Lodewijk Gysbrechts and Santurel Inter BVBA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:427
Docket NumberC-205/07
Celex Number62007CC0205
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date17 July 2008

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme VERICA Trstenjak

présentées le 17 juillet 2008 (1)

Affaire C‑205/07

Procédure pénale

contre

Lodewijk Gysbrechts,

Santurel Inter BVBA

[demande de décision préjudicielle formée par le hof van beroep te Gent (Belgique)]

«Articles 28 CE à 30 CE – Directive 97/7/CE concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance – Délai de rétractation – Interdiction d’exiger un acompte ou le paiement avant l’expiration du délai de rétractation – Interprétation d’une disposition nationale en ce sens que le numéro de carte de crédit ne peut pas être exigé avant l’expiration du délai de rétractation – Vente par Internet»





I – Introduction

1. Dans la présente affaire, la juridiction de renvoi souhaite savoir si les articles 28 CE à 30 CE s’opposent à une disposition de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur (ci-après la «loi belge sur la protection du consommateur»), en vertu de laquelle, en cas de contrat à distance, le vendeur ne peut exiger du consommateur aucun acompte ou paiement quelconque avant l’expiration du délai de renonciation de sept jours ouvrables. Dans le cadre de la présente analyse, il convient également d’apprécier si lesdits articles du traité CE s’opposent à l’interprétation spécifique que les autorités belges font de ladite disposition de la loi belge sur la protection du consommateur, en vertu de laquelle, lors de la conclusion d’un contrat à distance, le vendeur ne peut pas exiger du consommateur le numéro de sa carte de crédit, bien que le vendeur s’engage à ne pas l’utiliser pour encaisser le paiement, avant l’expiration du délai de renonciation. Ce faisant, la présente affaire soulève les importantes questions de la vente par Internet et des paiements y afférents par cartes de crédit grâce auxquelles la vente par Internet est facilitée et également encouragée.

2. Dans un contexte plus large, la présente affaire illustre bien que les modalités et les conditions de paiement du prix d’achat doivent, elles aussi, s’adapter à l’évolution du contrat de vente. En droit romain, le contrat de vente, par exemple, était exécuté de telle sorte que le vendeur remettait la chose à l’acheteur tout en recevant de ce dernier le prix de vente (2). Les deux obligations étaient donc exécutées simultanément. Avec l’évolution du contrat de vente, les modalités et les conditions de paiement ont considérablement changé, et ces changements ont été encore plus sensibles avec le développement de nouvelles technologies. Les modalités de paiement qui doivent contribuer à la sécurité des paiements, à la simplicité et, si possible, à la protection de toutes les parties concernées doivent donc, elles aussi, s’adapter au développement des technologies qui permettent la gestion et le commerce électroniques. En appréciant la présente affaire, nous devons donc avoir également à l’esprit le fait que la gestion et le commerce électroniques ainsi que les paiements y afférents par cartes de crédit seront, à l’avenir, encore plus répandus qu’aujourd’hui.

3. Dans le cadre de l’appréciation sur la base de l’article 29 CE, est traitée, dans la présente affaire, l’importante question de la définition des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’exportation qui, dans une jurisprudence constante, sont limitées aux seules mesures des États membres qui limitent spécifiquement l’exportation et qui traitent différemment, en droit ou en fait, le commerce intérieur et les courants commerciaux à l’exportation et qui, ce faisant, garantissent des avantages au marché national.

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

4. La directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (JO L 144, p. 19), dispose à son quatorzième considérant:

«[…] le consommateur n’a pas la possibilité in concreto de voir le produit ou de prendre connaissance des caractéristiques du service avant la conclusion du contrat; […] il convient de prévoir un droit de rétractation, sauf disposition contraire dans la présente directive […]»

5. Aux termes de l’article 6 de la directive 97/7:

«1. Pour tout contrat à distance, le consommateur dispose d’un délai d’au moins sept jours ouvrables pour se rétracter sans pénalités et sans indication du motif. Les seuls frais qui peuvent être imputés au consommateur en raison de l’exercice de son droit de rétractation sont les frais directs de renvoi des marchandises.

