Commission of the European Communities v Kingdom of Spain.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:129
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-397/07
Date05 March 2009
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - fondé
Celex Number62007CC0397

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME Juliane Kokott

présentées le 5 mars 2009 (1)

Affaire C‑397/07

Commission des Communautés européennes

contre

Royaume d’Espagne

«Directive 69/335/CEE – Impôts indirects – Rassemblement de capitaux – Opérations de restructuration – Transfert du siège statutaire d’une société»





I – Introduction

1. Dans la présente procédure en constatation de manquement, la Commission des Communautés européennes reproche au Royaume d’Espagne d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (2).

2. Le litige porte, premièrement, sur des dispositions du droit espagnol qui subordonnent à l’option en faveur d’un régime fiscal déterminé des exonérations fiscales qui doivent obligatoirement être accordées en vertu de ladite directive. Deuxièmement, sont en cause des dispositions relatives à l’imposition du transfert de siège social d’un autre État membre vers le Royaume d’Espagne. Troisièmement, la Commission met en cause les dispositions espagnoles imposant le capital affecté à l’activité commerciale de sociétés étrangères en Espagne.

II – Cadre juridique

A – Directive 69/335

3. Comme il ressort de ses premier et deuxième considérants, la directive 69/335 vise à promouvoir la libre circulation des capitaux. À cette fin, ainsi qu’il ressort de ses sixième, septième et huitième considérants, cette directive vise à harmoniser le droit auquel sont soumis les apports à des sociétés par l’instauration d’un droit unique sur les rassemblements de capitaux (ci-après le «droit d’apport»). Ce dernier ne peut être appliqué qu’une seule fois au sein du marché commun.

4. Aux termes de l’article 2 de ladite directive:

«1. Les opérations soumises au droit d’apport sont uniquement taxables dans l’État membre sur le territoire duquel se trouve le siège de direction effective de la société de capitaux au moment où interviennent ces opérations.

[…]

3. Lorsque le siège statutaire et le siège de direction effective d’une société de capitaux se trouvent dans un pays tiers, la mise à la disposition, d’une succursale située dans un État membre, de capitaux investis ou de capitaux d’exploitation, peut être imposée dans l’État membre sur le territoire duquel la succursale est située.»

5. L’article 3 contient une définition des sociétés de capitaux au sens de la directive.

6. À l’article 4 de la directive sont énumérées les opérations soumises au droit d’apport. Parmi ces opérations, outre la constitution d’une société de capitaux et l’augmentation de son capital social, on compte également:

«g) le transfert d’un État membre dans un autre État membre du siège de direction effective d’une société, association ou personne morale qui est considérée, pour la perception du droit d’apport, comme société de capitaux dans ce dernier État membre, alors qu’elle ne l’est pas dans l’autre État membre;

h) le transfert d’un État membre dans un autre État membre du siège statutaire d’une société, association ou personne morale dont le siège de direction effective se trouve dans un pays tiers et qui est considérée, pour la perception du droit d’apport, comme société de capitaux dans ce dernier État membre, alors qu’elle ne l’est pas dans l’autre État membre».

7. Dans sa version initiale, l’article 7 de la directive 69/335 disposait ce qui suit relativement au montant du droit d’apport:

«1. Jusqu’à l’entrée en vigueur des dispositions à arrêter par le Conseil conformément au paragraphe 2:

a) le taux du droit d’apport ne peut dépasser 2 % ni être inférieur à 1 %;

b) ce taux est réduit de 50 % ou plus lorsqu’une ou plusieurs sociétés de capitaux apportent la totalité de leur patrimoine, ou une ou plusieurs branches de leur activité, à une ou plusieurs sociétés de capitaux en voie de création ou préexistantes.

[…]»

8. La directive 73/80/CEE (3) a réduit le taux du droit d’apport visé dans la version initiale de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive, en le fixant de 0 % à 0,50 %.

9. Le champ d’application du taux réduit du droit d’apport a été élargi par la directive 73/79/CEE du Conseil, du 9 avril 1973 (4). Cette directive a ajouté un point b) bis à l’article 7, paragraphe 1, qui englobe d’autres opérations de restructuration. Selon cette disposition, le taux du droit d’apport peut également être réduit de 50 %:

«lorsqu’une société de capitaux en voie de création ou préexistante obtient des parts représentant au moins 75 % du capital social antérieurement émis d’une autre société de capitaux. Dans le cas où ce pourcentage est atteint à la suite de plusieurs opérations, c’est seulement l’opération grâce à laquelle ce pourcentage est atteint, ainsi que les opérations subséquentes augmentant ce pourcentage, qui bénéficient du taux réduit».

