Lukáš Wagenknecht v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2022:226
Docket NumberC-130/21
Date24 March 2022
Celex Number62021CJ0130
CourtCourt of Justice (European Union)
62021CJ0130

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

24 mars 2022 ( *1 )

« Pourvoi – Protection des intérêts financiers de l’Union européenne – Lutte contre la fraude – Cadre financier pluriannuel – Prétendu conflit d’intérêts du Premier ministre de la République tchèque – Demande d’empêcher ce dernier de rencontrer le collège des commissaires européens – Demande de mettre un terme aux paiements directs dans le budget de l’Union en faveur de certains groupes agroalimentaires – Recours en carence – Prétendue absence d’action de la Commission européenne – Composition du Tribunal de l’Union européenne – Prétendue absence d’impartialité – Irrecevabilité du recours – Prise de position – Qualité pour agir – Intérêt à agir »

Dans l’affaire C‑130/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 1er mars 2021,

Lukáš Wagenknecht, demeurant à Pardubice (République tchèque), représenté par Me A. Koller, advokátka,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par M. F. Erlbacher et Mme M. Salyková, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. J. Passer, président de la septième chambre, faisant fonction de président de la huitième chambre, MM. F. Biltgen (rapporteur) et N. Wahl, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, M. Lukaš Wagenknecht demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 17 décembre 2020, Wagenknecht/Commission (T‑350/20, ci-après l’ ordonnance attaquée , non publiée, EU:T:2020:635), par laquelle celui-ci a rejeté comme étant irrecevable son recours en carence au titre de l’article 265 TFUE et tendant à faire constater que la Commission européenne s’est illégalement abstenue d’agir à sa demande en vue d’adopter des mesures contraignantes et dissuasives visant à prévenir ou à traiter le prétendu conflit d’intérêts de M. Andrej Babiš, Premier ministre de la République tchèque.

Les antécédents du litige

2

Les antécédents du litige sont présentés aux points 1 à 4 de l’ordonnance attaquée de la manière suivante :

« 1

Par lettre du 30 janvier 2020, le requérant [...], un membre du Senát Parlamentu České republiky (Sénat de la République tchèque), a demandé à la Commission européenne d’adopter des mesures contraignantes et dissuasives visant à prévenir ou à traiter le prétendu conflit d’intérêts de M. Andrej Babiš, Premier ministre de la République tchèque, notamment, d’une part, en empêchant les membres du collège des commissaires, en particulier sa présidente, de rencontrer [M. Babiš] et de discuter avec lui des questions liées au cadre financier pluriannuel 2021/2027 et au budget de l’Union en général ainsi que, d’autre part, en adoptant des mesures visant à mettre un terme aux versements des aides agricoles directes du budget de l’Union en faveur de certaines sociétés sur lesquelles M. Babiš exerce un contrôle et dont il est le propriétaire effectif (ci-après l’“invitation à agir”), et ce en raison d’un prétendu conflit d’intérêts de ce représentant de la République tchèque, lequel résulterait de ses intérêts personnels et familiaux dans des entreprises du groupe Agrofert et du groupe Synbiol, actifs notamment dans le domaine agroalimentaire.

2

Dans sa réponse du 25 mars 2020, la Commission, tout en constatant que l’invitation à agir qui lui était adressée correspondait, dans une large mesure, à celle déjà adressée au Conseil européen et ayant fait l’objet du recours en carence, pendant devant le Tribunal à cette date, dans le cadre de l’affaire T‑715/19, Wagenknecht/Conseil européen, a expliqué qu’elle avait déjà pris les mesures nécessaires et proportionnées afin de protéger le budget de l’Union. La Commission s’est référée, premièrement, au fait qu’aucun paiement au titre des Fonds structurels et d’investissement européens n’avait été versé aux bénéficiaires potentiellement concernés par le prétendu conflit d’intérêts et, deuxièmement, à la décision du 28 novembre 2019 suspendant les paiements au titre du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Dans ce contexte, la Commission précisait que cette dernière décision avait été contestée devant le Tribunal dans le cadre de l’affaire T‑76/20, République tchèque/Commission. Ainsi, en raison de cette affaire, pendante à l’époque et ayant entretemps été radiée du rôle du Tribunal à la suite du désistement de la partie requérante (ordonnance du 25 août 2020, République tchèque/Commission, T‑76/20, non publiée, EU:T:2020:379), la Commission avait décidé de s’abstenir de formuler d’autres observations.

