Commission of the European Communities v Kingdom of Spain.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:777
CourtCourt of Justice (European Union)
Date15 December 2005
Docket NumberC-221/04
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62004CC0221

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE Kokott

présentées le 15 décembre 2005 (1)

Affaire C-221/04

Commission des Communautés européennes

contre

Royaume d'Espagne

«Conservation des habitats naturels de la faune et de la flore sauvages - Chasse aux lacets avec des freins dans les zones de chasse privées – Castille‑León»





I – Introduction

1. Dans la présente affaire, les parties s’opposent sur la question de savoir si l’autorisation de la chasse au renard au moyen de collets munis d’arrêtoirs dans certaines zones de chasse privées est compatible avec la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (2) (ci après la «directive habitats»).

2. La directive habitats interdit notamment la mise à mort et la capture intentionnelle des loutres (Lutra lutra). La Commission des Communautés européennes craint que les collets autorisés ne capturent pas seulement des renards – comme prévu –, mais également des loutres.

II – Cadre juridique

A – Les règles de la directive habitats

3. L’article 12, paragraphe 1, de la directive habitats énonce:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l’annexe IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant:

a) toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature;

[…]»

4. L’article 12, paragraphe 4, de la directive habitats prévoit:

«Les États membres instaurent un système de contrôle des captures et mises à mort accidentelles des espèces animales énumérées à l’annexe IV point a). Sur la base des informations recueillies, les États membres entreprennent les nouvelles recherches ou prennent les mesures de conservation nécessaires pour faire en sorte que les captures ou mises à mort involontaires n’aient pas une incidence négative importante sur les espèces en question.»

5. L’annexe IV de la directive habitats mentionne la loutre sous a), en revanche le renard n’y est pas repris.

B – La convention de Berne

6. Des dispositions analogues à l’article 12 de la directive habitats se trouvent à l’article 6 de la convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (3):

«Chaque partie contractante prend les mesures législatives et réglementaires appropriées et nécessaires pour protéger les habitats des espèces sauvages de la flore et de la faune, en particulier de celles énumérées dans les annexes I et II et pour sauvegarder les habitats naturels menacés de disparition:

a) toutes formes de capture intentionnelle, de détention et de mise à mort intentionnelle;

b) la détérioration ou la destruction intentionnelles des sites de reproduction ou des aires de repos;

c) la perturbation intentionnelle de la faune sauvage, notamment durant la période de reproduction, de dépendance et d’hibernation, pour autant que la perturbation ait un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente convention;

[…]» (4).

III – Les faits, la procédure précontentieuse et les demandes des parties

7. L’objet de la procédure en manquement est l’autorisation de la chasse au renard au moyen de collets munis d’arrêtoirs. Il s’agit des autorisations des 10 janvier 2000 et 13 décembre 2002 en ce qui concerne la zone de chasse SA‑10.328, située à Aldeanueva de la Sierra dans la province de Salamanque, et du 24 mai 2001 relative à la zone de chasse AV-10.198, située à Mediana de la Voltoya dans la province d’Avila. Ces deux provinces font partie de la région Castille‑León.

8. Plus précisément, ces autorisations prévoient que seuls les renards peuvent être chassés. Les collets munis d’arrêtoirs empêchent que les animaux capturés soient étranglés. Ces collets doivent être contrôlés chaque jour, de préférence de bonne heure.

9. L’autorisation du 24 mai 2001 relative à la zone de chasse AV‑10.198, située à Mediana de la Voltoya, s’appliquait à la période allant du 3 mai au 15 juin 2001.

10. En ce qui concerne la zone de chasse SA-10.328, située à Aldeanueva de la Sierra, la décision du 10 janvier 2000 prévoyait déjà qu’en outre d’autres animaux que les renards devaient absolument être libérés en cas de capture. Les collets ne pouvaient être posés ou déplacés qu’en présence d’un «agente forestal» (5). L’autorisation du 13 décembre 2002 modifie ces autorisations et contient des conditions supplémentaires. Il s’ensuit que les collets ne peuvent être posés et déplacés que par des gardes-chasses («guarda de caza» (6)). Il est interdit de placer des collets aux abords des rivières. La localisation des collets doit être communiquée aux autorités compétentes en matière de chasse dans les dix jours après autorisation.

11. À la suite de la réception de plaintes, la Commission a eu connaissance des autorisations et a mis en demeure le gouvernement espagnol par courriers des 19 avril et 21 décembre 2001. Le 3 avril 2003, la Commission a adressé un avis motivé.

