Commission of the European Communities v Kingdom of Spain.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:158
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-503/03
Date10 March 2005
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62003CC0503

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 10 mars 2005 (1)

Affaire C-503/03

Commission des Communautés européennes

contre

Royaume d’Espagne

«Directive 64/221/CEE – Ressortissants d’États tiers mariés à des citoyens de l’Union – Droit d’entrée et de séjour – Restriction pour des raisons d’ordre public – Système d’information de Schengen – Signalement aux fins de non-admission – Obligation de motivation»






I – Introduction

1. Dans la présente procédure en manquement, la Commission des Communautés européennes fait valoir que le Royaume d’Espagne aurait violé à plusieurs points de vue la directive 64/221/CEE (2). Cette dernière précise les conditions dans lesquelles les États membres sont habilités à limiter les droits d’accès au territoire et de séjour d’étrangers d’autres États membres ainsi que des membres de leur famille pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique.

2. Le présent litige a pour objet la pratique administrative espagnole consistant à refuser aux ressortissants d’États tiers, sans examen au cas par cas, l’entrée sur le territoire ou la délivrance d’un visa, lorsque les personnes concernées sont signalées dans le Système d’information Schengen (ci-après le «SIS») aux fins de non-admission. La Commission estime que cet automatisme est contraire à la directive 64/221 lorsque les ressortissants des États tiers sont des membres de la famille de citoyens de l’Union européenne. Le Royaume d’Espagne fait valoir pour sa défense que sa pratique administrative serait conforme aux prescriptions de la convention d’application de l’accord de Schengen (3) (ci-après la «CAAS»). La présente procédure pose donc la question de savoir si les dispositions pertinentes de l’acquis de Schengen sont conformes au droit communautaire, et comment une éventuelle contradiction devrait être résolue.

II – Le cadre juridique

A – La directive 64/221

3. La Commission fait grief de la violation des articles suivants de ladite directive:

«Article 1er

1. Les dispositions de la présente directive visent les ressortissants d’un État membre qui séjournent ou se rendent dans un autre État membre de la Communauté, soit en vue d’exercer une activité salariée ou non salariée, soit en qualité de destinataires de services.

2. Ces dispositions s’appliquent également au conjoint et aux membres de la famille qui répondent aux conditions des règlements et directives pris dans ce domaine en exécution du traité.

Article 2

1. La présente directive concerne les dispositions relatives à l’entrée sur le territoire, à la délivrance ou au renouvellement du titre de séjour, ou à l’éloignement du territoire, qui sont prises par les États membres pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

2. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques.

Article 3

1. Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu qui en fait l’objet.

2. La seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver ces mesures.

[…]

Article 6

Les raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique qui sont à la base d’une décision le concernant sont portées à la connaissance de l’intéressé, à moins que des motifs intéressant la sûreté de l’État ne s’y opposent.»

4. Cette directive sera remplacée le 29 avril 2006 par la directive 2004/38/CE (4).

B – L’acquis de Schengen

5. Une partie de l’acquis de Schengen est constituée par le SIS. Il s’agit d’une banque de données interétatique constituée d’unités nationales et d’une fonction centrale de support technique installée à Strasbourg (France). Le SIS permet aux autorités de demander des renseignements sur des personnes et sur des objets, notamment dans le cadre de la procédure de délivrance de visas, à l’occasion de contrôles aux frontières extérieures ainsi que dans le cadre de vérifications et de contrôles des autorités policières et douanières sur le territoire des États parties à l’accord de Schengen. Le système a été créé pour compenser les déficits de sécurité résultant de la suppression des contrôles aux frontières intérieures de ces États. La présente procédure porte sur le signalement d’étrangers aux fins de non-admission. À cet égard sont notamment pertinentes les dispositions suivantes de la CAAS ainsi qu’une déclaration du Comité exécutif mis en place par celle-ci:

1. La CAAS

6. L’article 1er de la CAAS définit la notion d’«étranger» comme toute personne autre que les ressortissants des États membres des Communautés européennes.

7. L’article 5 de la CAAS régit l’entrée d’étrangers dans l’espace Schengen pour un séjour limité dans le temps. Cette disposition indique entre autres:

«1. Pour un séjour n’excédant pas trois mois, l’entrée sur les territoires des Parties Contractantes peut être accordée à l’étranger qui remplit les conditions ci-après:

d) ne pas être signalé aux fins de non-admission;

[…]

2. L’entrée sur les territoires des Parties Contractantes doit être refusée à l’étranger qui ne remplit pas l’ensemble de ces conditions, sauf si une Partie Contractante estime nécessaire de déroger à ce principe pour des motifs humanitaires ou d’intérêt national ou en raison d’obligations internationales. En ce cas, l’admission sera limitée au territoire de la Partie Contractante concernée qui devra en avertir les autres Parties Contractantes.»