3

Par courriel du 30 mars 2020, le requérant s’est adressé à nouveau à la Commission en réitérant les questions qu’il avait posées dans l’invitation à agir, au motif que, selon lui, cette dernière n’avait pas pris position à leur égard dans sa réponse du 25 mars 2020. Dans le même courriel, le requérant a posé des questions supplémentaires, tout en reconnaissant que ces questions dépassaient le cadre de l’invitation à agir.

4

Par lettre du 23 avril 2020, la Commission, en prenant acte du courriel du requérant du 30 mars 2020, a répondu qu’elle n’avait rien à ajouter à la correspondance antérieure. »

Le recours devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

3

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 juin 2020, le requérant a introduit, au titre de l’article 265 TFUE, un recours tendant à la constatation d’une carence de la Commission en ce que cette institution aurait omis d’agir en réponse à l’invitation à agir.

4

Le 11 août 2020, la Commission a, au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, soulevé une exception d’irrecevabilité. Le requérant n’a pas déposé d’observations sur cette exception d’irrecevabilité.

5

Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a, d’une part, fait droit à la demande de la Commission tendant à ce qu’il ne soit pas tenu compte des passages de la requête se référant à un avis du service juridique de cette institution daté du 19 novembre 2018 et, d’autre part, rejeté le recours comme étant irrecevable, après avoir jugé, premièrement, aux points 28 à 31 de cette ordonnance, que le requérant n’avait ni intérêt à agir ni qualité pour agir et, secondement, aux points 32 à 36 de ladite ordonnance, que la Commission avait, dans sa lettre du 25 mars 2020, pris position sur l’invitation à agir.

Les conclusions des parties devant la Cour

6

Par son pourvoi, le requérant demande à la Cour :

d’annuler l’ordonnance attaquée et

de faire droit aux conclusions présentées en première instance.

7

La Commission demande à la Cour :

de rejeter le pourvoi et

de condamner le requérant aux dépens.

Sur le pourvoi

8

Il convient de regrouper les arguments du requérant, tels que présentés dans la requête, en six moyens tirés, le premier, d’une violation de l’article 18, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le deuxième, d’une qualification erronée par le Tribunal de la lettre de la Commission du 25 mars 2020 en tant que prise de position, le troisième, d’une erreur d’appréciation du Tribunal quant à l’intérêt à agir et à la qualité pour agir du requérant, le quatrième, d’une violation de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), des articles 2, 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que de l’article 2 TUE, le cinquième, d’une appréciation erronée par le Tribunal de l’utilisation faite par le requérant de l’avis juridique de la Commission du 19 novembre 2018 et, le sixième, d’une violation du principe général de prévisibilité de la loi au regard des dépens.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

9

Par son premier moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal a enfreint l’article 18, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne en ce que l’un des membres de la formation du Tribunal ayant statué sur son recours, à savoir le juge J. Laitenberger, se serait trouvé dans une situation d’apparence de conflit d’intérêts dans l’affaire, sans pourtant se récuser, et, partant, aurait manqué à son obligation d’impartialité objective. En outre, le président du Tribunal aurait violé son obligation de notifier à ce juge son conflit d’intérêts.

10

Selon le requérant, ce conflit d’intérêts trouve son origine dans deux circonstances dont une seule suffirait pour établir le manquement à l’obligation d’impartialité invoqué.

11

En premier lieu, le requérant relève que, avant d’être nommé juge au Tribunal, M. Laitenberger a passé 20 années au service de la Commission, notamment, à la direction générale (DG) « Concurrence » et au service du porte-parole. Or, en statuant dans une affaire portant sur la carence alléguée de son ancien employeur environ neuf mois après l’avoir quitté, ce juge se serait trouvé dans une situation d’apparence de conflit d’intérêts et n’aurait donc pas satisfait à l’exigence d’impartialité objective.

