Commission of the European Communities v French Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:343
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-214/07
Date12 June 2008
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - fondé
Celex Number62007CC0214

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme E. Sharpston

présentées le 12 juin 2008 (1)

Affaire C‑214/07

Commission des Communautés européennes

contre

République française

«Aides d’État – Décision 2004/343/CE de la Commission – Récupération de l’aide – Impossibilité absolue – Vente d’actifs par des sociétés tenues de rembourser l’aide – Obligations résultant de l’article 10 CE»





1. La Commission des Communautés européennes a engagé un recours contre la République française conformément à l’article 88, paragraphe 2, CE au motif qu’à n’avoir pas récupéré les aides accordées aux sociétés reprenant les activités d’entreprises en difficulté, la République française n’a pas exécuté la décision 2004/343/CE (2) de la Commission (ci-après la «décision») dans le délai imparti. La Commission demande donc à la Cour de déclarer que la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 5 et 6 de la décision, de l’article 249, quatrième alinéa, CE ainsi que de l’article 10 CE.

2. La République française ne conteste ni la décision déclarant les aides d’État litigieuses illégales ni le fait qu’elle est en principe obligée de les récupérer. Elle soutient néanmoins qu’elle n’a pas enfreint ses obligations de droit communautaire.

3. Pour sa défense, la République française fait valoir que ses autorités ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour récupérer les aides concernées et que c’est lui demander l’impossible que d’exiger d’elles qu’elles le fassent avec plus de diligence, en particulier lorsque les sociétés qui en ont bénéficié ont ensuite mis fin à leurs activités ou vendu leurs actifs.

Le cadre juridique

Les dispositions du traité CE

4. L’article 10 CE dispose que:

«Les États membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci l’accomplissement de sa mission.

Ils s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du présent traité.»

5. L’article 87, paragraphe 1, CE énonce les conditions auxquelles une aide d’État est en principe incompatible avec le marché commun. L’article 87, paragraphe 3, CE énonce un certain nombre de circonstances dans lesquelles de telles aides peuvent néanmoins être considérées comme compatibles.

6. L’article 88, paragraphe 2, CE dispose que:

«Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État n’est pas compatible avec le marché commun aux termes de l’article 87 [...], elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine.

Si l’État en cause ne se conforme pas à cette décision dans le délai imparti, la Commission ou tout autre État intéressé peut saisir directement la Cour de justice, par dérogation aux articles 226 et 227 [...]»

7. Le quatrième alinéa de l’article 249 CE dispose que:

«La décision est obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires qu’elle désigne.»

Le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil

8. Le cadre réglementaire général de la récupération des aides d’État se trouve dans le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil (3). Ce règlement énonce le principe que toute aide incompatible avec le marché commun soit récupérée sans délai afin de rétablir une concurrence effective (4).

La décision

9. L’article 44 septies du code général des impôts (5) prévoyait une exonération de l’impôt sur les sociétés pendant deux ans en faveur des entreprises reprenant les activités d’entreprises en difficulté. Conformément aux articles 1383 A, 1464 B et 1464 C, les entreprises qui bénéficiaient de cette exonération pouvaient également bénéficier, sur délibération des collectivités locales compétentes, d’une exonération de la taxe professionnelle et de la taxe foncière pendant une période de deux ans.

10. Par lettre du 12 septembre 2001, la Commission a adressé à la République française une demande de renseignements concernant l’exonération fiscale prévue à l’article 44 septies du code général des impôts. Par lettre du 19 août 2002, elle a ensuite ouvert la procédure formelle d’examen au motif que cette exonération était susceptible d’équivaloir à une aide tombant sous le coup de l’article 87, paragraphe 1, CE.

11. Dans une lettre du 13 décembre 2002, les autorités françaises lui ont répondu que cette mesure n’était pas une aide d’État au sens de l’article 87 CE et que, dans l’hypothèse où elle devrait être considérée comme telle, elle était justifiée conformément aux lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (6).

12. La Commission a néanmoins conclu que les exonérations fiscales litigieuses étaient des aides d’État illicites au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE et elle a donc adopté la décision le 16 décembre 2003.

13. Le dispositif de la décision est rédigé dans les termes suivants:

«Article premier

Le régime d’aides d’État prévu à l’article 44 septies du code général des impôts, sous la forme d’un régime d’exonérations fiscales en faveur des entreprises reprenant les actifs d’entreprises en difficulté, mis à exécution par la République française en violation de l’article 88, paragraphe 3, du traité est incompatible avec le marché commun, sans préjudice des articles 2 et 3.

Article 2

Les exonérations octroyées au titre du régime visé à l’article 1er ne constituent pas des aides d’État si elles remplissent les conditions énoncées par le règlement (CE) nº 69/2001 [ (7) ] ou par les règles de minimis applicables au moment de leur octroi.

Article 3

Les aides octroyées au titre du régime visé à l’article 1er qui remplissent les conditions énoncées par la communication de 1979 sur les régimes d’aides à finalité régionale ou par les lignes directrices de 1998 concernant les aides d’État à finalité régionale, ou par le règlement (CE) n° 70/2001 [ (8) ], sont compatibles avec le marché commun à concurrence des intensités admissibles.

Article 4

La République française est tenue de supprimer le régime d’aides visé à l’article 1er.

Article 5

La République française prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de leurs bénéficiaires les aides octroyées au titre du régime visé à l’article 1er, autres que celles visées aux articles 2 et 3, et illégalement mises à leur disposition.

La récupération a lieu sans délai, conformément aux procédures du droit national, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de la présente décision. [...]

Article 6

La République française informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures prises et envisagées pour s’y conformer.

Article 7

La République française [...] dressera une liste exhaustive des entreprises ayant bénéficié des exonérations octroyées au titre du régime visé à l’article 1er et des montants versés dans chaque cas.

La République française dressera une liste des entreprises ayant bénéficié des aides octroyées au titre du régime visé à l’article 1er qui ne remplissent pas les conditions [d’exonération visées aux articles 2 et 3 de la décision]. Cette liste précisera également les montants d’aide dont chacune de ces entreprises a bénéficié.

[...]»

14. Plutôt que de contester la validité de la décision, la République française a, dans un premier temps, suspendu l’article 44 septies par l’instruction administrative 4 H-2-04 du 4 mars 2004 (9). Elle l’a ensuite amendé au moyen de l’article 41 de la loi 2004-1485 du 30 décembre 2004 (10). La version amendée a été acceptée par la Commission (11).

Évolution de la décision

15. Entre le mois de décembre 2003 et le mois de juillet 2006, la Commission et la République française ont échangé une série de lettres et de memoranda concernant la décision. Des fonctionnaires des deux parties se sont également rencontrés pour discuter des modalités du recouvrement, mais ni la correspondance ni ces réunions n’ont débouché sur la récupération d’aucune des aides illégales.

16. La chronologie des échanges entre la Commission et les autorités françaises est exposée dans les annexes de la requête. Je trouve plus utile de les résumer en me référant aux arguments invoqués par chacune des parties.

Le nombre d’entreprises concernées

17. La première question à résoudre était celle de savoir combien d’entreprises avaient été touchées par la décision. Au départ, les autorités françaises estimaient qu’à peu près 2 000 entreprises pouvaient être concernées. Un mois plus tard environ, elles ont envoyé à la Commission des données préliminaires indiquant que le nombre des entreprises susceptibles d’avoir bénéficié d’une aide en application de ces dispositions fiscales était plus proche de 4 000. Lorsque la Commission a engagé la procédure, la République française avait fourni trois listes de bénéficiaires (12).

Les aides accordées avant l’exercice fiscal 1994

18. Au cours de la première réunion, les autorités françaises ont indiqué que la loi française limitait l’obligation de garder les documents comptables à dix ans et qu’il n’existait dès lors pas de documents pour la période antérieure à l’exercice fiscal 1994. La Commission a reconnu qu’il était impossible de récupérer les aides octroyées avant cette date. Elles ne sont dès lors pas concernées par la présente procédure.

Les bénéficiaires qui ont cessé leurs activités

19. Au cours de la première réunion, la République française a indiqué que certains bénéficiaires pouvaient avoir mis fin à leurs activités. Dix mois plus tard, elle a déclaré qu’il s’agissait d’environ 140 entreprises. Au cours de la troisième réunion entre les parties, la Commission est convenue que la décision pouvait être considérée comme...

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