Martin Luksan v Petrus van der Let.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:545
Docket NumberC-277/10
Celex Number62010CC0277
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date06 September 2011
62010CC0277

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME VERICA TRSTENJAK

présentées le 6 septembre 2011 ( 1 )

Affaire C-277/10

Martin Luksan

contre

Petrus van der Let

[demande de décision préjudicielle formée par le Handelsgericht Wien (Autriche)]

«Directive 93/83/CEE — Directive 2006/116/CEDirective 2001/29/CE — Directive 2005/115/CE — Droit d’auteur du réalisateur principal sur une œuvre cinématographique — Attribution des droits d’exploitation exclusifs au producteur du film — Conditions — Article 14 bis de la convention de Berne — Article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Rémunération équitable de l’auteur — Article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29/CE — Droits à rémunération pour des copies pour un usage privé — Compensation équitable»

Table des matières

I – Introduction

II – Le droit applicable

A – Le droit international

B – Le droit de l’Union

1. La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

2. La directive 93/83

3. La directive 93/98/CEE

4. La directive 2001/29

5. La directive location et prêt

a) La directive 92/100/CEE

b) La directive 2006/115/CE

C – Le droit national

III – Les faits, la procédure devant la juridiction nationale et les questions préjudicielles

A – Les faits

B – La procédure devant la juridiction nationale

1. Les droits d’exploitation exclusifs

2. Les droits à rémunération légaux

C – Les questions préjudicielles

IV – La procédure devant la Cour

V – La première question préjudicielle et la première partie de la deuxième question préjudicielle

A – Principaux arguments des parties

B – Appréciation en droit

1. La qualité d’auteur du réalisateur principal d’une œuvre cinématographique

a) La directive 93/83

b) La directive 2001/29

c) Conclusion intérimaire

2. Les droits d’exploitation exclusifs doivent-ils être attribués originairement au réalisateur principal en tant qu’auteur du film?

a) L’attribution a priori des droits d’exploitation exclusifs à l’auteur du film

b) La faculté de limiter les droits d’exploitation exclusifs de l’auteur du film

c) La licéité de l’attribution originaire des droits d’exploitation exclusifs au producteur du film

d) Conclusion intérimaire

3. Les conditions d’une attribution initiale des droits d’exploitation exclusifs au producteur du film

a) Impossibilité d’établir une analogie avec l’article 3, paragraphes 4 et 5, de la directive 2006/115

b) Les prescriptions du droit de l’Union

i) Conclusion d’un contrat

ii) Possibilité de prévoir des stipulations contraires

iii) Droit à une rémunération équitable

– Le droit du réalisateur principal en tant qu’auteur du film: un droit de propriété protégé par les droits fondamentaux

– Conditions justifiant une atteinte à ce droit de propriété

iv) Conclusion intérimaire

4. La question de la compatibilité d’une disposition du droit national comme l’article 38, paragraphe 1, première phrase, de l’UrhG avec les prescriptions du droit de l’Union

VI – La seconde partie de la deuxième question préjudicielle, ainsi que les troisième et quatrième questions préjudicielles

A – Principaux arguments des parties

B – Appréciation en droit

1. Remarque liminaire

2. La compensation équitable au sens de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29

a) Qui a droit à la compensation équitable?

b) Autres prescriptions

3. La question de la compatibilité d’une disposition nationale comme l’article 38, paragraphe 1, deuxième phrase, de l’UrhG avec les prescriptions du droit de l’Union

VII – Remarque complémentaire

VIII – Conclusion

I – Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle du Handelsgericht Wien (Autriche, ci-après la «juridiction de renvoi») concerne le domaine du droit d’auteur et soulève en substance trois questions relatives aux droits de l’auteur et du producteur d’un film.

2.

Tout d’abord, la juridiction de renvoi voudrait savoir si l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2006/116/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative à la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins (version codifiée) ( 2 ), ne définit la notion d’auteur du film qu’aux fins de cette directive ou si le champ d’application de cette définition dépasse le cadre de la directive.

3.

Ensuite, la juridiction de renvoi nous demande si une disposition nationale prévoyant que les droits d’exploitation exclusifs de reproduction, de transmission par satellite et d’autre communication au public, notamment par voie de mise à disposition du public, reviennent originairement au producteur et non pas à l’auteur ou aux auteurs du film. La juridiction de renvoi pose cette question eu égard à l’article 2 de la directive 93/83/CEE du Conseil, du 27 septembre 1993, relative à la coordination de certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble ( 3 ), ainsi qu’aux articles 2 et 3 de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information ( 4 ). D’après ces dispositions, ces droits d’exploitation exclusifs reviennent a priori à l’auteur de l’œuvre cinématographique.

4.

Enfin, en l’espèce, il convient de se demander à qui revient la compensation équitable prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, lorsque les États membres limitent, en vertu de l’article 2 de cette directive, le droit de reproduction de films s’agissant des copies destinées à un usage privé.

II – Le droit applicable

A – Le droit international

5.

L’article 14 bis de la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (acte de Paris, 1971) ( 5 ) (ci-après la «convention de Berne») est libellé comme suit:

«1) Sans préjudice des droits de l’auteur de toute œuvre qui pourrait avoir été adaptée ou reproduite, l’œuvre cinématographique est protégée comme une œuvre originale. Le titulaire du droit d’auteur sur l’œuvre cinématographique jouit des mêmes droits que l’auteur d’une œuvre originale, y compris les droits visés à l’article précédent.

a)

La détermination des titulaires du droit d’auteur sur l’œuvre cinématographique est réservée à la législation du pays où la protection est réclamée.

b)

Toutefois, dans les pays de l’Union où la législation reconnaît parmi ces titulaires les auteurs des contributions apportées à la réalisation de l’œuvre cinématographique, ceux-ci, s’ils se sont engagés à apporter de telles contributions, ne pourront, sauf stipulation contraire ou particulière, s’opposer à la reproduction, la mise en circulation, la représentation et l’exécution publiques, la transmission par fil au public, la radiodiffusion, la communication au public, le sous-titrage et le doublage des textes, de l’œuvre cinématographique.

c)

La question de savoir si la forme de l’engagement visé ci-dessus doit, pour l’application du sous-alinéa b) précédent, être ou non un contrat écrit ou un acte écrit équivalent est réglée par la législation du pays de l’Union où le producteur de l’œuvre cinématographique a son siège ou sa résidence habituelle. Est toutefois réservée à la législation du pays de l’Union où la protection est réclamée la faculté de prévoir que cet engagement doit être un contrat écrit ou un acte écrit équivalent. Les pays qui font usage de cette faculté devront le notifier au Directeur général par une déclaration écrite qui sera aussitôt communiquée par ce dernier à tous les autres pays de l’Union.

d)

Par ‘stipulation contraire ou particulière’, il faut entendre toute condition restrictive dont peut être assorti ledit engagement.

3) À moins que la législation nationale n’en décide autrement, les dispositions de l’alinéa 2) b) ci-dessus ne sont applicables ni aux auteurs des scénarios, des dialogues et des œuvres musicales, créés pour la réalisation de l’œuvre cinématographique, ni au réalisateur principal de celle-ci. Toutefois, les pays de l’Union dont la législation ne contient pas des dispositions prévoyant l’application de l’alinéa 2) b) précité audit réalisateur devront le notifier au Directeur général par une déclaration écrite qui sera aussitôt communiquée par ce dernier à tous les autres pays de l’Union.»

B – Le droit de l’Union

1. La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

6.

L’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «charte») dispose:

«1. Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général.

2. La propriété intellectuelle est protégée.»

2. La directive 93/83

7.

Les vingt-quatre à vingt-sixième considérants de la directive 93/83 sont libellés comme suit:

«(24)

considérant que...

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