Ville de Nivelles v Rudy Matzak.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:619
Docket NumberC-518/15
Celex Number62015CC0518
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date26 July 2017
62015CC0518

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 26 juillet 2017 ( 1 )

Affaire C‑518/15

Ville de Nivelles

contre

Rudy Matzak

[demande de décision préjudicielle formée par la cour du travail de Bruxelles (Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs – Aménagement du temps de travail – Notions de “temps de travail” et de “période de repos” – Sapeurs-pompiers – Temps de garde – Période d’astreinte »

1.

Par la présente demande de décision préjudicielle, il est demandé à la Cour de fournir des orientations sur l’interprétation de la directive 2003/88 relative au temps de travail ( 2 ), dans la mesure où celle‑ci s’applique à un sapeur-pompier réserviste ( 3 ) qui est tenu de demeurer disponible, par roulement, dans un rayon déterminé (exprimé en termes de temps) de son lieu de travail lorsqu’il est en service d’astreinte ( 4 ). La Cour est également appelée à donner son avis sur : i) la possibilité d’exclure certaines catégories de sapeurs-pompiers de l’application de ladite directive, et les points de savoir ii) si un État membre est libre d’adopter une définition de la notion de « temps de travail » qui est moins restrictive que celle prévue par ladite directive, et iii) si l’interprétation de la notion de « temps de travail » prévue par ladite directive s’applique aussi à la détermination de la rémunération due à des personnes en service d’astreinte.

Le cadre légal

Le droit de l’Union

2.

Aux termes de l’article 153 TFUE :

« 1. En vue de réaliser les objectifs visés à l’article 151, l’Union soutient et complète l’action des États membres dans les domaines suivants :

a)

l’amélioration, en particulier, du milieu de travail pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs ;

b)

les conditions de travail ;

c)

la sécurité sociale et la protection sociale des travailleurs ;

[…]

2. À cette fin, le Parlement européen et le Conseil :

[…]

b)

peuvent arrêter, dans les domaines visés au paragraphe 1, points a) à i), par voie de directives, des prescriptions minimales applicables progressivement, compte tenu des conditions et des réglementations techniques existant dans chacun des États membres.

[…]

5. Les dispositions du présent article ne s’appliquent [pas] aux rémunérations […]. »

3.

L’article 1er de la directive 2003/88 dispose :

« 1. La présente directive fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail.

2. La présente directive s’applique :

a)

aux périodes minimales de repos journalier, de repos hebdomadaire et de congé annuel ainsi qu’au temps de pause et à la durée maximale hebdomadaire de travail, et

b)

à certains aspects du travail de nuit, du travail posté et du rythme de travail.

3. La présente directive s’applique à tous les secteurs d’activités, privés ou publics, au sens de l’article 2 de la directive 89/391/CEE [du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO 1989, L 183, p. 1)], sans préjudice des articles 14, 17, 18 et 19 de la présente directive.

[…] »

4.

L’article 2 de la directive 2003/88 est ainsi rédigé :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1.

“temps de travail” : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ;

2.

“période de repos” : toute période qui n’est pas du temps de travail ;

[…]. »

5.

Aux termes de l’article 15 de cette même directive :

« La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ou de favoriser ou de permettre l’application de conventions collectives ou d’accords conclus entre partenaires sociaux plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. »

6.

Aux paragraphes 2 et 3 de son article 17, la directive 2003/88 énonce :

« 2. Les dérogations prévues aux paragraphes 3, 4 et 5 peuvent être adoptées par voie législative, réglementaire et administrative ou par voie de conventions collectives ou d’accords conclus entre partenaires sociaux, à condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels l’octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur n’est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée soit accordée aux travailleurs concernés.

3. Conformément au paragraphe 2 du présent article, il peut être dérogé aux articles 3, 4, 5, 8 et 16 :

[…]

c)

pour les activités caractérisées par la nécessité d’assurer la continuité du service ou de la production, notamment lorsqu’il s’agit :

[…]

iii)

des services de presse, de radio, de télévision, de productions cinématographiques, des postes ou télécommunications, des services d’ambulance, de sapeurs-pompiers ou de protection civile ;

[…]. »

Le droit belge

7.

