Zoran Spasic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:739
Date02 May 2014
Celex Number62014CP0129
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypePetición de decisión prejudicial - procedimiento de urgencia
Docket NumberC‑129/14
62014CP0129

PRISE DE POSITION DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentée le 2 mai 2014 ( 1 )

Affaire C‑129/14 PPU

Zoran Spasic

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberlandesgericht Nürnberg (Allemagne)]

«Procédure préjudicielle d’urgence — Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Principe ne bis in idem — Acquis de Schengen — Article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen — Articles 50 et 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Article 4 du protocole no 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales — Condamnation pour les mêmes faits — Condition d’exécution d’une sanction pénale — Sanction composée de deux éléments»

Table des matières

I – Introduction

II – Le cadre juridique

A – La CEDH

B – Le droit de l’Union

1. La Charte

2. L’acquis de Schengen en droit de l’Union

a) L’accord de Schengen

b) La CAAS

c) Le protocole sur l’acquis de Schengen

III – Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

IV – Analyse

A – Propos introductifs

1. Sur la compétence de la Cour

2. Sur les enjeux de l’affaire

B – Sur la première question, relative à la relation entre l’article 54 de la CAAS et l’article 50 de la Charte

1. Sur le principe ne bis in idem

2. Sur la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS et son application par les instruments liés

3. Sur l’article 4 du protocole no 7

4. L’article 50 de la Charte et son rapport avec l’article 4 du protocole no 7

5. La condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS entre-t-elle en conflit avec l’article 50 de la Charte?

6. La condition d’exécution constitue-t-elle une limitation ou une dérogation au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte?

– Sur l’existence d’une ingérence constitutive d’une atteinte à un droit fondamental

– Sur la justification de l’ingérence au regard des conditions de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte

– Sur la justification à l’aune du test de proportionnalité

C – Sur la seconde question, relative à l’interprétation de la condition d’exécution au sens de l’article 54 de la CAAS

V – Conclusion

I – Introduction

1.

La présente procédure a pour origine un recours contre la décision de maintien des effets d’un mandat d’arrêt émis par les autorités allemandes à l’égard de M. Spasic, de nationalité serbe, actuellement placé en détention provisoire en Allemagne sur le fondement dudit mandat ( 2 ). M. Spasic a été condamné en Italie pour escroquerie, pour les mêmes faits que ceux qui font l’objet dudit mandat.

2.

Par ses questions préjudicielles, l’Oberlandesgericht Nürnberg (Allemagne) saisit donc la Cour d’une problématique inédite dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale. Dans ce cadre, la Cour est invitée à clarifier le rapport entre l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), qui prévoit le droit à ne pas être poursuivi ou puni pénalement deux fois pour une même infraction (principe ne bis in idem), et l’article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen (ci-après la «CAAS») ( 3 ), relatif à l’application dudit principe.

3.

En particulier, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’application de la condition énoncée à l’article 54 de la CAAS, selon laquelle l’interdiction de poursuites pénales pour les mêmes faits ne s’applique que sous réserve que «la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la Partie Contractante de condamnation» (ci-après la «condition d’exécution») ( 4 ), peut être considérée comme une limitation justifiée de l’article 50 de la Charte au sens de l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci. Cette question conduira la Cour à préciser la portée du principe ne bis in idem dans un contexte transfrontalier, eu égard à l’état actuel de la création de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. La Cour est également saisie de l’interprétation de la condition d’exécution au sens de l’article 54 de la CAAS lorsque la peine est composée de deux éléments indépendants.

4.

Dès lors que l’article 50 de la Charte correspond à l’article 4 du protocole no 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ( 5 ), la présente demande de décision préjudicielle implique de déterminer les effets dudit protocole aux fins de l’interprétation du principe ne bis in idem.

5.

À cet égard, je relève d’emblée que la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS autorise les autorités d’un État membre B à entamer ou à continuer les poursuites pénales en dépit de l’existence d’une décision finale adoptée par un État membre A par rapport à la même personne et par rapport aux mêmes faits. Or, dans un contexte national, une telle démarche aurait été interdite, tant conformément à l’article 4 du protocole no 7, tel qu’interprété dans les arrêts de la Cour EDH Zolotoukhine c. Russie ( 6 ) et Muslija c. Bosnie-Herzégovine ( 7 ), que conformément à l’article 50 de la Charte lequel, selon les explications relatives à la Charte, a le même sens et la même portée que le droit correspondant de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH») dans l’hypothèse de l’application du principe ne bis in idem à l’intérieur d’un État membre. Par conséquent, il convient également d’encadrer les limites du pouvoir discrétionnaire des autorités nationales de l’État membre B au regard des exigences découlant de la Charte ( 8 ).

II – Le cadre juridique

A – La CEDH

6.

Le protocole no 7 prévoit, à son article 4, intitulé «Droit à ne pas être jugé ou puni deux fois», ce qui suit:

«1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.

2. Les dispositions du paragraphe précédent n’empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’État concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu.

3. Aucune dérogation n’est autorisée au présent article au titre de l’article 15 de la [CEDH]» ( 9 ).

B – Le droit de l’Union

1. La Charte

7.

L’article 50 de la Charte, intitulé «Droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction», est rédigé comme suit:

«Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.»

8.

L’article 52 de la Charte, intitulé «Portée et interprétation des droits et des principes», dispose:

«1. Toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui. […] [ ( 10 )].

3. Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue.

[…]

7. Les explications élaborées en vue de guider l’interprétation de la présente Charte sont dûment prises en considération par les juridictions de l’Union et des États membres.»

2. L’acquis de Schengen en droit de l’Union

a) L’accord de Schengen

9.

Le 14 juin 1985, les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française ont signé, à Schengen, un accord relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes ( 11 ).

b) La CAAS

10.

La CAAS, conclue le 19 juin 1990 par les mêmes parties contractantes et qui est entrée en vigueur le 26 mars 1995, prévoit ce qui suit à son article 54, qui fait partie du chapitre III, intitulé «Application du principe ne bis in idem»:

«Une personne qui a été définitivement jugée par une Partie Contractante ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre Partie Contractante, à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la Partie Contractante de condamnation.»

11.

L’article 55 de la CAAS prévoit les cas dans lesquels un État partie a la possibilité de déclarer qu’il n’est pas lié par l’article 54. L’article 56 prévoit la règle selon laquelle toute période de privation de liberté subie sur le territoire d’une partie à l’accord est déduite de la sanction qui sera éventuellement prononcée dans un autre État. Il sera également tenu compte, dans la mesure où les législations nationales le permettent, des sanctions autres que celles privatives de liberté...

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