Reemtsma Cigarettenfabriken GmbH v Ministero delle Finanze.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:377
Date08 June 2006
Celex Number62005CC0035
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-35/05

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Eleanor SHARPSTON

présentées le 8 juin 2006 (1)

Affaire C‑35/05

Reemtsma Cigarettenfabriken GmbH

contre

Ministero delle Finanze

[demande de décision préjudicielle formée par la Corte suprema di cassazione (Italie)]

«TVA – Modalités de remboursement – Assujettis non établis à l'intérieur du pays»





1. Les questions déférées par la Corte suprema di cassazione (Italie) dans la présente affaire portent sur les modalités de remboursement à un assujetti de la TVA qu’il a versée à un fournisseur qui la lui a facturée par erreur et l’a déclarée aux autorités fiscales.

2. Selon la sixième directive TVA (2), en substance, un fournisseur qui facture la TVA à un client doit la déclarer aux autorités fiscales, indépendamment du point de savoir si elle aurait dû être facturée ou non. Selon cette directive également, un assujetti peut déduire la taxe qui lui a été facturée sur ses opérations en amont de la taxe qu’il doit acquitter sur ses opérations en aval.

3. Il est de jurisprudence constante (3) que le droit de déduire la taxe en amont ne s’applique pas à une taxe qui est due parce qu’elle est mentionnée sur une facture, mais qui n’aurait autrement pas été due. Dans ces conditions toutefois, le droit national doit permettre la régularisation des montants facturés (et/ou déduits) par erreur.

4. En outre, le droit à déduction prévu par la sixième directive s’applique seulement lorsque l’assujetti effectue une opération taxée dans l’État membre dans lequel la taxe en amont a été acquittée, et doit ainsi déclarer dans cet État la taxe en aval, dont il peut déduire la taxe en amont.

5. En l’espèce, l’assujetti auquel la TVA a été facturée par erreur (pour des prestations de publicité en sa faveur) n’a pas effectué d’opération en aval dans le même État membre. Une telle situation est normalement régie par la huitième directive TVA (4), selon laquelle la taxe en amont n’est pas déduite de la taxe en aval, mais remboursée à l’assujetti.

6. La juridiction nationale souhaite savoir, en substance, si dans ces circonstances a) la TVA facturée et payée par erreur peut être remboursée en vertu de la huitième directive, même dans le cas où elle n’aurait pas été déductible en vertu de la sixième directive et b) un assujetti non-résident doit être autorisé à réclamer remboursement directement auprès de l’autorité qui a perçu la taxe, ou s’il suffit qu’il soit en droit d’agir indirectement en réclamant remboursement au fournisseur qui lui a facturé la taxe (et qui pourrait à son tour se retourner contre l’autorité fiscale).

I – La législation et la jurisprudence communautaires en matière de TVA

A – La situation interne à un État membre selon la sixième directive

7. Pour ce qui nous concerne, l’article 21, paragraphe 1, de la sixième directive disposait à l’époque des faits (5) que:

«La taxe sur la valeur ajoutée est due:

1) en régime intérieur:

a) par l’assujetti effectuant une livraison de biens ou prestation de services imposable […]

[…]

c) par toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture ou tout document en tenant lieu;

[…]»

8. L’article 17, paragraphe 2 (6), dispose, pour ce qui nous concerne:

«Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti redevable de la taxe à l’intérieur du pays; [(7)]

[…]»

9. Selon l’article 18, paragraphe 1, sous a) (8), pour pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit détenir une facture établie conformément à l’article 22, paragraphe 3, sous b) (9). Cette disposition exige que la facture mentionne, d’une façon distincte, le prix hors taxe et la taxe correspondante pour chaque taux différent ainsi que, le cas échéant, l’exonération.

10. L’article 20, paragraphe 1, sous a), dispose que la déduction initialement opérée est régularisée suivant les modalités fixées par les États membres, notamment «lorsque la déduction est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer».

B – La jurisprudence pertinente relative à la sixième directive

11. Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt de principe Genius Holding (10), un sous-traitant avait facturé à tort la TVA à l’entrepreneur. Selon les règles nationales alors applicables, autorisées conformément à la sixième directive, la taxe était en fait due uniquement par l’entrepreneur sur le montant qu’il facturait au maître d’ouvrage. La question s’était donc posée de savoir si le droit à déduction s’étendait à une taxe due, au sens de l’article 21, paragraphe 1, sous c), exclusivement parce qu’elle était mentionnée sur la facture.

