European Commission v Grand Duchy of Luxemburg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:49
CourtCourt of Justice (European Union)
Date28 January 2010
Docket NumberC-526/08
Procedure TypeRecurso por incumplimiento - fundado
Celex Number62008CC0526

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 28 janvier 2010 (1)

Affaire C‑526/08

Commission européenne

contre

Grand-Duché de Luxembourg

«Régime linguistique – Droits de la défense – Non bis in idem – Autorité de la chose jugée – Article 228 CEDirective 91/676/CEE – Protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles – Non-conformité des mesures nationales avec les règles relatives aux périodes, conditions et techniques d’épandage des fertilisants»





I – Introduction

1. La Commission européenne critique la transposition de la directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles (2) (ci-après la «directive nitrates»), par le Grand-Duché de Luxembourg. Plus précisément, ce recours porte sur l’absence d’interdictions d’épandage de fertilisants durant certaines périodes, sur les capacités de stockage des effluents d’élevage, sur l’épandage de fertilisants sur les sols en forte pente ainsi que sur les techniques d’épandage.

2. Ce litige est, par ailleurs, inhabituel dans la mesure où la Cour s’est déjà prononcée sur des critiques similaires le 8 mars 2001 (3). Il convient donc de vérifier dans quelle mesure cette circonstance fait obstacle au recours. Un autre problème procédural résulte du fait que la Commission a joint à sa requête deux expertises en langue anglaise, alors que la procédure est conduite en langue française.

II – Cadre juridique

3. L’article 228 CE (devenu, après modification, article 260 TFUE) notamment présente une pertinence pour apprécier la recevabilité du recours:

«1. Si la Cour de justice reconnaît qu’un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité, cet État est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour de justice.

2. Si la Commission estime que l’État membre concerné n’a pas pris ces mesures, elle émet, après avoir donné à cet État la possibilité de présenter ses observations, un avis motivé précisant les points sur lesquels l’État membre concerné ne s’est pas conformé à l’arrêt de la Cour de justice.

Si l’État membre concerné n’a pas pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour dans le délai fixé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice. Elle indique le montant de la somme forfaitaire ou de l’astreinte à payer par l’État membre concerné qu’elle estime adapté aux circonstances.

Si la Cour de justice reconnaît que l’État membre concerné ne s’est pas conformé à son arrêt, elle peut lui infliger le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte.

Cette procédure est sans préjudice de l’article 227.»

4. La présente affaire concerne la transposition de la directive nitrates. Son objectif est défini à l’article 1er:

«La présente directive vise à:

– réduire la pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates à partir de sources agricoles,

– prévenir toute nouvelle pollution de ce type.»

5. En ce qui concerne la présente affaire, les définitions figurant à l’article 2, sous e) à g), présentent un intérêt:

«e) ‘fertilisant’: toute substance contenant un ou des composés azotés épandue sur les sols afin d’améliorer la croissance de la végétation, y compris les effluents d’élevage, les résidus des élevages piscicoles et les boues d’épuration;

f) ‘engrais chimique’: tout fertilisant fabriqué selon un procédé industriel;

g) ‘effluent d’élevage’: les déjections d’animaux ou un mélange de litière et de déjections d’animaux, même s’ils ont subi une transformation.»

6. L’article 5, paragraphe 4, régit le contenu du programme d’action litigieux en l’espèce:

«Les programmes d’action sont mis en œuvre dans un délai de quatre ans à compter de leur élaboration et ils contiennent les mesures obligatoires suivantes:

a) les mesures visées à l’annexe III;

b) les mesures que les États membres ont arrêtées dans le(s) code(s) de bonne pratique agricole élaboré(s) conformément à l’article 4, à l’exception de celles qui ont été remplacées par les mesures énoncées à l’annexe III.»

7. Il s’agit, plus précisément, des mesures suivantes visées aux annexes II et III:

«Annexe II

Code(s) de bonne pratique agricole

A. Un ou des codes de bonne pratique agricole visant à réduire la pollution par les nitrates et tenant compte des conditions prévalant dans les différentes régions de la Communauté devraient contenir des règles couvrant les éléments ci-après, pour autant qu’ils soient pertinents:

1) les périodes pendant lesquelles l’épandage de fertilisants est inapproprié;

2) les conditions d’épandage des fertilisants sur les sols en forte pente;

3) […]

4) […]

5) la capacité et la construction des cuves destinées au stockage des effluents d’élevage, notamment les mesures visant à empêcher la pollution des eaux par ruissellement et infiltration dans le sol ou écoulement dans les eaux superficielles de liquides contenant des effluents d’élevage et des effluents de matières végétales telles que le fourrage ensilé;

6) les modes d’épandage des engrais chimiques et des effluents d’élevage, notamment son niveau et son uniformité, pour pouvoir maintenir à un niveau acceptable la fuite dans les eaux d’éléments nutritifs.

