Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland e.V. v Bundesrepublik Deutschland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2324
Date23 October 2014
Celex Number62013CC0461
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-461/13
62013CC0461

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 23 octobre 2014 ( 1 )

Affaire C‑461/13

Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland e. V.

contre

Bundesrepublik Deutschland

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne)]

«Environnement — Article 4 de la directive 2000/60/CE — Politique de l’Union européenne dans le domaine de l’eau — Objectifs environnementaux relatifs aux eaux de surface — Détérioration de l’état d’une masse d’eau de surface — Projet d’aménagement d’une voie navigable — Obligation éventuelle des États membres d’interdire tout projet ayant ou susceptible d’avoir une incidence négative sur l’état des masses d’eau de surface»

I – Introduction

1.

Les présentes questions préjudicielles posées par le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne) trouvent leur origine dans un litige relatif à l’aménagement du fleuve Weser, l’un des grands fleuves d’Allemagne. Le litige porté devant la juridiction de renvoi oppose le Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland e. V. (Fédération pour l’environnement et la protection de la nature, ci-après le «BUND»), organisation à but non lucratif, à la Bundesrepublik Deutschland, en sa qualité de promoteur d’un projet d’approfondissement de la Weser, visant à permettre le passage de porte-conteneurs plus larges dans les ports de Bremerhaven (Allemagne), de Brake (Allemagne) et de Brême (Allemagne). Dans le cadre de ce litige, la question des modifications physiques importantes et celle des conséquences hydrologiques et morphologiques néfastes engendrées par ledit projet pour l’écosystème de la Weser ont été soulevées.

2.

Dans ce contexte, la Cour est invitée à déterminer la portée des notions d’«objectifs environnementaux» et de «la détérioration» de l’état des masses d’eau visées à l’article 4, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau ( 2 ) (ci‑après la «DCE»).

3.

Or, l’interprétation desdites notions impose à la Cour de relever plusieurs défis, dont les principaux sont les suivants.

4.

Premièrement, quand bien même la DCE aurait entendu établir un fondement commun essentiel afin de coordonner la mosaïque des textes législatifs communautaires et nationaux en vigueur, il n’en demeure pas moins que la DCE est un acte complexe et particulièrement élaboré dont l’appréhension est inhabituellement malaisée ( 3 ). Notamment, la technique légistique qui consiste en de nombreux renvois d’une disposition à l’autre et à d’autres actes ainsi qu’en l’établissement de plusieurs dérogations dont la portée n’est pas clairement identifiable soulève de multiples difficultés ( 4 ). À cet égard, il est symptomatique que le système de gestion de l’eau résultant de la DCE a donné lieu à l’adoption d’un nombre impressionnant d’actes explicatifs ( 5 ), à la création de bases de données spécialisées ( 6 ) ainsi qu’à des travaux de recherche sur l’eau dans le contexte du 7e programme cadre de recherche de l’Union européenne ( 7 ).

5.

Deuxièmement, en lien avec les difficultés susmentionnées, la présente affaire révèle une confrontation entre deux visions entièrement antinomiques de la DCE. La première approche pourrait être qualifiée de minimaliste dans la mesure où la DCE serait réduite à un instrument de planification à grande échelle de la gestion des eaux. En revanche, selon une seconde approche que je partage, la DCE correspondrait à une nouvelle méthodologie de la gestion des eaux couvrant non seulement le niveau de la planification, mais également le niveau de la mise en œuvre des objectifs environnementaux contraignants, laquelle se traduit par l’adoption de mesures concrètes visant à garantir le bon état des eaux et à éviter une détérioration de l’état des eaux. Dès lors, la réponse aux questions posées requiert une analyse poussée des termes, des méthodes et des paramètres purement techniques voire scientifiques lesquels constituent le fondement du système permettant d’identifier l’état des eaux.

6.

Enfin, il convient de rappeler que la DCE respecte le principe du développement durable selon lequel «les besoins de la génération actuelle doivent être satisfaits sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs». Il s’agit là d’un objectif fondamental de l’Union européenne, énoncé dans le traité et s’imposant à toutes les activités et politiques de l’Union ( 8 ). L’interprétation de la DCE qui doit se conformer au droit fondamental à la protection de l’environnement consacré par l’article 37 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige donc une étude à plusieurs niveaux, tenant compte de son objectif ultime visant la protection de l’eau en tant que bien commun qui se traduit par le maintien, l’amélioration et l’interdiction de la détérioration de l’environnement aquatique de l’Union ( 9 ).

