Commune de Millau and Société d’économie mixte d’équipement de l’Aveyron (SEMEA) v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:1946
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC‑531/12
Date27 February 2014
Celex Number62012CC0531
Procedure TypeRecurso de anulación
62012CC0531

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME JULIANE KOKOTT

présentées le 27 février 2014 ( 1 )

Affaire C‑531/12 P

Commune de Millau et Société d’économie mixte d’équipement de l’Aveyron (SEMEA)

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Clause compromissoire — Contrat de subvention portant sur une action de développement local — Répétition de l’indu — Prescription — Opposabilité d’une clause compromissoire — Stipulation pour autrui»

I – Introduction

1.

Dans la présente procédure de pourvoi, la Cour aura à se prononcer en partie sur des questions d’espèce et en partie sur des questions de principe.

2.

Premièrement, le présent pourvoi fournit l’occasion de clarifier si, et, le cas échéant, dans quelles conditions, un pourvoi déposé initialement sans mandat peut déployer des effets juridiques à la lumière du nouveau règlement de procédure de la Cour, entré en vigueur le 1er novembre 2012, lorsque le mandat en question est finalement produit en cours de procédure.

3.

Deuxièmement, il se pose la question de savoir si, et, le cas échéant, dans quelles conditions, des tiers au contrat peuvent se voir opposer une clause compromissoire au titre de l’article 272 TFUE, rendant les juridictions de l’Union compétentes également pour des procédures à leur égard.

4.

Troisièmement, il y a lieu d’exposer si, et, le cas échéant, dans quelles conditions, la Cour peut contrôler, dans le cadre de la procédure de pourvoi, l’application en première instance du droit national faite par le Tribunal sur la base d’un choix effectué par les parties ( 2 ).

5.

Quatrièmement, il se pose la question de savoir s’il peut être tiré du droit de l’Union, et notamment du droit à une bonne administration, un principe selon lequel la restitution d’une somme peut être exclue lorsque l’institution de l’Union européenne créancière n’a pas déployé toute sa diligence aux fins du recouvrement de ses créances, bien que celles-ci ne soient, éventuellement, pas prescrites.

II – Le cadre juridique

A – Le droit primaire

6.

L’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») régit le «droit à une bonne administration» et dispose:

«Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union.»

7.

L’article 256, paragraphe 1, deuxième alinéa, TFUE dispose:

«Les décisions rendues par le Tribunal [...] peuvent faire l’objet d’un pourvoi devant la Cour de justice, limité aux questions de droit, dans les conditions et limites prévues par le statut.»

8.

L’article 272 TFUE dispose:

«La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par l’Union [ ( 3 )] ou pour son compte.»

9.

L’article 58, paragraphe 1, du statut de la Cour de justice dispose:

«Le pourvoi devant la Cour de justice est limité aux questions de droit. Il peut être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ainsi que de la violation du droit de l’Union par le Tribunal.»

B – Le règlement de procédure de la Cour

10.

L’article 119 du règlement de procédure dispose:

«[...]

2. Les agents et avocats sont tenus de déposer au greffe un document officiel ou un mandat délivré par la partie qu’ils représentent.

[...]

4. Si ces documents ne sont pas déposés, le greffier fixe à la partie concernée un délai raisonnable pour les produire. À défaut de cette production dans le délai imparti, la Cour décide, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, si l’inobservation de cette formalité entraîne l’irrecevabilité formelle de la requête ou du mémoire.»

11.

L’article 168 du règlement de procédure dispose:

«[...]

2. Les articles 119, 121 et 122, paragraphe 1, du présent règlement sont applicables au pourvoi.

[...]

4. Si le pourvoi n’est pas conforme aux paragraphes 1 à 3 du présent article, le greffier fixe au requérant un délai raisonnable aux fins de régularisation de la requête. À défaut de cette régularisation dans le délai imparti, la Cour décide, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, si l’inobservation de cette formalité entraîne l’irrecevabilité formelle de la requête.»

C – Le règlement de procédure du Tribunal

12.

L’article 44, paragraphe 5 bis, du règlement de procédure dispose:

«La requête présentée en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par l’Union ou pour son compte conformément à l’article 272 TFUE doit être accompagnée d’un exemplaire du contrat qui contient cette clause.»

III – Les faits à l’origine du litige

13.

Au mois de juillet 1990, la Communauté économique européenne, représentée par la Commission des Communautés européennes, a conclu avec la Société d’économie mixte d’équipement de l’Aveyron (SEMEA), dont la commune de Millau (France) détenait 50 % du capital, un contrat de subvention portant sur la réalisation d’un projet de développement local. Conformément à la volonté des parties, le contrat de subvention est soumis à la loi française, d’une part, et, «à défaut d’un règlement amiable, la Cour de justice des Communautés européennes est seule compétente pour statuer sur tout litige concernant le contrat et survenant entre les parties contractantes», d’autre part.

14.

En accord avec la Commission, toutefois, la réalisation du projet de développement n’a pas été menée par SEMEA, mais par une association fondée à cet effet. Cette dernière n’a cependant pas souscrit le contrat de subvention, de sorte que SEMEA est restée le cocontractant de la Communauté.

15.

Après avoir constaté que la Communauté avait effectué des paiements excédentaires, la Commission a réclamé à SEMEA, en 1993, la restitution de la somme de 41012 écus (ci-après la «créance litigieuse»). Bien que la SEMEA n’ait pas donné suite à cette sommation de payer, la Commission n’a, dans un premier temps, pas formulé d’autres mises en demeure.

16.

Ce n’est qu’en 2005, soit environ douze ans après, que la Commission a de nouveau sollicité le paiement de la créance litigieuse. La SEMEA a fait remarquer à la Commission que la société se trouvait, entre-temps, en liquidation. En outre, la SEMEA a affirmé que l’association chargée de l’exécution du projet subventionné lui avait assuré que la Commission avait renoncé à la créance litigieuse, laquelle, entre-temps, s’était d’ailleurs prescrite. La Commission a contesté toute renonciation à la créance litigieuse. Nonobstant d’ultérieurs échanges de correspondance et des mises en demeure, la SEMEA n’a procédé à aucun paiement. Au mois de février 2008, la Commission lui a adressé une ultime mise en demeure.

17.

Le 21 novembre 2008, l’assemblée générale extraordinaire de la SEMEA a pris acte de la décision de la commune de Millau, son actionnaire principal, de reprendre son actif et son passif et a décidé de verser une somme de 82719,76 euros, représentant la trésorerie disponible de la SEMEA, à la commune de Millau. Le rapport de liquidation présenté par le liquidateur amiable faisait état de la créance litigieuse.

18.

Le 9 décembre 2008, le liquidateur amiable de la SEMEA a clôturé les opérations de liquidation de la société et a fait radier la SEMEA du registre du commerce et des sociétés. Le 18 décembre 2008, le conseil municipal de la commune de Millau a acté la reprise du patrimoine de la SEMEA. Au passif de celle-ci figurait, entre autres, la créance litigieuse de la Commission, accompagnée de l’indication que la SEMEA avait fait valoir la prescription à cet égard et que la créancière n’avait plus réclamé de paiement. La Commission n’avait pas donné son approbation à cette démarche.

IV – L’arrêt attaqué

19.

Afin de rendre possible la réclamation contentieuse de la créance litigieuse nonobstant la radiation de la SEMEA du registre du commerce et des sociétés, la Commission a saisi le tribunal de commerce de Rodez (France) aux fins de la désignation d’un mandataire ad hoc pour représenter la société.

20.

À la suite de cette désignation, la Commission – agissant en son nom propre – a saisi le Tribunal, d’une part, en avril 2010, d’un recours dirigé contre la SEMEA (affaire T‑168/10) et, d’autre part, en décembre 2010, d’un recours dirigé contre la commune de Millau (affaire T‑572/10), cette dernière étant, de l’avis de la Commission, conjointement et solidairement responsable pour la créance litigieuse, du moment qu’elle aurait repris le passif de SEMEA. Eu égard à leur connexité, ces deux affaires ont été jointes aux fins d’une décision commune.

21.

Les parties défenderesses ont soulevé l’exception tirée de la prescription. La commune de Millau a, en outre, contesté d’emblée la compétence du Tribunal au motif que la clause compromissoire contenue dans le contrat de subvention et rendant compétentes les juridictions de l’Union ne saurait lui être opposée. À titre subsidiaire, dans le cas où il serait fait droit à la demande de paiement de la Commission au titre de la créance litigieuse, les parties défenderesses ont formé une demande reconventionnelle qu’elles ont fondée sur les articles 340 TFUE et 41 de la Charte. La Commission aurait, en effet, par sa longue inertie s’agissant de faire valoir la créance litigieuse, failli à son devoir de bonne administration et porté atteinte au principe de sécurité juridique, ce qui...

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