Pour l’exercice de ce droit, le délai court:

– pour les biens, à compter du jour de leur réception par le consommateur lorsque les obligations visées à l’article 5 ont été remplies,

[…]

2. Lorsque le droit de rétractation est exercé par le consommateur conformément au présent article, le fournisseur est tenu au remboursement des sommes versées par le consommateur, sans frais. Les seuls frais qui peuvent être imputés au consommateur en raison de l’exercice de son droit de rétractation sont les frais directs de renvoi des marchandises. Ce remboursement doit être effectué dans les meilleurs délais et, en tout cas, dans les trente jours.

3. Sauf si les parties en ont convenu autrement, le consommateur ne peut exercer le droit de rétractation prévu au paragraphe 1 pour les contrats:

[…]

– de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ou qui, du fait de leur nature, ne peuvent être réexpédiés ou sont susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement,

[…]»

6. Aux termes de l’article 8 de la directive 97/7:

«Les États membres veillent à ce que des mesures appropriées existent pour que le consommateur:

– puisse demander l’annulation d’un paiement en cas d’utilisation frauduleuse de sa carte de paiement dans le cadre de contrats à distance couverts par la présente directive,

– en cas d’utilisation frauduleuse, soit recrédité des sommes versées en paiement ou se les voie restituées.»

7. Aux termes de l’article 14 de la directive 97/7:

«Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. Ces dispositions comprennent, le cas échéant, l’interdiction, pour des raisons d’intérêt général, de la commercialisation sur leur territoire par voie de contrats à distance de certains biens ou services, notamment des médicaments, dans le respect du traité.»

B – La convention de Rome

8. La convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (ci-après la «convention de Rome»), dispose à son article 5, intitulé «Contrats conclus par les consommateurs»:

«1. Le présent article s’applique aux contrats ayant pour objet la fourniture d’objets mobiliers corporels ou de services à une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, ainsi qu’aux contrats destinés au financement d’une telle fourniture.

2. Nonobstant les dispositions de l’article 3, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle:

– si la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité, et si le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat, ou

– si le cocontractant du consommateur ou son représentant a reçu la commande du consommateur dans ce pays, ou

– si le contrat est une vente de marchandises et que le consommateur se soit rendu de ce pays dans un pays étranger et y ait passé la commande, à la condition que le voyage ait été organisé par le vendeur dans le but d’inciter le consommateur à conclure une vente.

3. Nonobstant les dispositions de l’article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l’article 3, ces contrats sont régis par la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, s’ils sont intervenus dans les circonstances décrites au paragraphe 2 du présent article.»

C – Le droit belge

9. En Belgique, c’est l’article 80 de la loi belge sur la protection du consommateur qui régit le droit pour ce dernier de se rétracter en cas de contrats à distance.

10. Aux termes de l’article 80, paragraphe 3, de la loi belge sur la protection du consommateur:

«Sans préjudice de l’application de l’article 45, paragraphe 1er, de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, aucun acompte ou paiement quelconque ne peut être exigé du consommateur avant la fin du délai de renonciation de sept jours ouvrables visé au paragraphe 1er.

En cas d’exercice du droit de renonciation prévu aux paragraphes 1er et 2, le vendeur est tenu au remboursement des sommes versées par le consommateur, sans frais. Ce remboursement doit être effectué au plus tard dans les trente jours suivant la renonciation.

[…]»

III – La situation de fait, la procédure au principal et la question préjudicielle

11. Santurel Inter BVBA (ci-après «Santurel»), dont le gérant est M. Gysbrechts, est une société spécialisée dans la vente en gros et au détail de suppléments alimentaires. La majeure partie des ventes est réalisée au moyen de son site Internet et les articles commandés sont expédiés par voie postale.

12. À la suite d’une plainte déposée par un client français, l’administration de l’inspection économique belge a mené une enquête sur la base de laquelle Santurel et M. Gysbrechts ont tous deux été inculpés de violation des dispositions de la loi belge sur la protection du consommateur, relatives à la vente à distance. Ces violations ont notamment consisté dans le non‑respect de l’interdiction, prévue à...

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