12. La Cour a examiné le libellé de l’article 17, paragraphe 2, sous a), en particulier dans la mesure où il s’écartait tant de la rédaction de l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la deuxième directive du Conseil (11), antérieurement applicable, que de celle de l’article 17, paragraphe 2, sous a), de la proposition de la Commission de la sixième directive (12). Elle en a conclu que l’exercice du droit à déduction était limité aux seules taxes dues, c’est-à-dire les taxes correspondant à une opération soumise à la TVA ou acquittées dans la mesure où elles étaient dues. Cette interprétation était en outre confirmée par l’obligation de détenir une facture mentionnant le montant de la taxe correspondant à chaque opération et par l’existence d’un mécanisme de régularisation applicable lorsque la déduction initialement opérée était supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer (13).

13. Après avoir souligné qu’«il appartient aux États membres de prévoir, dans leurs ordres juridiques internes, la possibilité de correction de toute taxe indûment facturée, dès lors que l’émetteur de la facture démontre sa bonne foi», la Cour a jugé que «l’exercice du droit à déduction […] ne s’étend pas à la taxe qui est due exclusivement parce qu’elle est mentionnée sur la facture» (14). Le mécanisme de déduction n’était donc pas applicable, mais un mécanisme de correction ou de régularisation devait être prévu pour remédier à la situation, lorsque l’erreur avait été commise de bonne foi.

14. Dans ses conclusions, toutefois, l’avocat général Mischo avait fait valoir (15) que, pour assurer le respect du principe de neutralité de la TVA, cette taxe devrait donner droit à déduction, à moins que (dans des circonstances permettant de penser qu’il y a fraude) le fournisseur qui l’a facturée ne l’ait pas déclarée aux autorités fiscales.

15. Dans l’affaire Schmeink & Cofreth et Strobel (16), la TVA avait également été facturée par erreur. Toutefois, ces montants avaient en réalité été facturés non pas de bonne foi, mais frauduleusement. La Cour a néanmoins estimé que la bonne foi n’était pas requise pour obtenir la régularisation de la TVA, à condition que tout risque de pertes fiscales ait été éliminé. Elle a jugé ce qui suit:

«1) Lorsque l’émetteur de la facture a, en temps utile, éliminé complètement le risque de perte de recettes fiscales, le principe de la neutralité de la [TVA] exige que la taxe indûment facturée puisse être régularisée, sans qu’une telle régularisation puisse être subordonnée à la bonne foi de l’émetteur de ladite facture.

2) Il appartient aux États membres de définir la procédure selon laquelle la [TVA] indûment facturée peut être régularisée, pourvu que cette régularisation ne dépende pas du pouvoir d’appréciation discrétionnaire de l’administration fiscale.»

16. Dans l’affaire Karageorgou e.a. (17), la Cour a examiné une situation dans laquelle un montant mentionné comme TVA sur une facture établie par une personne fournissant des services à l’État ne pouvait être qualifié de TVA. Cela tenait à ce que les personnes concernées pensaient à tort qu’elles fournissaient ces services en tant qu’indépendants, alors qu’en réalité il existait un lien de subordination. La Cour a suivi sa jurisprudence Genius Holding et Schmeink & Cofreth et Strobel et jugé que l’article 21, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive ne s’opposait pas au remboursement d’un tel montant. En cas de régularisation du montant ainsi inscrit, qui ne peut en aucun cas constituer une TVA, il n’y a aucun risque de perte de recettes fiscales dans le cadre du régime de TVA. La Cour a de nouveau relevé que la sixième directive ne prévoyait pas expressément de tels cas et a estimé que, aussi longtemps que cette lacune n’aurait pas été comblée par le législateur communautaire, il appartiendrait aux États membres d’y apporter une solution (18).

17. Un autre arrêt mentionné dans les mémoires déposés dans la présente procédure concernait des circonstances légèrement différentes. Dans l’affaire Langhorst (19), un agriculteur avait vendu des porcs à des marchands de bestiaux. L’agriculteur ne leur avait pas remis de facture pour le prix; au lieu de cela, les marchands lui avaient remis des notes de crédits pour ce prix, sur lequel ils ont par erreur calculé la TVA à un taux supérieur à celui qui était applicable. La Cour a jugé qu’une telle note de crédit pouvait être considérée comme un «document tenant lieu de facture» et que le destinataire de la note (à savoir l’agriculteur) devait être considéré comme la personne qui, en fait, avait mentionné ce montant sur ce document au sens de l’article 21, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive et, partant, comme redevable du montant indiqué (20).

C – Le lieu des prestations de publicité

18. L’article 9 de la sixième directive établit des règles quant au lieu où un service est réputé être presté aux fins de la directive. L’article 9, paragraphe 2, sous e), dispose:

«le lieu des prestations de services suivantes, rendues […] à des assujettis...

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