Opinion of Advocate General Bobek delivered on 5 December 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:1056
Date05 December 2019
Celex Number62018CC0564
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 5 décembre 2019(1)

Affaire C564/18

LH

contre

Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal

[demande de décision préjudicielle formée par le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale, Hongrie)]

« Renvoi préjudiciel — Politique commune en matière d’asile et de protection subsidiaire — Procédures communes pour l’octroi de la protection internationale — Directive 2013/32/UE — Article 33 – Motifs d’irrecevabilité — Caractère exhaustif – Article 46, paragraphe 3 — Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à un recours effectif — Délai de huit jours dans lequel la juridiction doit se prononcer »






I. Introduction

1. La directive 2013/32/UE (2) prévoit cinq cas dans lesquels une demande de protection internationale peut être considérée comme irrecevable. Deux d’entre eux sont pertinents pour la présente affaire, à savoir le cas où un pays tiers peut être considéré comme le « premier pays d’asile » du demandeur concerné et le cas où un pays tiers peut être considéré comme un « pays tiers sûr » pour le demandeur.

2. Un État membre peut-il adopter une disposition permettant à ses autorités de considérer comme irrecevables les demandes de protection internationale introduites par des demandeurs qui arrivent dans cet État membre par un pays tiers considéré comme un « pays de transit sûr », ajoutant ainsi effectivement une autre catégorie à la liste que contient l’article 33 de la directive 2013/32 ?

3. Par ailleurs, l’examen juridictionnel de décisions administratives considérant des demandes de protection internationale comme irrecevables peut-il être soumis à un délai de huit jours ?

II. Cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4. Aux termes du considérant 43 de la directive 2013/32, « [l]es États membres devraient examiner toutes les demandes au fond, c’est‑à‑dire évaluer si le demandeur concerné peut prétendre à une protection internationale conformément à la directive 2011/95/UE, sauf dispositions contraires de la présente directive, notamment lorsqu’on peut raisonnablement supposer qu’un autre pays procéderait à l’examen ou accorderait une protection suffisante. Notamment, les États membres ne devraient pas être tenus d’examiner une demande de protection internationale au fond lorsqu’un premier pays d’asile a octroyé au demandeur le statut de réfugié ou lui a accordé à un autre titre une protection suffisante et que le demandeur sera réadmis dans ce pays ».

5. Le considérant 44 de la directive 2013/32 précise que « [l]es États membres ne devraient pas être tenus d’examiner une demande de protection internationale au fond lorsqu’ils peuvent raisonnablement s’attendre à ce que le demandeur, du fait d’un lien suffisant avec un pays tiers tel que défini par le droit national, cherche à obtenir une protection dans ce pays tiers et qu’il existe des raisons de penser que le demandeur sera admis ou réadmis dans ce pays. Les États membres ne devraient procéder de la sorte que dans les cas où le demandeur en question serait en sécurité dans le pays tiers concerné. Afin d’éviter les mouvements secondaires de demandeurs, il convient d’établir des principes communs pour la prise en considération ou la désignation, par les États membres, de pays tiers comme pays sûrs ».

6. L’article 33 de la directive 2013/32, intitulé « Demandes irrecevables », prévoit ce qui suit :

« 1. Outre les cas dans lesquels une demande n’est pas examinée en application du règlement (UE) nº 604/2013, les États membres ne sont pas tenus de vérifier si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre à une protection internationale en application de la directive 2011/95/UE, lorsqu’une demande est considérée comme irrecevable en vertu du présent article.

2. Les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque :

(a) une protection internationale a été accordée par un autre État membre ;

(b) un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme le premier pays d’asile du demandeur en vertu de l’article 35 ;

(c) un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme un pays tiers sûr pour le demandeur en vertu de l’article 38 ;

(d) la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE ; ou

(e) une personne à charge du demandeur introduit une demande après avoir, conformément à l’article 7, paragraphe 2, consenti à ce que son cas soit traité dans le cadre d’une demande introduite en son nom, et que rien dans la situation de la personne à charge ne justifie une demande distincte. »

7. L’article 35 de la directive 2013/32, intitulé « Le concept de premier pays d’asile », prévoit ce qui suit :

« Un pays peut être considéré comme le premier pays d’asile d’un demandeur déterminé, si le demandeur :

a) s’est vu reconnaître la qualité de réfugié dans ce pays et peut encore se prévaloir de cette protection ; ou

b) jouit, à un autre titre, d’une protection suffisante dans ce pays, y compris du bénéfice du principe de non-refoulement,

à condition qu’il soit réadmis dans ce pays.

