SC Raiffeisen Bank SA v JB.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:537
Docket NumberC-698/18
Date09 July 2020
Celex Number62018CJ0698
CourtCourt of Justice (European Union)

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

9 juillet 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Directive 93/13/CEE – Contrat de crédit portant sur un prêt personnel – Contrat intégralement exécuté – Constatation du caractère abusif des clauses contractuelles – Action en restitution des montants indûment payés sur le fondement d’une clause abusive – Modalités judiciaires – Action en justice de droit commun imprescriptible – Action en justice de droit commun personnelle, patrimoniale et prescriptible – Point de départ du délai de prescription – Moment objectif de la connaissance par le consommateur de l’existence d’une clause abusive »

Dans les affaires jointes C‑698/18 et C‑699/18,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Tribunalul Specializat Mureş (tribunal de grande instance spécialisé de Mureş, Roumanie), par décisions du 12 juin 2018, parvenues à la Cour le 7 novembre 2018, dans les procédures

SC Raiffeisen Bank SA

contre

JB (C‑698/18),

et

BRD Groupe Société Générale SA

contre

KC (C‑699/18),


LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. S. Rodin (rapporteur), D. Šváby, Mme K. Jürimäe et M. N. Piçarra, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 décembre 2019,

considérant les observations présentées :

– pour SC Raiffeisen Bank SA, par Mes V. Stoica, M.-B. Popescu et D. S. Bogdan, avocaţi,

– pour BRD Groupe Société Générale SA, par Mme M. Silişte, consilier juridic, ainsi que par Mes S. Olaru, M. Ceauşescu et O. Partenie, avocate,

– pour KC, par Me L. B. Luntraru, avocată,

– pour le gouvernement roumain, initialement par M. C.-R. Canţăr ainsi que par Mmes E. Gane, A. Wellman et L. Liţu, puis par ces trois dernières, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil ainsi que par Mme L. Dvořáková, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et T. Paixão ainsi que par Mmes P. Barros da Costa et C. Farto, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par M. N. Ruiz García ainsi que par Mme C. Gheorghiu, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 mars 2020,

rend le présent

Arrêt

1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 2, sous b), de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), ainsi que des principes d’équivalence, d’effectivité et de sécurité juridique.

2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant, d’une part, SC Raiffeisen Bank SA (ci-après « Raiffeisen Bank ») à JB et, d’autre part, BRD Groupe Société Générale SA (ci-après « Société Générale ») à KC au sujet du caractère abusif de certaines clauses de contrats de crédit.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Les dixième, douzième, vingt-et-unième, vingt-troisième et vingt-quatrième considérants de la directive 93/13 énoncent :

« considérant qu’une protection plus efficace du consommateur peut être obtenue par l’adoption de règles uniformes concernant les clauses abusives ; que ces règles doivent s’appliquer à tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ; que, par conséquent, sont notamment exclus de la présente directive les contrats de travail, les contrats relatifs aux droits successifs, les contrats relatifs au statut familial ainsi que les contrats relatifs à la constitution et aux statuts des sociétés ;

[...]

considérant, toutefois, qu’en l’état actuel des législations nationales, seule une harmonisation partielle est envisageable ; que, notamment, seules les clauses contractuelles n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle font l’objet de la présente directive ; qu’il importe de laisser la possibilité aux États membres, dans le respect du traité, d’assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de la présente directive ;

[...]

considérant que les États membres doivent prendre les mesures nécessaires afin d’éviter la présence de clauses abusives dans des contrats conclus avec des consommateurs par un professionnel ; que, si malgré tout, de telles clauses venaient à y figurer, elles ne lieront pas le consommateur, et le contrat continuera à lier les parties selon les mêmes termes s’il peut subsister sans les clauses abusives ;

[...]

considérant que les personnes ou les organisations ayant, selon la législation d’un État membre, un intérêt légitime à protéger le consommateur, doivent avoir la possibilité d’introduire un recours contre des clauses contractuelles rédigées en vue d’une utilisation généralisée dans des contrats conclus avec des consommateurs, et en particulier, contre des clauses abusives, soit devant une autorité judiciaire soit devant un organe administratif compétents pour statuer sur les plaintes ou pour engager les procédures judiciaires appropriées ; que cette faculté n’implique, toutefois, pas un contrôle préalable des conditions générales utilisées dans tel ou tel secteur économique ;

considérant que les autorités judiciaires et organes administratifs des États membres doivent disposer de moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’application de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ».

4 L’article 2, sous b), de cette directive prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

b) “consommateur” : toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ;

[...] »

5 L’article 6, paragraphe 1, de ladite directive dispose :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

6 Aux termes de l’article 7, paragraphes 1 et 2, de la même directive :

« 1. Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.

2. Les moyens visés au paragraphe 1 comprennent des dispositions permettant à des personnes ou à des organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir, selon le droit national, les tribunaux ou les organes administratifs compétents afin qu’ils déterminent si des clauses contractuelles, rédigées en vue d’une utilisation généralisée, ont un caractère abusif et appliquent des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation de telles clauses. »

7 L’article 8 de la directive 93/13 se lit comme suit :

« Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. »

8 L’article 10, paragraphe 1, second alinéa, de cette directive prévoit :

« Ces dispositions sont applicables à tous les contrats conclus après le 31 décembre 1994. »

Le droit roumain

9 L’article 1er, paragraphe 3, de la Legea nr. 193/2000 privind clauzele abuzive din contractele încheiate între profesioniști şi consumatori (loi nº 193/2000 sur les clauses abusives dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs), du 6 novembre 2000, dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi nº 193/2000 »), prévoit :

« Les professionnels ont l’interdiction d’insérer des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs. »

10 L’article 2, paragraphe 1, de cette loi énonce :

« On entend par “consommateur” toute personne physique ou tout groupe de personnes physiques constitué en association qui, dans le cadre d’un contrat relevant du domaine d’application de la présente loi, agit dans des buts étrangers à ses activités commerciales, industrielles ou de production, artisanales ou libérales. »

11 Aux termes de l’article 6 de ladite loi :

« Les clauses abusives incluses dans le contrat et constatées soit personnellement, soit par l’intermédiaire des organismes légalement habilités, ne produiront pas d’effets à l’égard du consommateur, et le contrat se poursuivra, avec l’accord de ce dernier, uniquement si cela est encore possible après la suppression desdites clauses. »

12 L’article 12, paragraphe 4, de la même loi est rédigé comme suit :

« Les dispositions des paragraphes 1 à 3 ne portent pas atteinte au droit du consommateur à qui un contrat d’adhésion contenant une clause abusive est opposé d’invoquer la nullité de la clause par voie d’action ou par voie d’exception, dans les conditions prévues par la loi. »

13 Aux termes de l’article 14 de la loi nº 193/2000 :

« Les consommateurs préjudiciés par un contrat conclu en violation des dispositions de la présente loi ont le droit de s’adresser aux organes juridictionnels conformément aux dispositions du code civil et de code de procédure civile. »

14 L’article 993 du Codul civil de 1864 (code civil), dans la version applicable aux faits au principal, prévoit :

« Celui qui, par erreur, se croyant débiteur, paie une dette a droit à répétition contre le créancier.

Ce droit disparaît lorsque le créancier a, de bonne foi, éteint son titre de créance ; le solvens peut alors se retourner contre le véritable débiteur. »

15 L’article 994 de ce code dispose :

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