KHS AG v Winfried Schulte.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:465
Date07 July 2011
Celex Number62010CC0214
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-214/10

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME VERICA TRSTENJAK

présentées le 7 juillet 2011 (1)

Affaire C‑214/10

KHS AG

contre

Winfried Schulte

[demande de décision préjudicielle formée par le Landesarbeitsgericht Hamm (Allemagne)]

«Conditions de travail – Aménagement du temps de travail – Article 7 de la directive 2003/88/CE – Droit au congé annuel payé – Indemnisation pour congé annuel payé non pris à la fin de la relation de travail – Extinction du droit au congé annuel payé non pris pour cause de maladie à l’expiration d’un délai prévu par une réglementation nationale»






Table des matières

I – Introduction

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

B – Le droit national

III – Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

IV – La procédure devant la Cour

V – Le résumé des arguments des parties

VI – Analyse juridique

A – Généralités

B – Sur les questions préjudicielles proprement dites

1. Les éléments clés de la jurisprudence résultant de l’arrêt Schultz‑Hoff e.a.

2. Sur la question de savoir si le sens et l’objectif de l’article 7 de la directive 2003/88 commandent un cumul des droits à congé et à indemnité

a) Arguments en faveur d’un cumul des droits

b) Arguments en défaveur du cumul des droits

i) Nécessité d’un exercice rapide des droits

ii) Pas d’accroissement manifeste de l’effet de récupération

iii) Inconvénients pour la réintégration économique et sociale du travailleur

– Risques pour l’intégration professionnelle du travailleur

– Risque pour le maintien de la relation de travail

iv) Risque de charges pour les petites et moyennes entreprises du point de vue organisationnel et financier

v) Risque de dénaturation du droit à indemnité compensatrice de congé

c) Conclusion provisoire

3. Compatibilité avec le droit de l’Union d’une limitation dans le temps de la possibilité de report des droits à congé et à indemnité

a) L’arrêt Schultz-Hoff e.a. comme point de départ

b) Sur la limitation temporelle de la période de report

c) Pouvoir d’appréciation de l’État membre pour fixer un délai

d) Conclusion provisoire

4. Remarques finales

VII – Conclusion


I – Introduction

1. Par la présente demande de décision préjudicielle, introduite en application de l’article 267 TFUE, le Landesarbeitsgericht Hamm (Allemagne) soumet à la Cour deux questions relatives à l’interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (2).

2. Ces questions se posent dans le cadre d’un litige opposant M. Schulte, ancien employé mis en invalidité totale à la suite d’une grave maladie, à son ancien employeur, la société KHS AG (ci-après «KHS»), au sujet de la compensation financière correspondant aux congés qu’il n’a pas pu prendre pour cause de maladie. Par sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance si l’ordre juridique de l’Union, tel qu’interprété par la Cour dans sa jurisprudence, exige que le droit pour le travailleur à obtenir des indemnités compensatrices de congés puisse se cumuler sur plusieurs années également dans le cas où celui-ci n’a pas été en mesure d’exercer son droit à congés annuels payés en raison d’une incapacité de travail de longue durée.

3. La Cour est invitée à développer à présent sa jurisprudence relative au rapport entre le congé annuel et le congé de maladie, dont l’arrêt Schultz-Hoff e.a. (3) a constitué le point de départ, et éventuellement à préciser les limites du droit à congé annuel payé garanti par le droit de l’Union, ainsi que de son corollaire, le droit à indemnité compensatrice de congés payés due en cas de cessation de la relation de travail, et ce en tenant compte de la manière dont les intérêts respectifs du travailleur et de l’employeur doivent se concilier.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union (4)

4. L’article 1er de la directive 2003/88 est ainsi rédigé:

«Objet et champ d’application

1. La présente directive fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail.

2. La présente directive s’applique:

a) aux périodes minimales de [...] congé annuel [...]».

5. L’article 7 de cette directive prévoit:

«Congé annuel

1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail.»

6. En vertu de l’article 17 de la directive 2003/88, les États membres peuvent déroger à certaines dispositions de cette directive. Cependant, aucune dérogation n’est possible en ce qui concerne l’article 7 de ladite directive.