10. D’autres modifications ont été apportées par la directive 85/303 (5). Celle-ci a élargi la finalité de la directive, comme il appert de ses deuxième et troisième considérants:

«considérant que les effets économiques du droit d’apport sont défavorables au regroupement et au développement des entreprises; que ces effets sont particulièrement négatifs dans la conjoncture actuelle, qui commande impérativement que la priorité soit donnée à la relance des investissements;

considérant que la meilleure solution pour atteindre ces objectifs consisterait à supprimer le droit d’apport; […]»

11. Dans la version résultant de la directive 85/303, l’article 7 est à présent libellé comme suit:

«1. Les États membres exonèrent du droit d’apport les opérations, autres que celles visées à l’article 9, qui étaient exonérées ou taxées à un taux égal ou inférieur à 0,50 % à la date du 1er juillet 1984.

[…]

2. Les États membres peuvent, soit exonérer du droit d’apport toutes les opérations autres que celles visées au paragraphe 1, soit les soumettre à un taux unique ne dépassant pas 1 %.»

B – Droit national

12. L’article 19, paragraphe 1, point 1, de la loi espagnole relative à l’impôt sur les transmissions patrimoniales et les actes juridiques instrumentaires (Ley del Impuesto sobre Transmisiones Patrimoniales y Actos Jurídicos Documentados ou TRLITPAJD, ci-après la «loi fiscale»), approuvée par le décret-loi royal (Real Decreto Legislativo) n° 1/1993 (6), définit les opérations qui sont soumises au droit d’apport. Ces opérations imposables comprennent la constitution, l’augmentation et la réduction du capital, la fusion, la scission et la dissolution de sociétés.

13. Les articles 45, partie I, sous b), point 10, et 21 de la loi fiscale, en combinaison avec la deuxième disposition additionnelle de la version codifiée de la loi espagnole relative à l’impôt sur les sociétés (Ley del Impuesto sobre Sociedades ou TRLIS, ci-après la «TRLIS») (7), dispose que sont exonérées les opérations sociales de fusion, de scission, d’apport d’actifs et d’échange de titres définies au chapitre VIII, titre VII, de la TRLIS, qui établit à cet égard un régime spécial, sous réserve que ledit régime spécial soit applicable à l’opération sociale en question.

14. L’article 96 de la TRLIS, intitulé «Application du régime fiscal», fixe les conditions d’application de ce régime spécial:

«1. L’application du régime instauré dans le présent chapitre est subordonnée à une option en sa faveur, cette option de régime fiscal se faisant conformément aux règles suivantes:

a) En cas d’opérations de fusion ou de scission, cette option fiscale devra être incluse dans le projet et dans les traités de fusion ou de scission des parties à ces opérations ayant leur résidence fiscale en Espagne.

[…]

b) S’agissant des apports en nature, l’option fiscale est exercée par l’acquéresse et apparaît sur la résolution sociale correspondante ou, à défaut, sur l’acte authentique constatant l’opération ou le contrat en cause.

[…]

c) En cas d’opérations d’échange de titres, l’option est exercée par l’acquéresse et apparaît sur la résolution sociale correspondante ou, à défaut, sur l’acte authentique constatant l’opération ou le contrat en cause. En cas d’offre publique d’achat d’actions, l’option est exercée par l’organe social compétent pour réaliser l’opération et apparaît dans la note d’information.

[…]

Dans tous les cas, l’exercice de l’option fiscale doit être communiqué au ministère des Finances sous la forme et dans les délais prévus par la réglementation en vigueur.

2. Le régime établi dans le présent chapitre ne s’applique pas lorsque l’opération réalisée a pour objectif principal une fraude ou une évasion fiscales. En particulier, ce régime ne s’applique pas lorsque l’opération est effectuée non pas pour des motifs économiques valables tels que la restructuration ou la rationalisation des activités des entités participant à l’opération, mais à seule fin d’obtenir un avantage fiscal.»

15. En vertu de l’article 19, paragraphe 3, de la loi fiscale constitue un fait générateur de l’impôt: «le transfert en Espagne du siège de direction effective ou du siège social d’une société, lorsque ni l’un ni l’autre n’étaient préalablement situés dans un État membre de la Communauté économique européenne, ou lorsque, dans ceux-ci, l’entité n’était pas soumise à un impôt analogue à celui prévu au présent titre».

16. L’article 20 de la loi fiscale dispose:

«Les entités qui réalisent, par l’intermédiaire de succursales ou d’établissements permanents, des opérations commerciales sur le territoire espagnol et dont le siège social ainsi que le siège de leur direction effective se trouvent dans des pays n’appartenant pas à la Communauté économique européenne ou qui, situés dans de tels pays, ne sont pas soumises à une imposition analogue à celle qui fait l’objet du présent titre, sont imposées de la même façon et dans les mêmes conditions que les entités espagnoles pour la part de capital qu’elles destinent auxdites opérations.»

III – Procédure et...

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