Opinion of Advocate General Bobek delivered on 12 June 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:425
Date12 June 2018
Celex Number62016CC0594
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-594/16
62016CC0594

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 12 juin 2018 ( 1 )

Affaire C‑594/16

Enzo Buccioni

contre

Banca d’Italia

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Accès à l’activité d’établissement de crédit et surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement – Secret professionnel – Faillite ou liquidation forcée d’un établissement de crédit – Divulgation d’informations confidentielles dans le cadre de procédures civiles ou commerciales – Demande d’accès à des documents avant l’ouverture d’une procédure civile ou commerciale – Recours en indemnisation »

I. Introduction

1.

Enzo Buccioni était titulaire d’un compte courant auprès de la Banca Network Investimenti SpA (ci‑après la « BNI »). Durant l’année 2012, cette banque a fait l’objet d’une liquidation forcée. Le régime italien de garantie des dépôts ne lui a remboursé qu’une partie des sommes inscrites au crédit de son compte. En conséquence, il a perdu plus de 81000 euros.

2.

M. Buccioni a demandé à la Banca d’Italia (Banque d’Italie), autorité de surveillance du secteur bancaire italien, l’accès à des documents relatifs à la surveillance de la BNI. Il a formé cette demande afin d’évaluer la possibilité d’introduire une action judiciaire à l’encontre de la Banque d’Italie en raison du préjudice financier qu’il a subi. Celle‑ci a refusé l’accès à certains de ces documents au motif qu’ils contenaient des informations confidentielles.

3.

M. Buccioni a contesté cette décision devant le juge administratif italien. Invoquant plusieurs dispositions du droit de l’Union, tout particulièrement l’article 53 de la directive 2013/36/UE ( 2 ), le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) a saisi la Cour de questions préjudicielles. Il demande en substance si une personne se trouvant dans la situation de M. Buccioni, à savoir qui envisage de former contre l’autorité nationale de surveillance du secteur bancaire un recours en indemnisation du préjudice financier allégué en raison de défaillances dans la surveillance ayant conduit à la liquidation forcée d’une banque, peut avoir accès aux documents nécessaires à cette fin.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La directive 2013/36

4.

La directive 2013/36 fixe les règles concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement. Elle précise également des règles relatives aux pouvoirs et outils de surveillance de ces établissements.

5.

Son article 53 est intitulé « Secret professionnel ». Il dispose en son paragraphe 1 :

« Les États membres prévoient que toutes les personnes exerçant ou ayant travaillé pour les autorités compétentes, ainsi que les réviseurs ou les experts mandatés par les autorités compétentes, sont tenus au secret professionnel.

Les informations confidentielles que ces personnes, réviseurs et experts reçoivent dans l’exercice de leurs attributions ne peuvent être divulguées que sous une forme résumée ou agrégée, de façon à ce que les établissements de crédit ne puissent pas être identifiés, sans préjudice des cas relevant du droit pénal.

Néanmoins, lorsqu’un établissement de crédit a été déclaré en faillite ou que sa liquidation forcée a été ordonnée, les informations confidentielles qui ne concernent pas les tiers impliqués dans les tentatives de sauvetage de cet établissement de crédit peuvent être divulguées dans le cadre de procédures civiles ou commerciales. »

B. Le droit italien

6.

En Italie, l’accès aux documents administratifs est régi par la Legge 7 agosto 1990, n. 241, recante nuove norme in materia di procedimento amministrativo e di diritto di accesso ai documenti amministrativi, e successive modificazioni (loi no 241 du 7 août 1990, telle que modifiée, portant nouvelles dispositions en matière de procédure administrative et de droit d’accès aux documents administratifs, ci‑après la « loi no 241/1990 »).

7.

L’article 22, paragraphes 2 et 3, de la loi no 241/1990 dispose :

« 2. L’accès aux documents administratifs, au vu de l’importance de ses objectifs d’intérêt public, constitue un principe général de l’activité administrative qui vise à favoriser la participation et à en assurer l’impartialité et la transparence.

3. Tous les documents administratifs sont accessibles, à l’exception de ceux visés à l’article 24, paragraphes 1, 2, 3, 5 et 6. »

8.

L’article 24 de la loi no 241/1990 prévoit des exceptions au droit d’accès. Ses paragraphes 1, sous a), 2 et 7, disposent :

« 1. Le droit d’accès est exclu en ce qui concerne :

a)

les documents couverts par le secret d’État en vertu de la loi no 801 du 24 octobre 1977, et ses modifications ultérieures, et les cas de secret ou d’interdiction de divulgation expressément prévus par la loi, par le règlement gouvernemental visé au paragraphe 6 et par les administrations publiques visées au paragraphe 2 du présent article ;

[…]

2. Chaque administration publique détermine les catégories de documents par elle établis ou, en tout état de cause, détenus qui sont exclus du droit d’accès au titre du paragraphe 1.

