Criminal proceedings against M.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:65
Date06 February 2014
Celex Number62012CC0398
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-398/12
62012CC0398

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 6 février 2014 ( 1 )

Affaire C‑398/12

Procura della Repubblica

contre

M

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale di Fermo (Italie)]

«Article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen — Principe ne bis in idem — Décision de non-lieu éteignant l’action publique contre une même personne pour les mêmes faits — Non-lieu sous réserve de la survenance de charges nouvelles — Poursuites pénales dans un autre État membre en raison d’une infraction découlant des mêmes faits»

1.

À la suite d’une instruction pénale approfondie, les autorités judiciaires d’un État membre (Royaume de Belgique) ont rejeté une demande de renvoi en jugement de la personne mise en examen (l’inculpé) et ont prononcé, à la place du renvoi, un non-lieu ( 2 ). Cette décision a effectivement mis fin aux poursuites (éventuelles) avant le procès, mais, selon le droit national, elle peut être écartée à la lumière de charges nouvelles. Par sa demande de décision préjudicielle, le Tribunale di Fermo (Italie) demande si, en vertu de l’article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen, signée à Schengen le 19 juin 1990 (ci‑après la «CAAS») ( 3 ), le principe ne bis in idem s’oppose à ce que cette personne soit poursuivie devant les juridictions pénales d’un autre État membre pour une infraction découlant des mêmes faits.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

2.

L’article 3, paragraphe 2, TUE dispose:

«L’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, en liaison avec des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures, d’asile, d’immigration ainsi que de prévention de la criminalité et de lutte contre ce phénomène.»

3.

L’article 67, paragraphe 1, TFUE prévoit:

«L’Union constitue un espace de liberté, de sécurité et de justice dans le respect des droits fondamentaux et des différents systèmes et traditions juridiques des États membres.»

4.

Selon le deuxième alinéa du préambule du protocole no 19 au TFUE ( 4 ), les parties contractantes veulent préserver l’acquis de Schengen et «développer cet acquis pour contribuer à la réalisation de l’objectif visant à offrir aux citoyens de l’Union un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures».

5.

Conformément à l’article 2 de ce protocole, l’acquis de Schengen, qui comprend la CAAS ( 5 ), s’applique aux États membres visés à l’article 1er du protocole, dont le Royaume de Belgique et la République italienne.

6.

Le chapitre 3 du titre III («Police et sécurité») de la CAAS est intitulé «Application du principe ne bis in idem» et comprend les articles 54 à 58.

7.

L’article 54 dispose:

«Une personne qui a été définitivement jugée par une Partie Contractante ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre Partie Contractante, à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la Partie Contractante de condamnation.»

8.

L’article 57 établit des règles visant à assurer que les autorités compétentes des Parties Contractantes coopèrent afin d’échanger des informations pour mettre en œuvre le principe ne bis in idem.

9.

L’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») prévoit:

«Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.»

10.

Les explications relatives à la Charte ( 6 ) indiquent, en ce qui concerne l’article 50, que «la règle ‘non bis in idem’ ne s’applique pas seulement à l’intérieur de la juridiction d’un même État, mais aussi entre les juridictions de plusieurs États membres. Cela correspond à l’acquis du droit de l’Union; voir les articles 54 à 58 de la Convention d’application de l’accord de Schengen […] En ce qui concerne les situations visées par l’article 4 du protocole no 7 [à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»)], à savoir l’application du principe à l’intérieur d’un même État membre, le droit garanti a le même sens et la même portée que le droit correspondant de la CEDH».

La CEDH

11.

L’article 4 du protocole no 7 à la CEDH dispose:

«1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.

2. Les dispositions du paragraphe précédent n’empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’État concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu.»

12.

Le rapport explicatif ( 7 ) sur le protocole no 7 à la CEDH précise ce qui suit en ce qui concerne l’article 4:

«29. Le principe établi dans cette disposition s’applique uniquement après l’acquittement ou la condamnation de l’intéressé par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénales de l’État concerné. Cela signifie qu’il doit y avoir eu un jugement définitif, selon la définition rapportée ci-dessus, au paragraphe 22 [ ( 8 )].

