Opinion of Advocate General Wahl delivered on 22 March 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:213
Date22 March 2018
Celex Number62016CC0648
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-648/16
62016CC0648

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 22 mars 2018 ( 1 )

Affaire C‑648/16

Fortunata Silvia Fontana

contre

Agenzia delle Entrate – Direzione provinciale di Reggio Calabria

[demande de décision préjudicielle formée par la Commissione tributaria provinciale di Reggio Calabria (commission fiscale provinciale de Reggio Calabria, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Suspicion de fraude fiscale – Études sectorielles – Détermination de la taxe due au moyen de méthodes inductives – Principe de proportionnalité – Principe de neutralité – Contrôle juridictionnel – Droits de la défense – Niveau de preuve »

1.

Les dispositions de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ( 2 ) et les principes régissant le système de la TVA s’opposent-ils à une législation nationale qui permet aux autorités de déterminer la taxe due par un contribuable, présumé avoir sous-déclaré la TVA, au moyen d’une méthode inductive fondée sur des études sectorielles, estimant les revenus probables de certaines catégories de contribuables ?

2.

Telle est, en substance, la question que soulève l’affaire visée par le renvoi préjudiciel de la Commissione tributaria provinciale di Reggio Calabria (commission fiscale provinciale de Reggio Calabria, Italie) en l’espèce.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

3.

Le considérant 59 de la directive TVA dispose :

« Il convient que, dans certaines limites et conditions, les États membres puissent prendre ou continuer à appliquer des mesures particulières dérogatoires à la présente directive, afin de simplifier la perception de la taxe ou d’éviter certaines formes de fraude ou d’évasion fiscales. »

4.

L’article 73 de la directive TVA prévoit :

« Pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. »

5.

L’article 242 de la directive TVA indique :

« Tout assujetti doit tenir une comptabilité suffisamment détaillée pour permettre l’application de la TVA et son contrôle par l’administration fiscale. »

6.

L’article 244 de cette même directive prévoit que :

« Tout assujetti doit veiller à ce que soient stockées des copies des factures émises par lui-même, par l’acquéreur ou le preneur ou, en son nom et pour son compte, par un tiers, ainsi que toutes les factures qu’il a reçues. »

7.

Aux termes de l’article 250, paragraphe 1, de la directive TVA :

« Tout assujetti doit déposer une déclaration de TVA dans laquelle figurent toutes les données nécessaires pour constater le montant de la taxe exigible et celui des déductions à opérer, y compris, et dans la mesure où cela est nécessaire pour la constatation de l’assiette, le montant global des opérations relatives à cette taxe et à ces déductions ainsi que le montant des opérations exonérées. »

8.

En vertu de l’article 273 de la directive TVA :

« Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.

[…] »

B. Le droit italien

9.

L’article 39 du decreto del Presidente della Repubblica (décret du président de la République) no 600/1973 ( 3 ), du 29 septembre 1973, dispose :

« Concernant les revenus des personnes physiques exerçant une activité économique ou professionnelle indépendante, le bureau [des recettes] procède au redressement :

[…]

d)

si les éléments indiqués dans la déclaration et ses annexes s’avèrent incomplets, faux ou inexacts au terme du contrôle des écritures comptables et des autres vérifications prévues à l’article 33, ou du contrôle du caractère complet, exact et véridique des enregistrements comptables en tenant compte des factures et des autres actes et documents relatifs à l’entreprise, ainsi que des données et des informations recueillies par le bureau [des recettes], conformément aux modalités prévues à l’article 32. L’existence d’activités non déclarées ou l’inexistence des déficits déclarés peut également être constatée sur la base de présomptions simples, pour autant qu’elles soient graves, précises et concordantes.

[…] »

10.

L’article 54 du decreto del Presidente della Repubblica (décret du président de la République) no 633/1972 ( 4 ), du 26 octobre 1972, prévoit en substance que le contrôle de la véracité des déclarations relatives à la TVA peut se réaliser par une révision formelle de la déclaration présentée ou de manière plus approfondie, soit sur la base des éléments et des données dont dispose l’administration fiscale, soit sur la base de ceux recueillis par l’administration en vertu de ses pouvoirs d’instruction.

11.