La loi du 14 décembre 2000 fixant certains aspects de l’aménagement du temps de travail dans le secteur public (Moniteur belge du 5 janvier 2001, p. 212) transpose en droit national la directive 93/104 sur l’aménagement du temps de travail ( 5 ). L’article 3 de la loi définit les « travailleurs » comme étant « les personnes qui, dans le cadre d’une relation de travail de nature statutaire ou contractuelle […], exécutent des prestations de travail sous l’autorité d’une autre personne ». L’article 8 prévoit, notamment, que l’on entend par « durée du travail » le temps pendant lequel le travailleur est à la disposition de l’employeur.

8.

L’article 186 de la loi du 30 décembre 2009 portant des dispositions diverses (Moniteur belge du 31 décembre 2009, p. 82925) prévoit que les pompiers réservistes, notamment, ne répondent pas à la définition de « travailleurs » au sens de l’article 3 de la loi du 14 décembre 2000 fixant certains aspects de l’aménagement du temps de travail dans le secteur public.

9.

L’article 9 bis du règlement organique du service d’incendie de la ville de Nivelles prévoit :

« Pendant la période d’astreinte, chaque membre du personnel volontaire détaché à la caserne de Nivelles s’engage :

à se trouver en permanence à une distance du casernement, telle que le délai de déplacement nécessaire pour le rejoindre, dans des conditions fluides, n’excède pas huit minutes maximum ;

[…]. »

Sur les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

10.

M. Rudy Matzak est un pompier réserviste ( 6 ) de la ville de Nivelles (Belgique) ( 7 ). Selon les modalités de son engagement, il doit se tenir à disposition pour le travail pendant une semaine sur quatre, les soirs et le week-end. Il est rémunéré uniquement pour le temps passé en service actif. Le temps de garde que le sapeur-pompier effectue sans devoir accomplir des tâches professionnelles (appelé « période d’astreinte ») ( 8 ) n’est pas rémunéré.

11.

Durant les périodes effectuées en service d’astreinte, M. Matzak doit rester joignable et, si nécessaire, se présenter à la caserne aussitôt que possible et, en tous les cas, dans un délai n’excédant pas huit minutes dans des conditions normales ( 9 ). La juridiction de renvoi relève que cela signifie en pratique que le sapeur-pompier doit résider près de la caserne et que ses activités durant ces périodes sont restreintes en conséquence.

12.

Estimant qu’un certain nombre d’aspects du régime qui lui était applicable, en particulier son niveau de rémunération en ce qui concerne le service d’astreinte, étaient insatisfaisants, M. Matzak a introduit un recours devant le tribunal du travail de Nivelles (Belgique), lequel a accueilli la majorité de ses réclamations par jugement du 23 mars 2012.

13.

La ville de Nivelles a alors interjeté appel dudit jugement devant la cour du travail de Bruxelles (Belgique). Cette juridiction relève que, aux termes du droit belge, le temps de travail est généralement défini comme le temps pendant lequel le travailleur est à la disposition de l’employeur et que le lieu où le travailleur se trouve ne semble donc pas déterminant. À la lumière de l’interprétation dégagée par la Cour de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2003/88 ( 10 ), il semble que les définitions de la notion de « temps de travail » en droit belge et en droit de l’Union ne soient pas entièrement concordantes. La cour du travail de Bruxelles relève également qu’il existe, dans la jurisprudence nationale, une tendance à résoudre la question de la rémunération des pompiers réservistes, comme M. Matzak, en s’appuyant principalement, voire exclusivement, sur la définition de la notion de « temps de travail » en droit de l’Union. Puisqu’elle considère qu’une interprétation par la Cour de certaines dispositions de la directive 2003/88 est nécessaire pour trancher le litige dont elle est saisie, la cour du travail de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes au titre de l’article 267 TFUE :

« 1)

L’article 17, paragraphe 3, sous c), iii) de [la directive 2003/88] doit-il être interprété comme permettant les États membres d’exclure certaines catégories de sapeurs-pompiers, recrutés par les...

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