8. Les articles 15 et 16 de la CAAS contiennent un régime parallèle à celui de l’article 5 en ce qui concerne la délivrance de visas. Ceux-ci ne peuvent en principe être délivrés que s’il est satisfait à la condition citée à l’article 5, paragraphe 1, sous d), de la CAAS. À titre dérogatoire, un visa peut toutefois être délivré, pour l’une des raisons citées à l’article 5, paragraphe 2, de la CAAS, même en cas d’existence d’un signalement aux fins de non-admission. Sa validité géographique doit alors être limitée au territoire de l’État membre qui délivre le visa.

9. L’article 96 de la CAAS réglemente la catégorie de signalement du SIS en cause en l’espèce, à savoir le refus d’entrée:

«1. Les données relatives aux étrangers qui sont signalés aux fins de non-admission sont intégrées sur la base d’un signalement national résultant de décisions prises, dans le respect des règles de procédure prévues par la législation nationale, par les autorités administratives ou les juridictions compétentes.

2. Les décisions peuvent être fondées sur la menace pour l’ordre public ou la sécurité et la sûreté nationales que peut constituer la présence d’un étranger sur le territoire national.

Tel peut être notamment le cas:

a) d’un étranger qui a été condamné pour une infraction passible d’une peine privative de liberté d’au moins un an;

b) d’un étranger à l’égard duquel il existe des raisons sérieuses de croire qu’il a commis des faits punissables graves, y inclus ceux visés à l’article 71, ou à l’égard duquel il existe des indices réels qu’il envisage de commettre de tels faits sur le territoire d’une Partie Contractante.

3. Les décisions peuvent être également fondées sur le fait que l’étranger a fait l’objet d’une mesure d’éloignement, de renvoi ou d’expulsion non rapportée ni suspendue comportant ou assortie d’une interdiction d’entrée, ou, le cas échéant, de séjour, fondée sur le non-respect des réglementations nationales relatives à l’entrée ou au séjour des étrangers.»

10. L’article 94, paragraphe 3, de la CAAS définit enfin les données qui peuvent être inscrites dans le SIS. Selon cette disposition, les raisons pour lesquelles un signalement aux fins de non-admission est effectué ne figurent pas dans le SIS.

11. En application de l’article 134 de la CAAS, les dispositions de celle-ci ne sont applicables que dans la mesure où elles sont compatibles avec le droit communautaire. L’article 142 de la CAAS prévoit, en ce qui concerne le rapport entre la CAAS et les conventions des États membres de la Communauté européenne, que, en cas de contradiction, la CAAS doit être remplacée ou modifiée.

2. L’explication de la notion d’«étranger»

12. Les conditions d’inscription d’un étranger dans le SIS sont définies plus précisément par la déclaration du Comité exécutif, du 18 avril 1996, concernant la définition de la notion d’étranger (5):

«[D]ans le cadre de l’application de l’article 96 de la Convention susmentionnée,

les bénéficiaires du droit communautaire ne doivent en principe pas être inscrits sur la liste commune des personnes non admissibles.

Toutefois, les personnes définies ci-dessous, bénéficiaires du droit communautaire, peuvent être inscrites sur la liste commune si les conditions d’une telle inscription sont compatibles avec le droit communautaire:

a) les membres de la famille des citoyens de l’Union européenne ayant la nationalité d’un État tiers et bénéficiant du droit d’entrée et de séjour dans un État membre, en vertu d’un acte adopté en application du traité instituant la Communauté européenne;

b) […]

S’il est constaté qu’une personne inscrite sur la liste commune des personnes non admissibles s’avère être un bénéficiaire du droit communautaire, cette inscription ne peut être maintenue que si elle est compatible avec le droit communautaire. Si tel n’est pas le cas, l’État membre ayant procédé à l’inscription prend toutes les dispositions nécessaires pour supprimer l’inscription de la personne concernée.

C – Le protocole de Schengen

13. L’acquis issu de la coopération internationale entre les États parties à l’accord de Schengen a été intégré dans l’Union européenne par l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, le 1er mai 1999. Ce faisant, les États parties à l’accord de Schengen ont été autorisés à instaurer entre eux une coopération renforcée. Le protocole intégrant l’acquis de Schengen dans le cadre de l’Union européenne (6) conclu à cette fin prévoit dans son préambule:

«NOTANT que les accords...

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