Opinion of Advocate General Bobek delivered on 23 May 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:445
Docket NumberC-239/18
Celex Number62018CC0239
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date23 May 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 23 mai 2019 (1)

Affaire C239/18

Saatgut-Treuhandverwaltungs GmbH

contre

Freistaat Thüringen

(demande de décision préjudicielle formée par le Thüringer Oberlandesgericht (tribunal régional supérieur de la Thuringe, Allemagne))

« Renvoi préjudiciel – Variétés végétales – Régime de protection – Article 14, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2100/94 et article 11 du règlement (CE) no 1768/95 – Utilisation par des agriculteurs du produit de la récolte – Organismes officiels impliqués dans le contrôle de la production agricole – Notion – Obligation de donner l’information au titulaire de la protection communautaire des obtentions végétales – Étendue – Teneur de la demande d’information – Espèces ou variétés – Dérogations à l’obligation de donner l’information – Charges ou coûts supplémentaires liés à l’extraction de l’information d’une base de données »






I. Introduction

1. Saatgut-Treuhandverwaltungs GmbH (ci‑après l’« appelante ») représente un certain nombre d’entreprises de production de semences titulaires de droits d’obtention végétale. En droit de l’Union, les variétés de tous les genres et de toutes les espèces botaniques peuvent faire l’objet de droits d’obtention végétale. Les titulaires de ces droits de propriété intellectuelle reçoivent une rémunération en compensation de l’utilisation des variétés protégées. À cet effet, les titulaires de variétés sont habilités à solliciter et à recevoir certaines informations des agriculteurs, des prestataires d’opérations de triage à façon ou d’organismes officiels impliqués dans le contrôle de la production agricole, pour sauvegarder leur droit à rémunération.

2. Dans les arrêts Schulin (2) et Brangewitz (3), la Cour a examiné le type et l’étendue des informations que les titulaires d’obtention végétale pouvaient solliciter respectivement d’agriculteurs et de prestataires d’opérations de triage à façon. En l’espèce, la Cour est appelée à compléter le tableau pour les demandes faites par des titulaires à des organismes officiels : dans quelle mesure le titulaire d’une obtention végétale peut-il obtenir des informations (de quel type) d’organismes officiels (lesquels) pour exercer son droit à rémunération ?

II. Le cadre juridique en droit de l’Union

A. Le règlement de base

3. L’article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) nº 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales (4) (ci‑après le « règlement de base ») se lit comme suit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par “variété” un ensemble végétal d’un seul taxon botanique du rang le plus bas connu… ».

4. En vertu de l’article 13, paragraphe 2, « sans préjudice des articles 15 et 16, l’autorisation du titulaire est requise pour les actes suivants en ce qui concerne les constituants variétaux ou le matériel de récolte de la variété protégée, ci‑après dénommés “matériel” : a) production ou reproduction (multiplication) … »

5. L’article 14 du règlement de base est intitulé « Dérogation à la protection communautaire des obtentions végétales ». il dispose en son paragraphe 1 que « nonobstant l’article 13, paragraphe 2, et afin de sauvegarder la production agricole, les agriculteurs sont autorisés à utiliser, à des fins de multiplication en plein air dans leur propre exploitation, le produit de la récolte obtenu par la mise en culture, dans leur propre exploitation, de matériel de multiplication d’une variété bénéficiant d’une protection communautaire des obtentions végétales autre qu’une variété hybride ou synthétique ».

6. L’article 14, paragraphe 2, du règlement de base précise que le paragraphe 1 s’applique uniquement aux espèces de plantes agricoles qu’il énumère.

7. La disposition centrale, l’article 14, paragraphe 3, se lit comme suit :

« Les conditions permettant de donner effet à la dérogation prévue au paragraphe 1 et de sauvegarder les intérêts légitimes de l’obtenteur et de l’agriculteur sont fixées, avant l’entrée en vigueur du présent règlement, dans le règlement d’application visé à l’article 114, sur la base des critères suivants :

– il n’y a aucune restriction quantitative au niveau de l’exploitation de l’agriculteur dans la mesure nécessaire aux besoins de l’exploitation,

– le produit de la récolte peut être préparé en vue de la mise en culture, par l’agriculteur lui‑même ou par prestation de services, sans préjudice de certaines restrictions que les États membres peuvent établir sur le plan de l’organisation de la préparation dudit produit de la récolte, notamment en vue de garantir que le produit soumis à préparation est identique à celui qui résulte de la préparation,

– les petits agriculteurs ne sont pas tenus de payer une rémunération au titulaire ; par “petits agriculteurs” on entend :