[…]

7. Le demandeur doit en tout état de cause se voir garantir l’accès aux documents administratifs dont la connaissance est nécessaire à la protection et à la défense de ses intérêts juridiques. […] »

9.

L’article 7 du Decreto legislativo 1o settembre 1993, n. 385, recante il testo unico delle leggi in materia bancaria e creditizia (décret‑loi no 385, du 1er septembre 1993, tel que modifié, portant texte unique des lois en matière bancaire et de crédit), intitulé « Secret professionnel et coopération entre autorités », dispose ce qui suit en son paragraphe 1 :

« Toutes les informations et données que la Banque d’Italie détient du fait de son activité de surveillance sont couvertes par le secret professionnel, y compris à l’égard des administrations publiques, à l’exception du ministre de l’Économie et des Finances, en sa qualité de président du CICR [Comitato interministeriale per il credito e il risparmio (comité interministériel du crédit et de l’épargne, Italie)]. Le secret est inopposable à l’autorité judiciaire lorsque les informations demandées sont nécessaires aux enquêtes ou aux procédures relatives à des infractions sanctionnées pénalement. »

10.

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision du gouverneur de la Banque d’Italie du 16 mai 1994 portant règlement concernant l’exclusion de l’exercice du droit d’accès en vertu de l’article 24, paragraphe 2, de la loi no 241/1990 :

« Conformément à l’article 24, paragraphe 1, de la loi no 241/1990, sont exclus du droit d’accès :

a)

les documents administratifs, à caractère général ou particulier, contenant des informations et des données détenues par la Banque d’Italie du fait de son activité de surveillance visant à l’information, à la réglementation, à l’inspection et à la gestion de crise, exercée vis‑à‑vis des banques, des groupes bancaires, des intermédiaires financiers, des sociétés de courtage, des fonds communs de placement de type fermé et de type ouvert, des fonds de placement immobilier fermés et des sociétés d’investissement à capital variable, ainsi que de toute autre activité de surveillance concernant l’accès à l’intermédiation bancaire ou financière et son exercice, couverts par le secret professionnel en vertu de l’article 7 du décret législatif no 385 du 1er septembre 1993 [et d’autres textes]. »

III. Les faits, la procédure nationale et les questions préjudicielles déférées

11.

Durant l’année 2004, M. Buccioni a ouvert un compte courant auprès de la BNI, banque italienne. Ce compte présentait un solde créditeur de 181325,31 euros au 5 août 2012. Après que la BNI a fait l’objet d’une liquidation forcée, il n’a été remboursé que de 100000 euros par le Fondo Interbancario di Tutela dei Depositi (fonds interbancaire italien de protection des dépôts).

12.

Le 3 avril 2015, le requérant a saisi la Banque d’Italie, autorité de surveillance du système bancaire italien, d’une demande d’accès à des documents qu’elle détenait en sa qualité d’autorité de surveillance de la BNI. Comme les parties intéressées l’ont confirmé lors de l’audience, il a souhaité l’accès à ces documents pour évaluer l’existence d’informations pertinentes qui lui permettraient de former un recours contre la Banque d’Italie afin d’établir sa responsabilité dans le préjudice financier qu’il a subi en raison de la liquidation forcée de la BNI.

13.

Par décision du 20 mai 2015, la Banque d’Italie a accueilli la demande d’accès du requérant à certains documents, mais l’a refusée pour d’autres. Elle a fait valoir que ces derniers contenaient des données détenues pour les besoins de la surveillance du secteur bancaire et qu’ils ne pouvaient donc être divulgués en vertu de l’application combinée de l’article 24, paragraphes 1 et 2, de la loi no 241/1990 et de l’article 2 de la décision du gouverneur de la Banque d’Italie.

14.

Le requérant a attaqué cette décision devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio‑Roma (tribunal administratif régional du Latium, Rome, Italie) en demandant son annulation et, en conséquence, la reconnaissance de son droit à consulter et à obtenir une copie de tous les documents auxquels il avait demandé l’accès. Son recours a été rejeté par jugement du 2 décembre 2015.

15.

Le requérant a alors interjeté appel devant la juridiction de renvoi, le Consiglio di Stato (Conseil d’État). Dans le cadre de son pourvoi, il a notamment soutenu que le juge de première instance...

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