B – Le droit national

7. La loi fédérale relative aux congés (Bundesurlaubgesetz), du 8 janvier 1963, dans sa version résultant du 7 mai 2002 (ci-après la «loi sur les congés»), prévoit à son article 1er:

«Tout travailleur a droit pour chaque année civile à des congés payés.»

8. L’article 3 de la loi sur les congés, intitulé «Durée du congé», prévoit à son paragraphe 1:

«Le congé est d’au moins 24 jours ouvrables par an.»

9. L’article 7 de cette loi, intitulé «Fixation, report et indemnisation du congé», prévoit à ses paragraphes 3 et 4:

«3. Le congé doit être octroyé et pris dans l’année civile en cours. Un report du congé à l’année civile suivante est uniquement permis si des raisons impérieuses tenant à l’entreprise ou à la personne du travailleur le justifient. En cas de report, le congé doit être octroyé et pris dans les trois premiers mois de l’année civile suivante.

4. Si en raison de la cessation de la relation de travail, le congé ne peut plus être octroyé en tout ou en partie, alors il y a lieu de l’indemniser.»

10. L’article 13 de la loi sur les congés dispose que les conventions collectives peuvent déroger à certaines dispositions de cette loi, dont l’article 7, paragraphe 3, de celle-ci, pour autant que cela ne préjudicie pas au travailleur.

11. La convention collective générale unitaire pour l’industrie de la métallurgie et de l’électronique de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Einheitlicher Manteltarifvertrag für die Metall- und Elektroindustrie Nordrhein-Westfalen), du 18 décembre 2003 (ci-après la «convention collective»), prévoit à son article 11 intitulé «Principes régissant l’octroi des congés»:

«1) Les salariés/apprentis ont chaque année droit à un congé payé (congé annuel) selon les modalités suivantes. L’année de référence est l’année civile.

Le droit à congé s’éteint trois mois après l’expiration de l’année civile, sauf si son titulaire a vainement tenté de le faire valoir ou s’il n’a pas pu prendre congé pour des motifs liés au fonctionnement de l’entreprise.

Si les congés n’ont pu être pris pour cause de maladie, le droit à congé s’éteint douze mois après l’expiration de la période visée au deuxième alinéa ci-dessus.

[...]

3) Une indemnité financière pour congé non pris n’est possible qu’en cas de cessation de la relation de travail/d’apprentissage.»

III – Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

12. Selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, les parties au litige au principal sont en désaccord sur le point de savoir si KHS doit à M. Schulte une indemnité compensatrice de congé payé au titre des années 2006 à 2008, à l’issue de la relation de travail.

13. M. Schulte a travaillé au sein de KHS – et de l’entreprise qui l’a précédée – à compter d’avril 1964, en qualité de serrurier. Son contrat de travail relevait de la convention collective. Le droit à congés annuels payés garanti par la convention collective représentait 30 jours par an.

14. Le 23 janvier 2002, M. Schulte a été victime d’un infarctus. Pendant la période allant du 26 février au 16 avril 2002, il a suivi un programme de rééducation à l’issue duquel il a été déclaré inapte au travail. Depuis 2002, M. Schulte est gravement handicapé. À compter du 1er octobre 2003, il a perçu, pour une durée limitée, une indemnité au titre de son incapacité de travail totale ainsi qu’une pension d’invalidité.

15. Le 25 août 2008, les parties ont mis fin à la relation de travail avec effet au 31 août 2008.

16. Le 18 mars 2009, M. Schulte a saisi l’Arbeitsgericht Dortmund d’une demande visant à obtenir le versement d’une compensation financière pour ses congés annuels correspondant aux années 2006 à 2008, soit 35 jours chaque fois, pour un montant total de 9 162,30 euros. L’Arbeitsgericht Dortmund lui a reconnu, par jugement du 20 août 2009, le droit au versement de 6 544,50 euros et a rejeté le surplus de la demande. La condamnation prononcée correspond, au titre des années 2006 à 2008, à la compensation financière du congé annuel minimal prévu par la loi, soit 20 jours par an, ainsi qu’à cinq jours par an auxquels l’intéressé a droit en tant que personne gravement handicapée.

17. KHS a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi. Elle soutient que les droits à congé correspondant aux années 2006 et 2007 sont en tout état de cause éteints du fait de l’expiration de la période de report, conformément aux dispositions de l’article 11, paragraphe 1, point 3, de la convention collective. Il serait excessif d’accorder à un travailleur tombé malade la totalité de ses droits à congé sans tenir compte des délais de report et d’extinction des droits – en l’espèce une période de référence de trois ans.

