Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe delivered on 2 June 2016.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:387
Date02 June 2016
Celex Number62015CC0119
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-119/15
62015CC0119

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 2 juin 2016 ( 1 )

Affaire C‑119/15

Biuro podróży « Partner » Sp. z o.o., Sp. komandytowa w Dąbrowie Górniczej

contre

Prezes Urzędu Ochrony Konkurencji i Konsumentów

[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Apelacyjny w Warszawie VI Wydział Cywilny (cour d’appel de Varsovie, division civile, Pologne)]

«Renvoi préjudiciel — Protection des consommateurs — Directive 93/13/CE — Directive 2009/22/CE — Effet erga omnes d’une décision judiciaire constatant le caractère abusif d’une clause de conditions générales dès l’inscription de cette clause dans un registre public — Sanction pécuniaire infligée au professionnel ayant utilisé une telle clause ou une clause équivalente dans ses conditions générales sans que celui-ci ait participé à la procédure visant à la constatation du caractère abusif de la clause — Article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Droit d’être entendu»

I – Introduction

1.

Une décision judiciaire constatant le caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat de consommation peut évidemment avoir un caractère contraignant en tant que précédent juridique. Les États membres peuvent-ils cependant accorder à une telle décision un effet erga omnes, de manière à lier des professionnels n’ayant pas participé à la procédure ? Telle est la question qui se pose à la Cour dans cette affaire.

2.

La demande de décision préjudicielle s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant un professionnel aux autorités polonaises de protection de la concurrence et des consommateurs au sujet de l’imposition d’une amende à ce professionnel au motif qu’il utilise, dans ses contrats avec des consommateurs, des clauses de conditions générales considérées comme équivalentes à des clauses antérieurement jugées abusives et inscrites, à ce titre, à un registre public, alors que ce professionnel n’a pas participé à la procédure ayant abouti à la constatation du caractère abusif des clauses figurant au registre.

3.

La juridiction de renvoi interroge la Cour principalement sur le point de savoir, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7 de la directive 93/13/CEE ( 2 ), lus en combinaison avec les articles 1er et 2 de la directive 2009/22/CE ( 3 ), s’opposent à une réglementation telle que celle en cause dans le litige dont cette juridiction est saisie.

4.

Dans ce contexte, la Cour est invitée à déterminer, de façon inédite, les limites de l’autonomie procédurale des États membres dans le cadre de la directive 93/13 et le juste équilibre entre la protection efficace des consommateurs contre des clauses abusives et le droit du professionnel d’être entendu, garanti par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. La directive 93/13

5.

L’article 3 de la directive 93/13 dispose :

« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

[…]

Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe.

3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. »

6.

En ce qui concerne l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle, l’article 4, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend. »

7.

L’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, dispose :

« 1. Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

8.

L’article 7 de la directive 93/13 dispose :

« 1. Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.

2. Les moyens visés au paragraphe 1 comprennent des dispositions permettant à des personnes ou à des organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir, selon le droit national, les tribunaux ou les organes administratifs compétents afin qu’ils déterminent si des clauses contractuelles, rédigées en vue d’une utilisation généralisée, ont un caractère abusif et appliquent des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation de telles clauses.

3. Dans le respect de la législation nationale, les recours visés au paragraphe 2 peuvent être dirigés, séparément ou conjointement, contre plusieurs professionnels du même secteur économique ou leurs associations qui utilisent ou recommandent l’utilisation des mêmes clauses contractuelles générales, ou de clauses similaires. »

9.

L’article 8 de la directive 93/13 prévoit que les États membres peuvent adopter ou maintenir des dispositions plus strictes que celles prévues dans cette directive, dans la mesure où elles sont compatibles avec le traité.

10.

L’article 8 bis, paragraphe 1, de la directive 93/13 se lit comme suit ( 4 ) :

« 1. Lorsqu’un État membre adopte des dispositions conformément à l’article 8, il informe la Commission de l’adoption desdites dispositions ainsi que de toutes modifications ultérieures, en particulier lorsque ces dispositions :

[...]

contiennent des listes de clauses contractuelles réputées abusives. »

2. La directive 2009/22

11.

L’article 1er de la directive 2009/22, dans sa version en vigueur au moment des faits du litige au principal, intitulé « Champ d’application », dispose :

« 1. La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux actions en cessation, mentionnées à l’article 2, visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs inclus dans les directives énumérées à l’annexe I, afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur.

2. Aux fins de la présente directive, on entend par infraction tout acte qui est contraire aux directives énumérées à l’annexe I telles que transposées dans l’ordre juridique interne des États membres et qui porte atteinte aux intérêts collectifs visés au paragraphe 1. »

12.

L’annexe I de la directive 2009/22, intitulée « Liste des directives visées à l’article 1er », mentionne, au point 5, la directive 93/13.

13.

L’article 2, paragraphe 1, de la directive 2009/22, intitulé « Actions en cessation », dispose :

« 1. Les États membres désignent les tribunaux ou autorités administratives compétents pour statuer sur les recours formés par les entités qualifiées au sens de l’article 3 visant :

a)

à faire cesser ou interdire toute infraction, avec toute la diligence requise et, le cas échéant, dans le cadre d’une procédure d’urgence ;

b)

le cas échéant, à obtenir la prise de mesures telles que la publication de la décision, en tout ou en partie, sous une forme réputée convenir et/ou la publication d’une déclaration rectificative, en vue d’éliminer les effets persistants de l’infraction ;

c)

dans la mesure où le système juridique de l’État membre concerné le permet, à faire condamner le défendeur qui succombe à verser au trésor public ou à tout bénéficiaire désigné ou prévu par la législation nationale, en cas de non-exécution de la décision au terme du délai fixé par les tribunaux ou les autorités administratives, une somme déterminée par jour de retard ou toute autre somme prévue par la législation nationale aux fins de garantir l’exécution des décisions. »

B – Le droit polonais

1. La loi sur la protection de la concurrence et des consommateurs

14.

L’article 24, paragraphe 1 et paragraphe 2, point 1, de l’Ustawa o ochronie konkurencji i konsumentów (loi sur la protection de la concurrence et des consommateurs), du 16 février 2007 (Dz. U. no 50, position 331), dans sa version applicable à l’affaire au principal, dispose ( 5 ):

« 1. Le recours à des pratiques portant atteinte aux intérêts collectifs des consommateurs est prohibé.

2. On entend par pratique portant atteinte aux intérêts collectifs des consommateurs tout comportement illicite d’un professionnel menaçant ces intérêts, en particulier :

1)

l’utilisation de clauses de conditions générales qui ont été inscrites au registre des clauses de conditions générales jugées illicites, visé à l’article 47945 de la loi du 17 novembre 1964, portant code de procédure civile (Dz. U., no 43, position 296...

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