Criminal proceedings against Luca Menci.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:667
Date12 September 2017
Celex Number62015CC0524
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-524/15
62015CC0524

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 12 septembre 2017 ( 1 )

Affaire C‑524/15

Luca Menci

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale di Bergamo (tribunal de Bergame, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Législation nationale prévoyant une sanction administrative et une sanction pénale pour les mêmes faits, relatifs au défaut de versement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Atteinte au principe non bis in idem – Identité des faits – Répétition des procédures ou des sanctions – Exceptions à l’interdiction du principe non bis in idem – Lien matériel et temporel suffisamment étroit entre les procédures »

1.

Dans quelles conditions le principe non bis in idem s’applique‑t‑il lorsque le droit de certains États membres permet de cumuler les sanctions administratives et pénales pour sanctionner les défauts de paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui portent sur des montants importants ? Voilà en résumé la problématique à laquelle la Cour est à nouveau confrontée.

2.

Dans son arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson ( 2 ), la Cour a défini la ligne que les juridictions nationales devaient suivre concernant le droit d’une personne de ne pas être jugée deux fois pour le même manquement à l’obligation de payer la TVA. Elle l’a fait en intégrant des solutions développées par la Cour européenne des droits de l’homme, mais la réponse apportée dans cet arrêt a entraîné des difficultés et des controverses parmi les juges de certains États membres, par exemple en Italie.

3.

De surcroît, la Cour européenne des droits de l’homme a considérablement modifié sa jurisprudence sur le principe non bis in idem dans l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 15 novembre 2016, A et B c. Norvège ( 3 ). La Cour devra décider si elle adopte cette nouvelle orientation plus restrictive du principe non bis in idem ou si elle maintient un niveau de protection supérieur. Partant, en précisant l’arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105), elle devra se prononcer sur la question de savoir si la limitation apportée au principe non bis in idem qui a été récemment validée par la Cour européenne des droits de l’homme s’applique en droit de l’Union.

4.

Compte tenu du lien existant avec les affaires Garlsson Real State e.a. (C‑537/16), Di Puma (C‑596/16) et Consob (C‑597/16), les conclusions sur l’affaire sous objet sont présentées simultanément à celles des affaires précitées.

I. Le cadre juridique

A. La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

5.

Le protocole no 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), conclue à Rome le 4 novembre 1950, a été signé à Strasbourg le 22 novembre 1984 (ci-après le « protocole no 7 ») et énonce à son article 4 le « droit à ne pas être jugé ou puni deux fois » dans les termes suivants :

« 1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.

2. Les dispositions du paragraphe précédent n’empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’État concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu.

3. Aucune dérogation n’est autorisée au présent article au titre de l’article 15 de la convention ».

B. Le droit de l’Union

6.

Conformément à l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») :

« Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi. »

7.

L’article 51 de la Charte définit son champ d’application :

« 1. Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions et organes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l’application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l’Union telles qu’elles lui sont conférées dans les traités.

2. La présente Charte ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour la Communauté et pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies par les traités. »

8.

L’article 52 réglemente la portée et l’interprétation des droits et des principes reconnus par la Charte dans les termes suivants :

« 1. Toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui.

[…]

3. Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue.

4. Dans la mesure où la présente Charte reconnaît des droits fondamentaux tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, ces droits doivent être interprétés en harmonie avec lesdites traditions.

[…]

6. Les législations et pratiques nationales doivent être pleinement prises en compte comme précisé dans la présente Charte. »

C. Le droit italien

9.

L’article 13, paragraphe 1, du Decreto legislativo n. 471 ( 4 ) (décret législatif no 471), du 18 décembre 1997, dispose :

« Quiconque ne s’acquitte pas, en tout ou en partie, dans les délais prescrits, des acomptes, des versements périodiques, du versement de péréquation ou du solde de l’impôt résultant de la déclaration, déduction faite, dans ces cas, du montant des versements périodiques et des acomptes, même s’ils n’ont pas été acquittés, est passible d’une sanction administrative s’élevant à 30 % de chaque montant impayé, même lorsque, à la suite de la correction d’erreurs matérielles ou de calcul constatées lors du contrôle de la déclaration annuelle, il apparaît que le montant de l’impôt est plus important ou que l’excédent déductible est moindre. Pour les versements effectués avec un retard n’excédant pas quinze jours, la sanction visée à la première phrase, outre les dispositions de l’article 13, paragraphe 1, du décret législatif no 472, du 18 décembre 1997, est encore réduite à un montant égal à un quinzième pour chaque jour de retard. La même sanction s’applique dans les cas de liquidation d’un montant d’impôt plus important au sens des articles 36 bis et 36 ter du décret no 600 du président de la République, du 29 septembre 1973, et de l’article 54 bis du décret no 633 du président de la République, du 26 octobre 1972 ( 5 ). »

10.

Le Decreto legislativo n. 74 ( 6 ) (décret législatif no 74), du 10 mars 2000, relatif aux infractions en matière d’impôts directs et de TVA (ci‑après le « décret législatif 74/2000 »), réglemente en son article 10 ter le « défaut de versement de la TVA » dans les termes suivants :

« La disposition de l’article 10 bis s’applique également, dans les limites qu’elle prévoit, à toute personne qui ne verse pas la taxe sur la valeur ajoutée, telle qu’elle est due sur la base de la déclaration annuelle, dans le délai prévu pour le versement de l’acompte relatif à la période d’imposition ultérieure. »

11.

En vertu de l’article 10 bis du décret législatif 74/2000 :

« Toute personne qui ne verse pas, dans le délai prévu pour la présentation de la déclaration annuelle de tiers payeur, les retenues qui résultent de la certification remise aux assujettis auxquels [ladite personne] se substitue, [lorsque le défaut de paiement porte sur] un montant supérieur à cinquante mille euros pour chaque période d’imposition, sera punie d’un emprisonnement de six mois à deux ans. »

12.

Les articles 19 à 21 du décret législatif 74/2000, qui relèvent du titre « Rapports avec le système de sanction administratif et entre les procédures », indiquent, pour résumer, que : a) le droit spécifique s’applique quand un même fait est sanctionné par une disposition du titre II et par une disposition qui prévoit une sanction administrative ; b) la procédure pénale et la procédure administrative sont traitées séparément, autrement dit, aucune des deux ne doit être suspendue dans l’attente de l’issue de la seconde ; c) l’autorité compétente inflige les sanctions administratives relatives aux infractions fiscales qui constituent l’infraction pénale ; d) néanmoins, ces sanctions ne sont pas exécutoires, à moins que la procédure pénale n’ait été clôturée par une décision de classement ou par une décision irrévocable d’acquittement ou une décision mettant fin aux poursuites qui exclut que le fait soit pénalement répréhensible. Dans cette dernière hypothèse, le délai pour l’encaissement court à partir de la date de la communication de la décision d’acquittement.

13.

Après les faits à l’origine du présent renvoi préjudiciel, la...

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