– dans le cas des espèces végétales visées au paragraphe 2 auxquelles s’applique le règlement (CEE) nº 1765/92 du Conseil, du 30 juin 1992, instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables (JO 1992, L 181, p. 12), les agriculteurs qui ne cultivent pas d’espèces végétales sur une surface supérieure à celle qui serait nécessaire pour produire 92 tonnes de céréales ; pour le calcul de cette surface, l’article 8 paragraphe 2 du règlement susmentionné est d’application ;

– dans le cas d’autres espèces végétales visées au paragraphe 2 du présent article, les agriculteurs qui répondent à des critères appropriés comparables,

– les autres agriculteurs sont tenus de payer au titulaire une rémunération équitable, qui doit être sensiblement inférieure au montant perçu pour la production sous licence de matériel de multiplication de la même variété dans la même région ; le niveau effectif de cette rémunération équitable peut être sujet à des variations dans le temps, compte tenu de la mesure dans laquelle il sera fait usage de la dérogation prévue au paragraphe 1 pour la variété concernée,

– la responsabilité du contrôle de l’application du présent article ou des dispositions adoptées au titre du présent article incombe exclusivement aux titulaires ; dans l’organisation de ce contrôle, ils ne peuvent pas avoir recours aux services d’organismes officiels,

– toute information pertinente est fournie sur demande aux titulaires par les agriculteurs et les prestataires d’opérations de triage à façon ; toute information pertinente peut également être fournie par les organismes officiels impliqués dans le contrôle de la production agricole, si cette information a été obtenue dans l’exercice normal de leurs tâches, sans charges ni coûts supplémentaires. Ces dispositions n’affectent en rien, pour ce qui est des données à caractère personnel, la législation communautaire et nationale ayant trait à la protection des personnes en ce qui concerne le traitement et la libre circulation des données à caractère personnel ».

B. Le règlement d’application

8. L’article 11 du règlement (CE) nº 1768/95 de la Commission, du 24 juillet 1995, établissant les modalités d’application de la dérogation prévue à l’article 14, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 2100/94 du Conseil instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales (5) (ci‑après le « règlement d’application ») dispose :

« 1. Toute demande d’information sur l’utilisation réelle, par sa mise en culture, de matériel d’espèces ou de variétés spécifiques ou sur les résultats d’une telle utilisation, adressée par un titulaire à un organisme officiel, doit être faite par écrit. Dans cette demande, le titulaire précisera ses nom et adresse, la ou les variétés pour lesquelles il sollicite une information et le type d’information qu’il souhaite. Il fournira également les preuves de sa propriété.

2. Sans préjudice des dispositions de l’article 12, l’organisme officiel ne peut retenir l’information demandée que si :

– il n’est pas impliqué dans le contrôle de la production agricole,

– il n’est pas autorisé, en vertu de la législation communautaire ou de la législation des États membres relative à la réserve générale applicable aux activités des organismes officiels, à communiquer ces informations aux titulaires,

– en vertu de la législation communautaire ou de la législation des États membres au titre desquelles les informations ont été collectées, il a toute discrétion pour retenir cette information,

– l’information demandée n’est pas ou plus disponible,

– cette information ne peut être obtenue dans le cadre de l’exercice normal de ses tâches,

– cette information ne peut être obtenue que moyennant des charges ou des coûts supplémentaires

ou

– cette information concerne spécifiquement du matériel étranger aux variétés du titulaire.

Les organismes officiels concernés informent la Commission de la façon dont ils exercent la réserve visée au troisième tiret.

3. Lors de la fourniture des informations, l’organisme officiel ne fait aucune différence entre les titulaires. L’organisme officiel peut fournir les informations demandées par le titulaire sous la forme de copies de documents contenant des informations supplémentaires à celles concernant le matériel des variétés du titulaire pour autant qu’il soit garanti que toute possibilité d’identification des individus protégés par les dispositions visées à l’article 12 ait été supprimée.

4. Si l’organisme officiel décide de retenir l’information demandée, il informe par écrit le titulaire qui la sollicite et motive cette décision ».

III. Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

9. L’appelante est une entreprise allemande de gestion fiduciaire agissant au nom d’obtenteurs principalement allemands (6). Ceux-ci sont titulaires d’un droit d’obtention végétale ou de droits exclusifs d’exploitation des variétés protégées à des fins agricoles en Allemagne. Ils ont confié à l’appelante la tâche d’exercer en leur nom propre le droit à rémunération que les titulaires tirent de la culture de variétés végétales...

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