30. Le procès peut toutefois être rouvert, conformément à la loi de l’État concerné, à la suite de l’apparition de faits nouveaux ou nouvellement révélés, ou s’il apparaît qu’il y a eu un vice fondamental dans la procédure, susceptible d’affecter l’issue du procès soit en faveur, soit au détriment de la personne concernée.

31. L’expression ‘des faits nouveaux ou nouvellement révélés’ englobe tous moyens de preuve relatifs à des faits préexistants. De plus, cet article n’exclut pas une réouverture de la procédure en faveur du condamné ni tout autre changement du jugement au profit du condamné.»

13.

Selon la définition contenue dans le rapport explicatif de la convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs ( 9 ), une décision est définitive «si elle est, selon l’expression consacrée, passée en force de chose jugée. Tel est le cas lorsqu’elle est irrévocable, c’est-à-dire lorsqu’elle n’est pas susceptible de voies de recours ordinaires ou que les parties ont épuisé ces voies ou laissé passer les délais sans les exercer.»

Le droit national

Le droit belge

14.

L’article 128 du code d’instruction criminelle belge (ci-après le «CIC») dispose que, lorsque le renvoi en jugement d’un inculpé est demandé, «[s]i la chambre du conseil est d’avis que le fait ne présente ni crime, ni délit, ni contravention, ou qu’il n’existe aucune charge contre l’inculpé, elle déclare qu’il n’y a pas lieu à poursuivre». C’est ce que l’on appelle une décision de non-lieu.

15.

L’article 246 du CIC énonce:

«L’inculpé à l’égard duquel la chambre des mises en accusation aura décidé qu’il n’y a pas lieu au renvoi à l’une de ces cours ne pourra plus y être traduit à raison du même fait, à moins qu’il ne survienne de nouvelles charges.»

16.

L’article 247 du CIC dispose:

«Sont considérés comme charges nouvelles les déclarations de témoins, pièces et procès-verbaux qui, n’ayant pas pu être soumis à l’examen de la chambre des mises en accusation, sont cependant de nature soit à fortifier les preuves que la chambre des mises en accusation aurait trouvées trop faibles, soit à donner aux faits de nouveaux développements utiles à la manifestation de la vérité.»

17.

La Cour de cassation (Belgique) a jugé ( 10 ) que les articles 246 et 247 du CIC régissent non seulement le non-lieu prononcé par la chambre des mises en accusation, mais s’appliquent également dans tous les cas où les juridictions d’instruction, en ce compris la chambre du conseil, ont clôturé une instruction judiciaire par une décision de non-lieu.

18.

L’article 248 du CIC prévoit que, en cas de survenance de charges nouvelles, l’officier de police judiciaire ou le juge d’instruction adresse copie des pièces et des charges au procureur général près la cour d’appel. En vertu de la réquisition de ce dernier, le président de la chambre des mises en accusation indique le juge devant lequel il sera, à la poursuite du ministère public, procédé à une nouvelle instruction ( 11 ).

Le droit italien

19.

L’article 604 du Codice penale (code pénal italien) prévoit que les violences sexuelles commises par des ressortissants italiens, bien que perpétrées à l’étranger, peuvent être poursuivies en Italie.

Les faits, la procédure et la question préjudicielle

20.

M, ressortissant italien résidant en Belgique, a été mis en examen en Belgique, à la suite de plusieurs plaintes déposées au début de l’année 2004 par Q, sa belle‑fille, sur des allégations de multiples agissements constitutifs de violences sexuelles ou, à tout le moins, de comportements illicites à caractère sexuel. Entre les mois de mai 2001 et février 2004, M aurait commis ces actes sur le territoire belge à l’encontre de N, sa petite-fille mineure (née le 29 avril 1999).

21.

La police belge a diligenté une longue instruction ayant consisté à rassembler de nombreux documents, à auditionner des personnes, dont N, et à obtenir des rapports d’experts. Ces expertises concernaient, notamment, le point de...

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