12

En second lieu, le requérant prétend que M. Laitenberger, lorsqu’il était directeur général de la DG « Concurrence », a défendu l’inaction de la Commission contre le groupe Agrofert dans un autre...

To continue reading

Request your trial
9 practice notes
  • Opinion of Advocate General Collins delivered on 15 December 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • December 15, 2022
    ...EU:C:2021:311, points 48 à 51 et jurisprudence citée). 29 Arrêt A. K. (points 120 à 122). 30 Arrêt du 24 mars 2022, Wagenknecht/Commission (C‑130/21 P, EU:C:2022:226). La Cour a jugé que, aux termes de la jurisprudence de la Cour EDH, dans une démarche subjective, il y a lieu de tenir compt......
  • Opinion of Advocate General Collins delivered on 15 December 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • December 15, 2022
    ...P, EU:C:2008:375, paragraph 46). 23 See the Simpson judgment (paragraph 57), and judgment of 24 March 2022, Wagenknecht v Commission (C‑130/21 P, EU:C:2022:226, paragraph 15), in respect of the Court of Justice and of the General Court. See judgment of 6 October 2021, W.Ż. (Chamber of Extra......
  • Harry Shindler and Others v Council of the European Union.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • June 15, 2023
    ...auswirken, soweit mit ihm die Klage als unzulässig abgewiesen wurde (vgl. in diesem Sinne Urteil vom 24. März 2022, Wagenknecht/Kommission, C‑130/21 P, EU:C:2022:226, Rn. 43 und die dort angeführte 72 Daraus folgt, dass aus den in den Rn. 69 und 70 des vorliegenden Urteils genannten Gründen......
  • Joshua David Silver and Others v Council of the European Union.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • June 15, 2023
    ...attaquée en tant que le recours a été rejeté comme étant irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2022, Wagenknecht/Commission, C‑130/21 P, EU:C:2022:226, point 43 et jurisprudence 49 Il s’ensuit que, pour les motifs énoncés aux points 46 et 47 du présent arrêt, c’est sans commettre ......
  • Request a trial to view additional results
9 cases
  • Opinion of Advocate General Collins delivered on 15 December 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • December 15, 2022
    ...Simpson/Consiglio e HG/Commissione (C‑542/18 RX‑II e C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232, punto 57) e del 24 marzo 2022, Wagenknecht/Commissione (C‑130/21 P, EU:C:2022:226, punto 15) per quanto concerne la Corte di giustizia e il Tribunale. V. anche sentenza del 6 ottobre 2021, W.Ż. (Sezione di c......
  • Harry Shindler and Others v Council of the European Union.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • June 15, 2023
    ...appeal in so far as that action was dismissed as inadmissible (see, to that effect, judgment of 24 March 2022, Wagenknecht v Commission, C‑130/21 P, EU:C:2022:226, paragraph 43 and the case-law 72 It follows that, for the reasons set out in paragraphs 69 and 70 of the present judgment, the ......
  • Joshua David Silver and Others v Council of the European Union.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • June 15, 2023
    ...attaquée en tant que le recours a été rejeté comme étant irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2022, Wagenknecht/Commission, C‑130/21 P, EU:C:2022:226, point 43 et jurisprudence 49 Il s’ensuit que, pour les motifs énoncés aux points 46 et 47 du présent arrêt, c’est sans commettre ......
  • Opinion of Advocate General Ćapeta delivered on 25 May 2023.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • May 25, 2023
    ...of 4 December 2019, H v Council (C‑413/18 P, not published, EU:C:2019:1044, paragraph 55), and of 24 March 2022, Wagenknecht v Commission (C‑130/21 P, EU:C:2022:226, paragraph 16). 51 See ECtHR, decision of 5 September 2006, pp. 6 to 11. Edizione provvisoria CONCLUSIONI DELL’AVVOCATO GENERA......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT