Commission of the European Communities v Ireland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:560
CourtCourt of Justice (European Union)
Date14 September 2006
Docket NumberC-532/03
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62003CC0532

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME CHRISTINE STIX-HACKL

PRÉSENTÉES LE 14 SEPTEMBRE 2006 1(1)

Affaire C-532/03

Commission des Communautés européennes

contre

Irlande

«Marchés publics – Articles 43 CE et 49 CE – Directive 92/50/CEE – Contrat écrit – Attribution d’un marché sans avis de marché (appel d’offres) – Services de secours – Transparence – Égalité – Manquement»





I – Remarques liminaires

1. La présente procédure en manquement concerne, tout comme une autre procédure en manquement introduite parallèlement (2), la question de savoir quelles prescriptions peuvent être déduites du droit primaire en ce qui concerne la transparence des procédures de passation de marché. Il en va en particulier dans cette procédure des obligations qui peuvent être déduites des libertés fondamentales et des principes généraux de droit pour les passations de marchés qui ne relèvent pas des directives sur les marchés publics. Cette procédure concerne enfin l’interprétation et le développement de la jurisprudence de la Cour dans les affaires Telaustria et Telefonadress (3) et Coname (4).

2. La directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (5) – remplacée entre-temps par le paquet législatif –, recouvre certes les passations de marchés concernant les prestations dans le domaine des services de secours, objet de la présente procédure, mais seuls sont couverts les marchés qui reposent sur un contrat écrit.

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

3. La présente procédure concerne avant tout la libre prestation de services, c’est-à-dire l’article 49 CE.

4. Il convient de signaler en outre l’article 86 CE. Son paragraphe 1 prévoit des obligations pour les États membres à l’égard de certaines entreprises. Le paragraphe 2 pose lui des obligations pour certaines entreprises, et ce avant tout pour celles auxquelles on a confié des services d’intérêt économique général.

B – Droit national

5. L’article 65, paragraphe 1, de la loi relative à la santé de 1953 (Health Act 1953) dispose:

«Sous réserve de directives générales données par le Ministre, et selon les modalités qu’elle juge utile d’imposer, une autorité sanitaire peut apporter à tout organisme fournissant ou proposant de fournir un service analogue ou complémentaire à celui qu’elle est susceptible d’offrir un ou plusieurs des concours suivants:

(a) contribuer aux dépenses engagées par l’organisme,

[…]»

6. L’article 25 de la loi relative aux services de lutte contre les incendies de 1981 (Fire Services Act 1981) dispose:

«Une autorité de protection contre les incendies [l’article 9 de la loi dispose que les autorités locales sont des autorités de protection contre les incendies] peut effectuer ou participer à une opération d’urgence, qu’il y ait ou non risque d’incendie, et peut en conséquence prendre les mesures qu’elle juge utiles à l’exercice de cette fonction pour le sauvetage ou la sauvegarde des personnes et la protection de la propriété.»

III – Les faits, la procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour

7. La Commission des Communautés européennes a appris, à la suite d’une plainte, comment en Irlande les marchés de services d’urgence sont attribués. La Commission, estimant que cette passation de marché aurait dû faire l’objet d’une publicité conformément à la directive 92/50, a entamé avec l’Irlande un échange de correspondance. Il concernait la question de savoir s’il existait un contrat auquel on aurait dû appliquer certaines obligations de publicité.

8. Le 28 novembre 2001, la Commission a sollicité auprès des autorités irlandaises des informations sur les rapports entre le Dublin City Council (ci-après le «DCC») et l’Eastern Regional Health Authority (ci-après l’«Authority»). N’ayant pas reçu de réponse, la Commission a initié une procédure en manquement en application de l’article 226 CE.

9. Dans leur réponse du 18 juin 2002, les autorités irlandaises ont affirmé que les services fournis par le DCC et rémunérés par l’Authority en vertu de l’article 65, paragraphe 1, sous a), de la loi relative à la santé de 1953, ont été fournis par le DCC de manière indépendante à titre de commettant, en dehors de tout contrat avec l’Authority et de tout contrôle ou de toute surveillance de la part de l’Authority. De tels services seraient au demeurant fournis depuis déjà des années.

10. Dans sa lettre du 9 août 2002, la Commission a réclamé aux autorités irlandaises tous les documents pertinents afin de déterminer les rapports entre le DCC et l’Authority.

11. Le 19 septembre 2002, le ministère de la Santé et de l’Enfance a envoyé à la Commission une lettre de réponse ainsi qu’une série de documents.

12. La Commission a maintenu sa position qu’il y avait violation du droit communautaire et a envoyé à l’Irlande, le 17 décembre 2002, un avis motivé en application de l’article 226 CE. Par lettre du 14 février 2003, les autorités irlandaises ont transmis à la Commission une réponse détaillée. La Commission a considéré que cette réponse était insatisfaisante.

13. Dans son recours, la Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

1) constater que l’Irlande, en autorisant le Dublin City Council à effectuer des transports en ambulance sans que l’Eastern Regional Health Authority publie d’avis de marché préalable, a manqué à ses obligations au titre du traité CE;

2) condamner l’Irlande aux dépens de la Commission.

14. L’Irlande conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

1) rejeter le recours de la Commission;

2) condamner la Commission aux dépens.

IV – Arguments des parties et de la partie intervenante

A – La Commission

15. Selon la Commission, en l’absence de contrat écrit, le fondement pour la prestation des services de secours ne serait pas couvert par le champ d’application de la directive 92/50, mais certaines obligations découleraient des libertés fondamentales, en particulier les articles 43 CE et 49 CE ainsi que les principes généraux de droit. On retrouve sans le moindre doute parmi ces derniers le principe de transparence ainsi que le principe d’égalité et de non-discrimination. La Commission renvoie à cet égard aux décisions dans les affaires Telaustria et Telefonadress, précitée, et Vestergaard (arrêt du 28 octobre 1999, C-55/98, Rec. p. I-7641).

16. Les États membres seraient libres de choisir une procédure particulière, mais devraient respecter les prescriptions du droit communautaire. Il faudrait ainsi procéder à une forme appropriée de publicité. Elle dépendrait du type de service et du cercle des entreprises pour lesquelles ce service serait intéressant.

17. La Commission considère sa communication relative aux questions d’interprétation dans le domaine des concessions en droit communautaire (6) comme constituant des lignes directrices à ce sujet.

18. Il ressortirait de plusieurs lettres, en particulier de celle du Finance Officer and Treasurer du 15 janvier 1999, que certains accords relatifs aux services à fournir ont été conclus en juin 1998. Cela a conduit à l’élaboration d’un projet de contrat. La qualification en droit national de ce contrat est sans pertinence pour le droit communautaire.

19. La Commission rejette par conséquent l’argument de l’Irlande selon lequel les services n’auraient pas été fournis pour l’Authority. Celle-ci assurerait en effet des missions dans le domaine, entre autres, du contrôle de la prestation de services. Même si le DCC n’a pas d’obligation de fournir le service, l’Authority doit néanmoins veiller à ce que le service soit disponible. Cela découlerait par exemple du projet de contrat susmentionné.

20. Lorsque l’Irlande argumente que la prestation de services – effectuée sans avis de marché – reposerait sur l’article 65, paragraphe 1, sous a), de la loi relative à la santé, cela signifie uniquement que cette disposition viole les articles 43 CE et 49 CE. Selon la Commission, cette disposition autorise seulement l’Authority à conclure des accords. Cela n’empêcherait pas l’Authority de procéder à un appel d’offres. Le type de service et son manque d’attractivité pour les entreprises ne permettraient pas de se passer de toute forme de publicité.

21. Le fait que l’Authority n’externaliserait pas le service litigieux si le DCC ne le fournissait pas ne rend pas le procédé légal.

22. Il serait en outre incorrect que l’exception de l’article 6 de la directive 92/50 viendrait à s’appliquer.

23. Il faudrait enfin également rejeter l’argument selon lequel l’affaire concernerait la prestation de services d’intérêt économique général au sens de l’article 86, paragraphe 2, CE. En effet, le respect des obligations découlant du traité n’empêcherait pas la réalisation de la mission spéciale qui leur a été confiée. Il ne serait en outre pas clair si le DCC ou l’Authority devraient être considérés comme une entreprise à laquelle des services sont confiés.

24. En ce qui concerne l’argument de l’Irlande selon lequel les services de secours d’urgence seraient fournis à titre gratuit, l’Irlande confondrait les services auxquels les particuliers auraient recours et les services qui sont fournis à l’Authority.

25. S’agissant de l’argument de l’Irlande selon lequel le DCC ne se verrait pas rembourser l’intégralité des frais, la Commission, qui d’ailleurs conteste ce point, signale que cela n’a pas d’importance.

26. Pour ce qui est de l’opinion du gouvernement néerlandais selon laquelle l’application des libertés fondamentales présuppose l’existence d’un élément transfrontalier, la Commission avance que ce serait en l’espèce le cas.

27. La restriction relative à la primauté des dispositions d’harmonisation et évoquée par le gouvernement néerlandais reposerait sur une compréhension erronée de l’affaire citée. La directive 92/50 prévoirait d’ailleurs elle-même dans son article 3, paragraphe 2, un principe de non-discrimination.

28. Il faudrait également rejeter l’opinion selon laquelle le...

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