Ville de Lyon v Caisse des dépôts et consignations.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:613
Docket NumberC-524/09
Celex Number62009CC0524
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date14 October 2010

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 14 octobre 2010 (1)

Affaire C‑524/09

Ville de Lyon

contre

Caisse des dépôts et consignations

[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal administratif de Paris (France)]

«Politique environnementale – Directive 2003/87/CE – Certificat d’émission de gaz à effet de serre – Règlement (CE) n° 2216/2004 – Système de registre communautaire – Directive 2003/4/CE – Accès aux informations environnementales – Accès aux informations relatives aux transactions de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Refus de communication – Compétences de l’administrateur central et de l’administrateur du registre national – Confidentialité des informations contenues dans le registre et possibilité de dérogation»





I – Introduction

1. La présente demande de renvoi préjudiciel a pour objet l’accès aux informations relatives à la vente de droits d’émission. Les informations litigieuses sont enregistrées dans des registres qui relèvent du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre en vertu de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, conformément aux mécanismes de projet du protocole de Kyoto (2).

2. Il convient tout d’abord de clarifier s’il s’agit à cet égard d’informations environnementales au sens de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil (3) (ci‑après la «directive sur l’information environnementale»).

3. Par ailleurs, il y a lieu d’examiner le rapport existant entre la directive sur l’information environnementale et le règlement (CE) n° 2216/2004 de la Commission, du 21 décembre 2004, concernant un système de registres normalisé et sécurisé conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil et à la décision n° 280/2004/CE du Parlement européen et du Conseil (4). Il existe un doute quant à la question de savoir si les dispositions restrictives du règlement relatif à la divulgation des informations en cause écartent la directive en tant que lex specialis ou si, à tout le moins, elles affectent l’application de la directive.

II – Le cadre juridique

A – L’accès à l’information environnementale

4. Au niveau international, l’Union européenne s’est engagée par la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (5) (ci-après la «convention d’Aarhus»), signée par la Communauté européenne le 25 juin 1998 à Aarhus (Danemark) (6), de garantir l’accès à l’information environnementale.

5. D’éventuelles restrictions au droit d’accès figurent, notamment, à l’article 4, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus:

«Une demande d’informations sur l’environnement peut être rejetée au cas où la divulgation de ces informations aurait des incidences défavorables sur:

[…]

d) Le secret commercial et industriel lorsque ce secret est protégé par la loi afin de défendre un intérêt économique légitime. Dans ce cadre, les informations sur les émissions qui sont pertinentes pour la protection de l’environnement doivent être divulguées;

e) les droits de propriété intellectuelle;

f) le caractère confidentiel des données et/ou des dossiers personnels concernant une personne physique si cette personne n’a pas consenti la divulgation de ces informations au public, lorsque le caractère confidentiel de ce type d’information est prévu par le droit interne;

[…]

Les motifs de rejet susmentionnés devront être interprétés de manière restrictive compte tenu de l’intérêt que la divulgation des informations demandées présenterait pour le public et selon que ces informations ont trait ou non aux émissions dans l’environnement.»

6. La directive sur l’information environnementale transpose la convention d’Aarhus pour l’Union. L’article 2 définit notamment la notion d’information environnementale:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

1. ‘information environnementale’: toute information disponible sous forme écrite, visuelle, sonore, électronique ou toute autre forme matérielle, concernant:

a) l’état des éléments de l’environnement, tels que l’air et l’atmosphère, l’eau, le sol, les terres, les paysages et les sites naturels y compris les biotopes humides, les zones côtières et marines, la diversité biologique et ses composantes, y compris les organismes génétiquement modifiés, ainsi que l’interaction entre ces éléments;

b) des facteurs, tels que les substances, l’énergie, le bruit, les rayonnements ou les déchets, y compris les déchets radioactifs, les émissions, les déversements et autres rejets dans l’environnement, qui ont ou sont susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement visés au point a);

c) les mesures (y compris les mesures administratives), telles que les politiques, les dispositions législatives, les plans, les programmes, les accords environnementaux et les activités ayant ou susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments et les facteurs visés aux points a) et b), ainsi que les mesures ou activités destinées à protéger ces éléments;

d) les rapports sur l’application de la législation environnementale;

e) les analyses coût-avantages et autres analyses et hypothèses économiques utilisées dans le cadre des mesures et activités visées au point c), et

f) l’état de la santé humaine, la sécurité, y compris, le cas échéant, la contamination de la chaîne alimentaire, et les conditions de vie des personnes, les sites culturels et les constructions, pour autant qu’ils soient ou puissent être altérés par l’état des éléments de l’environnement visés au point a), ou, par l’intermédiaire de ces éléments, par l’un des facteurs, mesures ou activités visés aux points b) et c);

