne lors de cette période. La Commission aurait ainsi fondé la décision de 2007 sur des prévisions qui se sont ultérieurement révélées inexactes.

10

Dans ces conditions, le Conseil d’État (France) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Dans le cas d’un régime d’aides financé par des ressources affectées, lorsqu’un État membre a régulièrement notifié préalablement à leur mise en œuvre les modifications juridiques ayant une incidence substantielle sur ce régime, et notamment celles concernant son mode de financement, une importante augmentation du produit des ressources fiscales affectées au régime par rapport aux prévisions fournies à la Commission européenne constitue-t-elle une modification substantielle au sens du paragraphe 3 de l’article 108 TFUE, de nature à justifier une nouvelle notification ?

2)

Dans ce même cas, comment s’applique l’article 4 du règlement no 794/2004, en vertu duquel une augmentation de plus de 20 % du budget initial d’un régime d’aides existant constitue une modification de ce régime d’aides, et, en particulier :

a)

comment se combine-t-il avec le caractère préalable de l’obligation de notification d’un régime d’aides fixée au paragraphe 3 de l’article 108 TFUE ;

b)

si le dépassement du seuil de 20 % du budget initial d’un régime d’aides existant prévu à l’article 4 du règlement no 794/2004 justifie une nouvelle notification, ce seuil doit-il s’apprécier par rapport au montant des recettes affectées au régime d’aides ou par rapport aux dépenses effectivement allouées aux bénéficiaires, à...

To continue reading

Request your trial
15 practice notes
  • Promociones Oliva Park SL v Tribunal Económico Administrativo Regional (TEAR) de la Comunidad Valenciana.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 3 March 2021
    ...an aid measure, so that they form an integral part of that measure (judgment of 20 September 2018, Carrefour Hypermarchés and Others, C‑510/16, EU:C:2018:751, paragraph 14 and the case-law 75 In the present case, it is not apparent from the documents before the Court that the revenue from t......
  • European Commission v Republic of Poland.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 March 2019
    ...occurs and the purposes of the rules of which it is part (see, by analogy, judgment of 20 September 2018, Carrefour Hypermarchés and Others, C‑510/16, EU:C:2018:751, paragraph 28 and the case-law cited). 52 According to its usual meaning, the concept of ‘international traffic’ refers to any......
  • Banco Santander, SA and Others v European Commission.
    • European Union
    • General Court (European Union)
    • 27 September 2023
    ...Thüringen Porzellan/Commissione, C‑537/08 P, EU:C:2010:769, punto 44, e del 20 settembre 2018, Carrefour Hypermarchés e a., C‑510/16, EU:C:2018:751, punto 38). 49 Occorre tuttavia constatare, anzitutto, che, nel caso di specie, come sostenuto dalle ricorrenti, a differenza della situazione ......
  • Eco Fox Srl and Others v Fallimento Mythen Spa and Others.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 28 October 2021
    ...früheren Fassungen der Beihilferegelung zu berücksichtigen (vgl. entsprechend Urteil vom 20. September 2018, Carrefour Hypermarchés u. a., C‑510/16, EU:C:2018:751, Rn. 39 bis 43 Was als Erstes die Art und die Tragweite der im vorliegenden Fall fraglichen Änderung betrifft, ist festzustellen......
  • Request a trial to view additional results
14 cases
  • Promociones Oliva Park SL v Tribunal Económico Administrativo Regional (TEAR) de la Comunidad Valenciana.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 3 March 2021
    ...an aid measure, so that they form an integral part of that measure (judgment of 20 September 2018, Carrefour Hypermarchés and Others, C‑510/16, EU:C:2018:751, paragraph 14 and the case-law 75 In the present case, it is not apparent from the documents before the Court that the revenue from t......
  • European Commission v Republic of Poland.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 March 2019
    ...occurs and the purposes of the rules of which it is part (see, by analogy, judgment of 20 September 2018, Carrefour Hypermarchés and Others, C‑510/16, EU:C:2018:751, paragraph 28 and the case-law cited). 52 According to its usual meaning, the concept of ‘international traffic’ refers to any......
  • Banco Santander, SA and Others v European Commission.
    • European Union
    • General Court (European Union)
    • 27 September 2023
    ...Thüringen Porzellan/Commissione, C‑537/08 P, EU:C:2010:769, punto 44, e del 20 settembre 2018, Carrefour Hypermarchés e a., C‑510/16, EU:C:2018:751, punto 38). 49 Occorre tuttavia constatare, anzitutto, che, nel caso di specie, come sostenuto dalle ricorrenti, a differenza della situazione ......
  • Eco Fox Srl and Others v Fallimento Mythen Spa and Others.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 28 October 2021
    ...früheren Fassungen der Beihilferegelung zu berücksichtigen (vgl. entsprechend Urteil vom 20. September 2018, Carrefour Hypermarchés u. a., C‑510/16, EU:C:2018:751, Rn. 39 bis 43 Was als Erstes die Art und die Tragweite der im vorliegenden Fall fraglichen Änderung betrifft, ist festzustellen......
  • Request a trial to view additional results
1 books & journal articles
  • Case-law of the court of justice in 2018
    • European Union
    • Annual report 2018. Judicial activity : synopsis of the judicial activity of the Court of Justice and the General Court Chapter I. The court of justice
    • 2 September 2019
    ...the condition relating to selectivity set out in Article 107(1) TFEU. In the judgment in Carrefour Hypermarchés and Others (C-510/16, EU:C:2018:751 ), delivered on 20 September 2018, the Fourth Chamber of the Court clariȴed the scope of the concept of ‘alterations to existing aid’ within th......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT