Opinion of Advocate General Bot delivered on 15 February 2017.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:116
Date15 February 2017
Celex Number62015CC0579
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-579/15
62015CC0579

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 15 février 2017 ( 1 )

Affaire C‑579/15

Openbaar Ministerie

contre

Daniel Adam Popławski

[demande de décision préjudicielle formée par le Rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas)]

«Renvoi préjudiciel — Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Décision-cadre 2002/584/JAI — Mandat d’arrêt européen et procédures de remise entre États membres — Article 4, point 6 — Motif de non-exécution facultative du mandat d’arrêt européen — Mise en œuvre — Interprétation conforme — Application du principe de primauté»

1.

La présente demande de décision préjudicielle, posée par le Rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas), a été présentée dans le cadre de l’exécution aux Pays-Bas d’un mandat d’arrêt européen émis le 7 octobre 2013 par le Sąd Rejonowy w Poznaniu (tribunal régional de Poznań, Pologne) à l’encontre de M. Daniel Adam Popławski, ressortissant polonais résidant aux Pays-Bas, aux fins d’exécution d’une peine d’un an d’emprisonnement.

2.

Cette demande offre à la Cour l’occasion d’apporter d’utiles précisions sur les conditions dans lesquelles un État membre peut mettre en œuvre dans son droit national le motif de non-exécution facultative du mandat d’arrêt européen prévu à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres ( 2 ), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 ( 3 ).

3.

Un autre intérêt fondamental qui s’attache à ladite demande est de permettre à la Cour de se pencher de nouveau sur la nature et le régime juridique des décisions-cadres adoptées sur le fondement de l’ancien troisième pilier de l’Union européenne. En application de l’article 34, paragraphe 2, sous b), UE, dans sa version résultant du traité d’Amsterdam, ces instruments, à l’instar des directives, lient les États membres quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. En revanche, ils ne peuvent entraîner d’effet direct. S’il résulte de la jurisprudence de la Cour que le caractère contraignant des décisions-cadres entraîne une obligation d’interprétation conforme, la juridiction de renvoi doute, dans la présente affaire, de la possibilité d’interpréter son droit national en conformité avec le droit de l’Union. Afin d’éclairer cette juridiction en cas d’absence de conformité du dispositif national à la décision-cadre 2002/584 et d’impossibilité d’appliquer le principe d’interprétation conforme, il y aura lieu d’aller plus loin dans l’interprétation des dispositions régissant le statut juridique des décisions-cadres, en indiquant s’il est permis aux autorités judiciaires nationales de laisser inappliquées les dispositions nationales non conformes.

4.

Dans les présentes conclusions, nous ferons valoir, en premier lieu, que l’article 4, point 6, de cette décision-cadre doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre mette en œuvre le motif de non-exécution prévu à cet article de telle manière que :

l’autorité judiciaire a l’obligation de refuser l’exécution d’un mandat d’arrêt européen délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté à l’encontre d’une personne recherchée qui demeure dans l’État membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside, sans pouvoir apprécier, en fonction de la situation concrète de la personne, si l’exécution de la peine dans cet État est de nature à favoriser sa réinsertion sociale ;

le refus d’exécuter le mandat d’arrêt européen a seulement pour effet que cet État membre se déclare disposé à prendre en charge l’exécution de la peine, sans que cette déclaration vaille engagement d’exécution ;

l’autorité judiciaire refuse l’exécution d’un mandat d’arrêt européen délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté à l’encontre d’une personne recherchée qui demeure dans l’État membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside, alors, d’une part, que la décision de prendre en charge l’exécution de la peine, qui est prise après la décision de refus d’exécution, est subordonnée à des conditions tenant à l’existence et au respect d’une convention liant l’État membre d’émission et l’État membre d’exécution ainsi qu’à la collaboration de l’État membre d’émission, et, d’autre part, que le refus d’exécution du mandat n’est pas remis en cause en cas d’impossibilité de prendre en charge l’exécution de la peine en raison de l’absence des conditions requises.

5.

Nous soutiendrons, en second lieu, que les dispositions de l’article 4, point 6, de ladite décision-cadre sont dépourvues d’effet direct, qu’il incombe à la juridiction nationale d’interpréter les dispositions nationales en cause au principal, dans toute la mesure possible, conformément au droit de l’Union et que, dans l’éventualité où une telle interprétation s’avérerait impossible, la juridiction nationale est tenue de laisser inappliquées ces dispositions pour incompatibilité avec l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. La décision-cadre 2002/584

6.

Les considérants 1, 5 à 7 et 10 de cette décision-cadre sont libellés comme suit :

« (1)

Selon les conclusions du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, et notamment le point 35, il convient de supprimer, entre les États membres, la procédure formelle d’extradition pour les personnes qui tentent d’échapper à la justice après avoir fait l’objet d’une condamnation définitive et d’accélérer les procédures d’extradition relatives aux personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction.

[...]

(5)

L’objectif assigné à l’Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice conduit à supprimer l’extradition entre États membres et à la remplacer par un système de remise entre autorités judiciaires. Par ailleurs, l’instauration d’un nouveau système simplifié de remise des personnes condamnées ou soupçonnées, aux fins d’exécution des jugements ou de poursuites, en matière pénale permet de supprimer la complexité et les risques de retard inhérents aux procédures d’extradition actuelles. Aux relations de coopération classiques qui ont prévalu jusqu’ici entre États membres, il convient de substituer un système de libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale, tant présentencielles que définitives, dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

(6)

Le mandat d’arrêt européen prévu par la présente décision-cadre constitue la première concrétisation, dans le domaine du droit pénal, du principe de reconnaissance mutuelle que le Conseil européen a qualifié de “pierre angulaire” de la coopération judiciaire.

(7)

Comme l’objectif de remplacer le système d’extradition multilatéral fondé sur la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres agissant unilatéralement et peut donc, en raison de sa dimension et de ses effets, être mieux réalisé au niveau de l’Union, le Conseil peut adopter des mesures, conformément au principe de subsidiarité tel que visé à l’article 2 du traité sur l’Union européenne et à l’article 5 du traité instituant la Communauté européenne. Conformément au principe de proportionnalité, tel que prévu par ce dernier article, la présente décision-cadre n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

[...]

(10)

Le mécanisme du mandat d’arrêt européen repose sur un degré de confiance élevé entre les États membres. [...] »

7.

L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de ladite décision-cadre définit le mandat d’arrêt européen et l’obligation de l’exécuter dans les termes suivants :

« 1. Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2. Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre. »

8.

Les articles 3 et 4 de la décision-cadre 2002/584 sont consacrés, respectivement, aux motifs de non-exécution obligatoire et aux motifs de non-exécution facultative du mandat d’arrêt européen.

9.

L’article 4, point 6, de cette décision-cadre énonce :

« L’autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen :

[...]

6)

si le mandat d’arrêt européen a été délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, lorsque la personne recherchée demeure dans l’État membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside, et que cet État s’engage à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à son droit interne ».

2. La décision-cadre 2008/909/JAI

10.

L’article 28 de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union ( 4 ), dispose :

« 1. Les demandes reçues avant le 5 décembre 2011 continuent d’être régies conformément aux instruments juridiques existants en matière de transfèrement des personnes condamnées. Les demandes reçues après...

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