12. Par son recours, la Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

– constater que, du fait que les autorités de Castille‑León autorisent la pose de collets avec arrêtoir dans divers terrains de chasse privés, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l’article 12, paragraphe 1, et de l’annexe VI de la directive habitats;

– condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

13. Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

– déclarer la requête irrecevable pour absence de détermination de l’objet du litige, absence de preuve et absence de caractérisation de l’infraction alléguée;

– à titre subsidiaire, rejeter le recours;

– condamner la Commission aux dépens.

IV – Appréciation

A – Recevabilité

14. Le gouvernement espagnol soulève divers moyens à l’encontre de la recevabilité du recours.

15. Tout d’abord, le gouvernement espagnol s’oppose à ce que l’objet de la requête ait été étendu aux autorisations du 24 mai 2001 relative à la zone de chasse AV-10.198, située à Mediana de la Voltoya dans la province d’Avila, et du 13 décembre 2002 concernant la zone de chasse SA-10.328, située à Aldeanueva de la Sierra dans la province de Salamanque. La première autorisation aurait déjà été annulée par les autorités compétentes le 29 mai 2001. La deuxième autorisation a, quant à elle, été mentionnée pour la première fois dans l’avis motivé.

16. En ce qui concerne l’autorisation du 24 mai 2001, il est dépourvu de pertinence qu’elle ait été déjà annulée le 29 mai 2001 – ce que la Commission ignore et donc conteste. En effet, elle a expiré au plus tard le 15 juin 2001, conformément au délai mentionné au point 7 de celle‑ci.

17. Selon l’article 226 CE, la Commission peut saisir la Cour si l’État en cause ne se conforme pas à l’avis motivé dans le délai déterminé par la Commission. Toutefois, l’autorisation du 24 mai 2001 avait déjà perdu tout effet juridique bien avant l’émission de l’avis motivé du 3 avril 2003. Il s’ensuit que le Royaume d’Espagne ne pouvait plus adopter de mesures pour respecter l’avis motivé en ce qui concerne ladite autorisation. Par conséquent, la requête est dans cette mesure irrecevable (7).

18. En ce qui concerne l’autorisation du 13 décembre 2002, la Commission soutient dans sa requête tout d’abord que ladite autorisation n’a été mentionnée dans l’avis motivé qu’à titre d’exemple et, ensuite, elle en fait concrètement l’objet du recours. Elle justifie cela par le fait que cette autorisation ne faisait que prolonger l’autorisation du 10 janvier 2000.

19. Dans cette mesure, c’est à juste titre que la Commission fait référence à la jurisprudence selon laquelle elle peut, dans un recours en manquement, même soulever des éléments postérieurs à l’avis motivé mais qui sont de la même nature que ceux mentionnés dans cet avis motivé et qui se fondent sur le même comportement (8). En effet, il n’est pas admissible qu’un État membre puisse continuellement ralentir une procédure en modifiant les mesures contestées lors de la procédure précontentieuse. L’autorisation du 13 décembre 2002 modifie et complète les conditions de la chasse au collet dans la zone de chasse en cause; toutefois, elle ne met pas fin à celle-ci.

20. Les affirmations faites par la Commission dans sa requête ne sont pas exemptes de toute contradiction en ce qui concerne cette autorisation, toutefois, elles montrent clairement que la Commission l’intègre dans l’objet du recours. Le fait que cette autorisation ait également été mentionnée le plus tôt possible – à savoir dans l’avis motivé – a pour effet que ce grief contre le Royaume d’Espagne n’est pas non plus surprenant.

21. Dans la mesure où le gouvernement espagnol soutient dans son mémoire en duplique que la Commission ne peut inclure des autorisations individuelles dans l’objet du recours en manquement, sans du même coup critiquer les mesures de transposition liées à ces autorisations, il méconnaît le pouvoir d’appréciation de la Commission en matière de procédure en manquement. En tant que gardienne du traité CE, la Commission peut demander à la Cour de constater un manquement qui consisterait à ne pas avoir atteint, dans un cas déterminé, le résultat visé par une directive (9).

22. De plus, le gouvernement espagnol soutient que, au cours de la procédure précontentieuse, la Commission a soulevé des griefs tenant à la conformité du droit espagnol avec la directive habitats, à la mise en danger d’autres espèces animales que la loutre ainsi qu’à la chasse au moyen de pièges à mâchoires pour ensuite restreindre le recours à la question de la mise en danger de la loutre à la suite de l’autorisation de la chasse au collet. Toutefois, ces critiques ne peuvent remettre en cause la recevabilité du recours. En effet, la conformité nécessaire entre la procédure précontentieuse et le recours n’exclut pas de restreindre l’objet du litige...

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