En appliquant le concept de premier pays d’asile à la situation personnelle d’un demandeur, les États membres peuvent tenir compte de l’article 38, paragraphe 1. Le demandeur est autorisé à contester l’application du concept de premier pays d’asile à sa situation personnelle. »

8. L’article 38, intitulé « Le concept de pays d’origine sûr », prévoit ce qui suit :

« 1. Les États membres peuvent appliquer le concept de pays tiers sûr uniquement lorsque les autorités compétentes ont acquis la certitude que dans le pays tiers concerné, le demandeur de protection internationale sera traité conformément aux principes suivants :

a) les demandeurs n’ont à craindre ni pour leur vie ni pour leur liberté en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social particulier ou de leurs opinions politiques ;

b) il n’existe aucun risque d’atteintes graves au sens de la directive 2011/95/UE ;

c) le principe de non-refoulement est respecté conformément à la convention de Genève ;

d) l’interdiction, prévue par le droit international, de prendre des mesures d’éloignement contraires à l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, y est respectée ; et

e) la possibilité existe de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié et, si ce statut est accordé, de bénéficier d’une protection conformément à la convention de Genève.

2. L’application du concept de pays tiers sûr est subordonnée aux règles fixées dans le droit national, et notamment :

a) les règles prévoyant qu’un lien de connexion doit exister entre le demandeur et le pays tiers concerné, sur la base duquel il serait raisonnable que le demandeur se rende dans ce pays ;

b) les règles relatives aux méthodes appliquées par les autorités compétentes pour s’assurer que le concept de pays tiers sûr peut être appliqué à un pays déterminé ou à un demandeur déterminé. Ces méthodes prévoient un examen au cas par cas de la sécurité du pays pour un demandeur déterminé et/ou la désignation par l’État membre des pays considérés comme étant généralement sûrs ;

c) les règles, conformes au droit international, qui autorisent un examen individuel en vue de déterminer si le pays tiers concerné est sûr pour un demandeur déterminé, ce qui, au minimum, permet au demandeur de contester l’application du concept de pays tiers sûr au motif que le pays tiers n’est pas sûr dans son cas particulier. Le demandeur est en outre autorisé à contester l’existence d’un lien entre lui-même et le pays tiers conformément au point a).

[…] »

9. L’article 46 de la directive 2013/32, intitulé « Droit à un recours effectif », prévoit ce qui suit :

« 1. Les États membres font en sorte que les demandeurs d’asile disposent d’un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants :

a) une décision concernant leur demande de protection internationale, y compris :

[…]

ii) les décisions d’irrecevabilité de la demande en application de l’article 33, paragraphe 2,

[…]

[…]

3. Pour se conformer au paragraphe 1, les États membres veillent à ce qu’un recours effectif prévoie un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d’ordre juridique, y compris, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE, au moins dans le cadre des procédures de recours devant une juridiction de première instance.

[…]

10. Les États membres peuvent fixer des délais pour l’examen par la juridiction visée au paragraphe 1 de la décision prise par l’autorité responsable de la détermination.

[…] »

B. Le droit hongrois

10. En application de l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la menedékjogról szóló 2007. évi LXXX. törvény (loi n° LXXX de 2007 relative au droit d’asile, ci-après la « loi relative au droit d’asile »), la demande est irrecevable lorsque le « demandeur est arrivé en Hongrie par un pays où il n’est pas exposé à des persécutions au sens de l’article 6, paragraphe 1, ou au risque d’atteintes graves, au sens de l’article 12, paragraphe 1, ou dans lequel un niveau de protection adéquat est garanti ».

11. L’article 53, paragraphe 4, de la loi relative au droit d’asile prévoit que la phase juridictionnelle de la procédure d’asile ne peut pas excéder une durée de huit jours dans le cas de demandes déclarées irrecevables.

III. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

12. Le requérant dans la procédure au principal est un ressortissant syrien, d’ethnie kurde...

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