18. La juridiction de renvoi constate que, dans le cas d’espèce, le droit à congé de M. Schulte au titre de l’année 2006 s’est éteint le 3 mars 2008, en application de l’article 11, paragraphe 1, point 3, de la convention collective. Elle ajoute cependant que la Cour a jugé, dans son arrêt Schultz-Hoff...

To continue reading

Request your trial
5 practice notes
  • Opinion of Advocate General Ćapeta delivered on 23 March 2023.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 23 March 2023
    ...18. 33 Sentencia Schultz-Hoff, apartado 28. 34 Conclusiones de la Abogada General Trstenjak presentadas en el asunto KHS (C‑214/10, EU:C:2011:465), punto 43; el subrayado es de la 35 Sentencia Schultz-Hoff, apartado 46 y jurisprudencia citada. Si el límite impuesto al período de aplazamient......
  • Gérard Fenoll v Centre d’aide par le travail «La Jouvene» and Association de parents et d’amis de personnes handicapées mentales (APEI) d’Avignon.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 12 June 2014
    ...to 2004, he regularly benefited from 5 weeks’ annual paid leave. ( 16 ) The national court refers here in particular to the judgment in KHS (C‑214/10, EU:C:2011:761). ( 17 ) That explains the jurisdiction of the District Court, Avignon, to hear the main proceedings at first instance and not......
  • Z.J.R. Lock v British Gas Trading Limited.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 22 May 2014
    ...expresamente por la propia Directiva 93/104, Directiva ésa que ha sido codificada por la Directiva 2003/88 (véase la sentencia KHS, C‑214/10, EU:C:2011:761, apartado 23 y la jurisprudencia citada). Además, ese derecho está expresamente reconocido en el artículo 31, apartado 2, de la Carta d......
  • Gülay Bollacke v K + K Klaas & Kock BV & Co. KG.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 12 June 2014
    ...fue codificada por la Directiva 2003/88 (véanse las sentencias Schultz‑Hoff y otros, C‑350/06 y C‑520/06, EU:C:2009:18, apartado 22; KHS, C‑214/10, EU:C:2011:761, apartado 23, y Domínguez, C‑282/10, EU:C:2012:33, apartado 16 Además, procede destacar, por un lado, que el artículo 7 de la Dir......
  • Request a trial to view additional results
5 cases
  • Opinion of Advocate General Ćapeta delivered on 23 March 2023.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 23 March 2023
    ...18. 33 Sentencia Schultz-Hoff, apartado 28. 34 Conclusiones de la Abogada General Trstenjak presentadas en el asunto KHS (C‑214/10, EU:C:2011:465), punto 43; el subrayado es de la 35 Sentencia Schultz-Hoff, apartado 46 y jurisprudencia citada. Si el límite impuesto al período de aplazamient......
  • Gérard Fenoll v Centre d’aide par le travail «La Jouvene» and Association de parents et d’amis de personnes handicapées mentales (APEI) d’Avignon.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 12 June 2014
    ...to 2004, he regularly benefited from 5 weeks’ annual paid leave. ( 16 ) The national court refers here in particular to the judgment in KHS (C‑214/10, EU:C:2011:761). ( 17 ) That explains the jurisdiction of the District Court, Avignon, to hear the main proceedings at first instance and not......
  • Z.J.R. Lock v British Gas Trading Limited.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 22 May 2014
    ...expresamente por la propia Directiva 93/104, Directiva ésa que ha sido codificada por la Directiva 2003/88 (véase la sentencia KHS, C‑214/10, EU:C:2011:761, apartado 23 y la jurisprudencia citada). Además, ese derecho está expresamente reconocido en el artículo 31, apartado 2, de la Carta d......
  • Gülay Bollacke v K + K Klaas & Kock BV & Co. KG.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 12 June 2014
    ...fue codificada por la Directiva 2003/88 (véanse las sentencias Schultz‑Hoff y otros, C‑350/06 y C‑520/06, EU:C:2009:18, apartado 22; KHS, C‑214/10, EU:C:2011:761, apartado 23, y Domínguez, C‑282/10, EU:C:2012:33, apartado 16 Además, procede destacar, por un lado, que el artículo 7 de la Dir......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT