Espace Trianon SA and Société wallonne de location-financement SA (Sofibail) v Office communautaire et régional de la formation professionnelle et de l'emploi (FOREM).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:171
Docket NumberC-129/04
Celex Number62004CC0129
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date15 March 2005

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

MME CHRISTINE STIX-HACKL

présentées le 15 mars 2005 (1)

Affaire C-129/04

Espace Trianon SA,

Société wallone de location-financement SA (Sofibail)

contre

Office communautaire et régional de la formation professionnelle et de l'emploi (FOREM)

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d'État (Belgique)]

«Passation des marchés publics – Directive 89/665/CEE – Procédure de recours – Groupements d'entrepreneurs – Qualité pour agir d'un membre d'un groupement d'entrepreneurs – Interdiction nationale»





I – Remarques liminaires

1. La présente demande de décision préjudicielle porte sur le contrôle des décisions du pouvoir adjudicateur relatives à la passation du marché, et plus précisément sur la qualité pour agir, à titre individuel, des membres d’une association momentanée de droit belge, laquelle est à qualifier de groupement d’entrepreneurs au sens du droit communautaire des marchés publics (ou de «groupement d’opérateurs économiques» selon la terminologie employée dans les nouvelles directives sur les marchés publics (2)).

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

2. L’article 1er de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (3), dispose, entre autres:

«1. Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés publics relevant du champ d’application des directives 71/305/CEE, 77/62/CEE et 92/50/CEE, les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles suivants, et notamment à l’article 2 paragraphe 7, au motif que ces décisions ont violé le droit communautaire en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit.

[…]

3. Les États membres assurent que les procédures de recours sont accessibles, selon des modalités que les États membres peuvent déterminer, au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché public de fournitures ou de travaux déterminé et ayant été ou risquent d’être lésée par une violation alléguée. En particulier, ils peuvent exiger que la personne qui souhaite utiliser une telle procédure ait préalablement informé le pouvoir adjudicateur de la violation alléguée et de son intention d’introduire un recours.»

3. L’article 2, paragraphe 1, de la directive 89/665 énonce, entre autres:

«Les États membres veillent à ce que les mesures prises aux fins des recours visés à l’article 1er prévoient les pouvoirs permettant:

[…]

b) d’annuler ou de faire annuler les décisions illégales, y compris de supprimer les spécifications techniques, économiques ou financières discriminatoires figurant dans les documents de l’appel à la concurrence, dans les cahiers des charges ou dans tout autre document se rapportant à la procédure de passation du marché en cause;

[…]»

4. L’article 21 de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (4), est formulé comme suit:

«Les groupements d’entrepreneurs sont autorisés à soumissionner. La transformation de tels groupements en une forme juridique déterminée ne peut être exigée pour la présentation de l’offre, mais le groupement retenu peut être contraint d’assurer cette transformation lorsque le marché lui a été attribué.»

B – Droit national

5. Les dispositions applicables sont celles de l’article 19, paragraphe 1, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973, qui réglementent, entre autres, la qualité pour agir en matière de recours en annulation.

6. L’article 53 du code des sociétés réglemente des aspects essentiels des relations de l’«association momentanée» avec les tiers.

7. L’article 522, paragraphe 2, du code des sociétés dispose que c’est le conseil d’administration d’une «société anonyme» qui représente cette dernière, notamment en justice. Ledit article permet par ailleurs de prévoir dans les statuts une représentation par un ou plusieurs administrateurs.

III – Faits, procédure au principal et questions préjudicielles

8. Le 30 septembre 1997, il a été publié au Journal officiel des Communautés européennes un avis de marché de l’Office communautaire et régional de la formation professionnelle et de l’emploi (ci-après le «FOREM»), dans lequel l’objet du marché était décrit de la manière suivante: «la conception, la réalisation et le financement d’un immeuble d’environ 6 500 m2 (nets) hors sol à l’usage des services administratifs de l’Office régional de l’emploi (direction régionale de Liège)»; il était également précisé que les variantes libres étaient autorisées. Quatre avis rectificatifs ont été publiés par la suite.

9. Le 20 février 1998 a eu lieu l’ouverture des offres. Cinq offres avaient été soumises, dont celles des groupements d’entrepreneurs (associations momentanées) Espace Trianon-Sofibail et CIDP‑BPC Le groupement d’entrepreneurs Espace Trianon-Sofibail était constitué d’Espace Trianon SA (ci‑après «Espace») et la Société wallone de location-financement SA (ci-après «Sofibail»).

10. Le 22 décembre 1998, le comité de gestion du FOREM a attribué à l’association momentanée CIDP‑BPC un marché portant sur la conception, la réalisation et le financement d’un immeuble d’environ 6 500 m2 nets hors sol à l’usage des services administratifs du FOREM, direction régionale de Liège.

11. Le 8 janvier 1999, le comité de gestion du FOREM a «approuv[é] la décision motivée telle que prise en séance du 22 décembre 1998».

12. Le 25 janvier 1999, la décision d’attribution a été notifiée à Espace et Sofibail.

13. Le 19 février 1999, Espace et Sofibail ont saisi le Conseil d’État (Belgique) d’un recours en annulation de la décision d’attribution.

14. Le 8 mars 1999, elles ont saisi le Conseil d’État d’un recours en annulation de l’approbation en date du 8 janvier 1998.

15. Examinant la recevabilité des recours, le Conseil d’État a conclu que, faute d’avoir été prises par son conseil d’administration comme l’exigent ses statuts, les décisions d’agir en justice prises au nom d’Espace étaient irrégulières. En revanche, les décisions prises par Sofibail étaient régulières.

16. Comme l’offre avait été soumise au nom du groupement d’entrepreneurs Espace-Sofibail et que la décision d’un de ses membres était irrégulière, le Conseil d’État a examiné quelle incidence cela avait sur la recevabilité des recours.

17. Par arrêt du 25 février 2004, le Conseil d’État a décidé de soumettre à la Cour les questions préjudicielles ci-après:

«1) L’article 1er de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, fait‑il obstacle à une disposition d’une législation nationale telle que l’article 19, alinéa 1er, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973, interprétée comme obligeant les membres d’une association momentanée ne disposant pas de la personnalité juridique qui, en tant que telle, a participé à une procédure d’attribution d’un marché public et ne s’est pas vu attribuer ledit marché, à agir tous ensemble, en leur qualité d’associé ou en leur nom propre, pour exercer un recours contre la décision d’attribution dudit marché?

2) La réponse à la question serait-elle différente dans l’hypothèse où les membres de l’association momentanée auraient agi tous ensemble, mais où l’action de l’un de ses membres serait irrecevable?

3) L’article 1er de la directive 89/665/CEE du Conseil du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, fait‑il obstacle à une disposition d’une législation nationale telle que l’article 19, alinéa 1er, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973, interprétée comme interdisant à un membre d’une telle association momentanée d’exercer à titre individuel, soit en sa qualité d’associé, soit en son nom propre, un recours contre la décision d’attribution?»

IV – Appréciation

A – Remarques générales

18. Les trois questions préjudicielles portent toutes les trois en substance sur les exigences que pose le droit communautaire en ce qui concerne la recevabilité des recours introduits par les membres d’un groupement d’entrepreneurs, en l’espèce d’une association momentanée de droit belge.

19. Eu égard à la formulation des questions préjudicielles, force est de rappeler que la compatibilité du droit national avec le droit communautaire ne saurait faire l’objet d’une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE. Partant, il convient de comprendre les questions préjudicielles posées dans la présente affaire en ce sens qu’elles portent sur l’interprétation du droit communautaire.

20. Tandis que les première et troisième questions préjudicielles concernent le principe même de la qualité pour agir, à titre individuel, des membres d’un groupement d’entrepreneurs, la deuxième question préjudicielle se rapporte à une constellation de fait bien précise, à savoir celle où les membres du groupement d’entrepreneurs ont introduit un recours tous ensemble mais où l’action de l’un de ses membres est irrecevable.

21. Les problèmes juridiques ainsi abordés sont cependant à distinguer de la question – qui n’est pas objet de la présente procédure – de savoir si le droit communautaire impose de reconnaître à un groupement d’entrepreneurs qualité pour agir...

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