B. […]»

«Annexe III

Mesures à inclure dans les programmes d’action conformément à l’article 5 paragraphe 4 point a)

1. Les mesures comportent des règles concernant:

1) les périodes durant lesquelles l’épandage de certains types de fertilisants est interdit;

2) la capacité des cuves destinées au stockage des effluents d’élevage; celle-ci doit dépasser la capacité nécessaire au stockage durant la plus longue des périodes d’interdiction d’épandage dans la zone vulnérable, sauf s’il peut être démontré à l’autorité compétente que le volume d’effluents d’élevage qui dépasse la capacité de stockage réelle sera évacué d’une manière inoffensive pour l’environnement;

3) […]»

III – Antécédents du litige et conclusions

8. Le Grand-Duché de Luxembourg a, tout d’abord, transposé la directive nitrates par le règlement grand-ducal du 20 septembre 1994 concernant l’utilisation de fertilisants organiques dans l’agriculture et modifiant le règlement grand-ducal modifié du 14 avril 1990 relatif aux boues d’épuration (4) (ci-après le «règlement grand-ducal de 1994»).

9. Un premier recours en manquement portait sur ce règlement. Le 8 mars 2001, la Cour a constaté que le Grand-Duché de Luxembourg aurait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive nitrates en n’adoptant pas toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux obligations prévues aux articles 5, paragraphes 4 et 6, et 10, paragraphe 1, en liaison avec les annexes II, partie A, III, point 1, sous 3, et V, point 4, sous e), de ladite directive (5).

10. Alors que cette première procédure était encore en cours, le Grand-Duché de Luxembourg a remplacé le règlement grand-ducal de 1994 par le règlement grand-ducal du 24 novembre 2000 concernant l’utilisation de fertilisants azotés dans l’agriculture (6) (ci-après le «règlement grand-ducal de 2000»).

11. Le 15 décembre 2006, la Commission a de nouveau, en application de l’article 226 CE (devenu, après modification, article 258 TFUE), demandé au Grand-Duché de Luxembourg de prendre position sur des lacunes dans la transposition de la directive nitrates (mise en demeure). Le Grand-Duché de Luxembourg n’ayant pas répondu, la Commission a émis, le 29 juin 2007, un avis motivé dans lequel elle lui fixait un délai de deux mois pour mettre fin aux défauts de transposition qu’elle avait identifiés.

12. À la suite d’observations luxembourgeoises en date du 29 mai 2008, la Commission a renoncé à certaines de ces critiques, mais en a toutefois maintenu d’autres. C’est pourquoi elle a introduit, le 2 décembre 2008, le présent recours et a conclu à ce qu’il plaise à la Cour:

– constater que, en ne prenant pas toutes les mesures législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer complètement et correctement aux articles 4 et 5, en liaison avec les annexes II, partie A, points 5 et 6, et III, point 1, sous 1 et 2, de la directive nitrates, le Grand-Duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive;

– condamner le Grand-Duché de Luxembourg aux dépens.

13. Le Grand-Duché de Luxembourg demande que le recours soit déclaré nul ou qu’il soit rejeté comme étant irrecevable.

14. À l’audience du 2 décembre 2009, la Cour a invité les États membres et les institutions à prendre position sur l’exception d’irrecevabilité tirée de la violation du principe non bis in idem. Outre le Grand-Duché de Luxembourg et la Commission, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, la République française, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République de Pologne, la République de Finlande, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et le Parlement européen ont pris part à l’audience.

IV – Appréciation juridique

A – Sur la recevabilité

15. Le Grand-Duché de Luxembourg estime que le recours est nul pour violation du régime linguistique ou, à titre subsidiaire, irrecevable. Il serait, de surcroît, irrecevable pour violation du principe non bis in idem, à savoir l’interdiction d’imposer une double sanction, dans la mesure où la Cour aurait déjà statué sur certains des griefs invoqués à l’appui du présent recours.

1. Sur le régime linguistique

16. Le Grand-Duché de Luxembourg fonde son grief relatif au régime linguistique sur le fait que la Commission a produit en tant qu’annexes deux études en langue anglaise sans y joindre de traduction en langue française.

17. En vertu de l’article 29, paragraphe 2, sous a), du règlement de procédure, la...

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