II – Le cadre juridique

7.

Eu égard à la complexité du système établi par la DCE, il est essentiel de présenter ses notions clés.

8.

L’article 1er de la DCE prévoit:

«La présente directive a pour objet d’établir un cadre pour la protection des eaux intérieures de surface, des eaux de transition, des eaux côtières et des eaux souterraines, qui:

a)

prévienne toute dégradation supplémentaire, préserve et améliore l’état des écosystèmes aquatiques ainsi que, en ce qui concerne leurs besoins en eau, des écosystèmes terrestres et des zones humides qui en dépendent directement;

[...]»

9.

À cette fin, toutes les eaux couvertes par le champ d’application de la DCE ( 10 ) relèvent de l’une des unités prévues par la DCE, à savoir un bassin hydrographique, un district hydrographique ainsi qu’une masse d’eau. La notion de bassin hydrographique est définie à l’article 2, point 13, de la DCE et s’entend d’une zone dans laquelle toutes les eaux de ruissèlement convergent vers la mer. La notion de district hydrographique, visée audit article 2, point 15, correspond à une zone composée de plusieurs bassins et qui constitue une unité principale aux fins de leur gestion.

10.

En revanche, la notion de masse d’eau a pour but l’identification de toutes les caractéristiques ainsi que la détermination de l’état actuel des eaux. Ainsi, aux termes de l’article 2, point 10, de la DCE, une masse d’eau de surface ( 11 ) correspond à une partie distincte et significative des eaux de surface telle qu’un lac, un réservoir, une rivière, un fleuve, un canal, une partie de rivière, fleuve ou de canal, une eau de transition ou une portion d’eaux côtières. La DCE se réfère également à la notion de masse d’eau fortement modifiée, qui s’entend, conformément à son article 2, point 9, de toute masse qui par suite d’altérations physiques dues à l’activité humaine est fondamentalement modifiée quant à son caractère.

11.

Les masses d’eau de surface comprises dans un district hydrographique doivent donc, dans un premier temps, entrer dans l’une des catégories (rivières, lacs, eaux de transition, côtières et souterraines) ( 12 ). Dans un deuxième temps, pour chaque catégorie d’eau de surface, une répartition des masses du district considéré en types, conformément aux deux systèmes A ou B, définis au point 1.2 de l’annexe II de la DCE, est effectuée. Le système A, figé, est fondé sur des «écorégions» et des paramètres imposés, tandis que le système B est souple avec plusieurs paramètres optionnels.

12.

La notion d’état d’une eau de surface est définie à l’article 2, point 17, de la DCE comme désignant l’état d’une masse d’eau déterminée par la plus mauvaise valeur de son état écologique et de son état chimique. La DCE définit à son article 2, point 18, le bon état d’une masse d’eau de surface lorsque l’état écologique et l’état chimique de celle‑ci sont au moins bons. Les notions d’état écologique, de bon état écologique ainsi que de bon état chimique sont, quant à elles, définies à l’article 2, respectivement, aux points 21, 22 et 24, de la DCE ( 13 ).

13.

L’article 4, paragraphe 1, sous a), de la DCE, intitulé «Objectifs environnementaux», dispose:

«En rendant opérationnels les programmes de mesures prévus dans le plan de gestion du district hydrographique:

a)

pour ce qui concerne les eaux de surface

i)

les États membres mettent en œuvre les mesures nécessaires pour prévenir la détérioration de l’état de toutes les masses d’eau de surface, sous réserve de l’application des paragraphes 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8;

ii)

les États membres protègent, améliorent et restaurent toutes les masses d’eau de surface, sous réserve de l’application du point iii) en ce qui concerne les masses d’eau artificielles et fortement modifiées afin de parvenir à un bon état des eaux de surface au plus tard quinze ans après la date d’entrée en vigueur de la présente directive, conformément aux dispositions de l’annexe V, sous réserve de l’application des reports déterminés conformément au paragraphe 4 et de l’application des paragraphes 5, 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8;

iii)

les États membres protègent et améliorent toutes les masses d’eau artificielles et fortement modifiées, en vue d’obtenir un bon potentiel écologique et un bon état chimique des eaux de surface au plus tard quinze ans après la date d’entrée en vigueur de la présente directive, conformément aux dispositions énoncées à l’annexe V, sous réserve de l’application des reports déterminés conformément au paragraphe 4 et de l’application des paragraphes 5, 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8;

[...]»

...

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