L’article 62 bis du decreto-legge (décret-loi) no 331/1993 ( 5 ), du 30 août 1993, prévoit :

« Les bureaux des recettes du ministère des Finances, après avoir entendu les associations professionnelles, commerciales et industrielles, élaborent […] en ce qui concerne différents secteurs économiques, des études sectorielles spécifiques afin de rendre plus efficace l’action de recouvrement et de permettre une définition plus circonstanciée des coefficients de présomption visés à l’article 11 du décret-loi no 69 du 2 mars 1989 […]. À cette fin, ces bureaux déterminent les échantillons significatifs de contribuables appartenant aux mêmes secteurs nécessitant un contrôle afin de définir les éléments qui caractérisent l’activité exercée. Les études sectorielles sont approuvées par décrets du ministère des Finances […]. Elles peuvent être révisées et sont valables aux fins du redressement fiscal à compter de la période d’imposition de 1995. »

12.

L’article 62 sexies, paragraphe 3, du décret-loi no 331/1993 (visé ci-dessus) est libellé comme suit :

« Les contrôles fiscaux prévus à l’article 39, paragraphe 1, sous d), du [décret du président de la République no 600/1973] et à l’article 54 du [décret du président de la République no 633/1972] peuvent également être fondés sur l’existence de graves divergences entre les revenus, les rétributions et les contreparties déclarés et ceux que les caractéristiques et conditions d’exercice de l’activité particulière exercée, ou les études sectorielles élaborées en vertu de l’article 62 bis du présent décret, permettent de déduire de manière fondée. »

13.

L’article 10 de la legge (loi) no 146/1998 ( 6 ), du 8 mai 1998, dispose comme suit :

« 1. Les contrôles fiscaux fondés sur les études sectorielles […] visent les contribuables suivant les modalités prévues au présent article lorsque les revenus ou rétributions déclarés s’avèrent inférieurs aux revenus ou rétributions qui peuvent être déterminés sur la base desdites études.

[…]

3 bis. Dans les hypothèses visées au paragraphe 1, le [bureau], avant de notifier l’avis d’imposition, invite le contribuable à comparaître en vertu de l’article 5 du décret-loi no 218 du 19 juin 1997.

3 ter. En cas de non-adéquation aux revenus ou rétributions déterminés sur le fondement des études sectorielles, les causes justifiant la non-adéquation des revenus ou rétributions déclarés à ceux qui découlent de l’application de ces études peuvent être attestées. Les causes justifiant une incohérence entre la déclaration et les indices économiques relevés par les études susmentionnées peuvent également être attestées. Une telle attestation est délivrée, à la demande des contribuables […].

5. Aux fins de la [TVA], on applique au montant des revenus ou rétributions plus élevés, déterminé sur le fondement desdites études sectorielles, compte tenu de l’existence d’opérations non imposables ou soumises à des régimes spéciaux, le taux moyen résultant du rapport entre l’impôt sur les opérations imposables et le chiffre d’affaires déclaré, déduction faite de l’impôt relatif aux livraisons de biens amortissables, et le chiffre d’affaires déclaré.

[…]

7. Une commission d’experts désignés par le ministre, compte tenu également des signalements effectués par les organisations économiques professionnelles et les ordres professionnels, est instituée par décret du ministère des Finances. Cette commission, avant approbation et publication de chaque étude sectorielle, émet un avis relatif à la capacité de ces études à représenter la réalité à laquelle elles se réfèrent. […]

[…] ».

II. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et la question préjudicielle

14.

Mme Fortunata Silvia Fontana a fait l’objet d’une procédure de redressement fiscal relative à l’exercice 2010, notamment pour la TVA.

15.

L’Agenzia delle Entrate (administration fiscale, Italie) a envoyé à la requérante, le 14 mai 2014, une invitation à comparaître devant elle, qui a abouti à l’ouverture d’une procédure contradictoire dans le cadre de laquelle Mme Fontana a formulé des observations et a produit des documents destinés à réfuter les conclusions présumant que ses revenus étaient plus élevés que ceux déclarés. Toutefois, l’administration fiscale n’a pas considéré les arguments et les documents présentés comme étant convaincants et, le 24 décembre 2014, elle a...

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