[…]»

7. L’article 3, paragraphe 1, de la directive sur l’information environnementale régit le droit d’accès à l’information environnementale:

«Les États membres veillent à ce que les autorités publiques soient tenues, conformément à la présente directive, de mettre à la disposition de tout demandeur, et sans que celui-ci soit obligé de faire valoir un intérêt, les informations environnementales qu’elles détiennent ou qui sont détenues pour leur compte.»

8. L’article 4, paragraphe 2, de cette même directive prévoit des dérogations et stipule:

«Les États membres peuvent prévoir qu’une demande d’informations environnementales peut être rejetée lorsque la divulgation des informations porterait atteinte:

a) à la confidentialité des délibérations des autorités publiques, lorsque cette confidentialité est prévue en droit;

b) aux relations internationales, à la sécurité publique ou à la défense nationale;

c) à la bonne marche de la justice, à la possibilité pour toute personne d’être jugée équitablement ou à la capacité d’une autorité publique de mener une enquête à caractère pénal ou disciplinaire;

d) à la confidentialité des informations commerciales ou industrielles, lorsque cette confidentialité est prévue par le droit national ou communautaire afin de protéger un intérêt économique légitime, y compris l’intérêt public lié à la préservation de la confidentialité des statistiques et du secret fiscal;

e) à des droits de propriété intellectuelle;

f) à la confidentialité des données à caractère personnel et/ou des dossiers concernant une personne physique si cette personne n’a pas consenti à la divulgation de ces informations au public, lorsque la confidentialité de ce type d’information est prévue par le droit national ou communautaire;

g) aux intérêts ou à la protection de toute personne qui a fourni les informations demandées sur une base volontaire sans y être contrainte par la loi ou sans que la loi puisse l’y contraindre, à moins que cette personne n’ait consenti à la divulgation de ces données;

h) à la protection de l’environnement auquel se rapportent ces informations, telles que la localisation d’espèces rares.

Les motifs de refus visés aux paragraphes 1 et 2 sont interprétés de manière restrictive, en tenant compte dans le cas d’espèce de l’intérêt que présenterait pour le public la divulgation de l’information. Dans chaque cas particulier, l’intérêt public servi par la divulgation est mis en balance avec l’intérêt servi par le refus de divulguer. Les États membres ne peuvent, en vertu du paragraphe 2, points a), d), f), g) et h), prévoir qu’une demande soit rejetée lorsqu’elle concerne des informations relatives à des émissions dans l’environnement.

[…]»

B – Les réglementations relatives à l’échange de quotas d’émission

9. L’Union est partie contractante à l’accord-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (7) conclu en juin 1992 à Rio de Janeiro et au protocole de Kyoto qui en résulte (8). L’objectif de ce protocole est de réduire le total des émissions des gaz à effet de serre d’au moins 5 % par rapport au niveau de ces émissions pour l’année 1990 au cours de la période allant de 2008 à 2012. L’engagement global pris par l’Union et ses États membres au titre du protocole de Kyoto porte sur une réduction totale des émissions de gaz à effet de serre de 8 % par rapport au niveau de ces émissions pour l’année 1990 durant la période d’engagement susmentionnée.

10. Un élément de la stratégie de mise en œuvre de ces obligations est la directive 2003/87. Le système mis en place consiste à accorder aux opérateurs dans certaines branches de l’économie des droits limités d’émission de gaz à effet de serre. Ces derniers peuvent exercer ces droits ou les transférer à d’autres opérateurs si ceux-ci souhaitent rejeter des quantités plus importantes de gaz à effet de serre que celles qui leur sont dévolues.

11. L’article...

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