Rochus Geissel v Finanzamt Neuss and Finanzamt Bergisch Gladbach v Igor Butin.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:515
Docket NumberC-374/16,C-375/16
Celex Number62016CC0374
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - sobreseimiento
Date05 July 2017
62016CC0374

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 5 juillet 2017 ( 1 )

Affaires jointes C‑374/16 et C‑375/16

Rochus Geissel, en qualité de mandataire liquidateur de RGEX GmbH

contre

Finanzamt Neuss (C‑374/16)

et

Finanzamt Bergisch Gladbach

contre

Igor Butin (C‑375/16)

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Article 178, sous a) – Droit à déduction – Conditions d’exercice – Article 226, point 5 – Mentions requises sur les factures – Adresse de l’assujetti – Bonne foi quant au respect des conditions applicables à la déduction de la taxe payée en amont – Fraude à la loi ou abus de droit – Procédures nationales – Principe d’effectivité »

I. Introduction

1.

Les présentes affaires soulèvent deux questions relatives à l’interprétation des règles en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

2.

La première question porte sur le point de savoir comment doit être interprétée l’exigence établie à l’article 226, point 5, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ( 2 ) (ci-après la « directive TVA ») de faire figurer l’adresse de l’assujetti sur une facture. Deux chambres différentes de la juridiction de renvoi, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), demandent si la notion d’« adresse » doit être entendue comme le lieu où l’assujetti exerce son activité économique ou s’il suffit que ce dernier puisse simplement être joint à cette adresse.

3.

La deuxième question soulevée porte sur le point de savoir si, et en vertu de quelles procédures, un assujetti peut invoquer sa bonne foi quant à la régularité formelle des factures, lorsque l’administration estime que l’auteur de ces factures est impliqué dans une fraude ou un abus, aux fins de déduire la TVA en amont.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4.

L’article 168 de la directive TVA dispose :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a)

la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;

[…] »

5.

L’article 178 de la directive TVA, applicable à l’époque des faits de l’affaire au principal C‑375/16, dispose ( 3 ):

« Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit remplir les conditions suivantes :

a)

pour la déduction visée à l’article 168, point a), en ce qui concerne les livraisons de biens et les prestations de services, détenir une facture établie conformément aux dispositions du titre XI, chapitre 3, sections 3 à 6 ;

[…] »

6.

L’article 226 de la directive TVA dispose :

« Sans préjudice des dispositions particulières prévues par la présente directive, seules les mentions suivantes doivent figurer obligatoirement, aux fins de la TVA, sur les factures émises en application des dispositions des articles 220 et 221 :

[…]

5)

le nom complet et l’adresse de l’assujetti et de l’acquéreur ou du preneur ;

[…] »

B. Le droit allemand

7.

L’article 14 de l’Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires, ci-après l’« UStG ») prévoit :

« 1)

Une facture consiste en tout document par lequel est facturée une livraison ou une autre prestation, indépendamment de la dénomination que revêt ce document dans le commerce. L’authenticité de l’origine de la facture, l’intégrité de son contenu et sa lisibilité doivent être garanties. L’authenticité de l’origine signifie que l’identité de celui qui émet la facture est certaine […]

[…]

4)

Une facture doit comprendre les indications suivantes :

1.

le nom complet et l’adresse complète de l’entrepreneur prestataire et du destinataire des prestations […] »

8.

Selon l’article 15 de l’UStG :

« 1)

L’entrepreneur peut déduire les montants suivants :

1.

la taxe légalement due au titre des livraisons et autres prestations effectuées par un autre entrepreneur pour les besoins de son entreprise. L’exercice du droit à déduction présuppose que l’entrepreneur détienne une facture établie conformément aux articles 14 et 14a […] »

9.

L’article 163 de l’Abgabenordnung (code des impôts, ci-après l’« AO ») dispose :

« L’impôt peut être fixé à un montant inférieur ou ne pas tenir compte d’éléments de la base d’imposition qui le majoreraient, lorsqu’il apparaît que sa perception serait inéquitable dans le cas particulier […] »

10.

L’article 227 de l’AO se lit comme suit :

« Les autorités fiscales peuvent accorder une exonération totale ou partielle des droits résultant d’une dette fiscale, s’il est inéquitable dans une situation donnée de la percevoir ; dans les mêmes conditions, les montants acquittés peuvent être remboursés ou déduits. »

III. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

A. Affaire C‑374/16

11.

RGEX GmbH est une société à responsabilité limitée qui avait pour activité le commerce de véhicules automobiles. Cette société, constituée en décembre 2007, est en liquidation depuis 2015. M. Rochus Geissel, qui en était l’associé unique et le gérant, représente désormais la société en tant que liquidateur.

12.

Dans sa déclaration de TVA pour l’année 2008, RGEX a fait état, notamment, de livraisons intracommunautaires de véhicules exonérées de taxe et de taxes acquittées en amont d’un montant de 1985443,42 euros concernant 122 voitures acquises auprès d’EXTEL GmbH.

13.

Le Finanzamt (administration fiscale, Allemagne) compétent n’a pas suivi les indications de RGEX et, par décision du 31 août 2010, a fixé le montant de la TVA due pour l’année 2008 sur la base des constatations effectuées lors de deux contrôles spécifiques afférents à la TVA. Il a estimé que les livraisons de voitures vers l’Espagne, déclarées comme exonérées, étaient soumises à la taxe parce que les véhicules concernés avaient été non pas acheminés en Espagne, mais mis sur le marché en Allemagne. Il a également considéré que les taxes acquittées en amont au titre des factures d’EXTEL n’étaient pas déductibles parce que cette dernière était une « société-écran » qui n’avait pas de siège à l’adresse indiquée sur ses factures.

14.

RGEX s’est opposée en vain à cette décision. Par la suite, elle l’a contestée devant le Finanzgericht (tribunal des finances, Allemagne) compétent.

15.

Le Finanzgericht (tribunal des finances) a rejeté dans une large mesure le recours comme non fondé. Il a constaté que, si le siège statutaire d’EXTEL se trouvait bien à l’adresse indiquée sur ses factures, il s’agissait toutefois d’une simple « boîte aux lettres ». EXTEL n’était joignable à l’adresse en cause que par voie postale. Alors qu’un bureau comptable était situé à cette adresse, EXTEL n’y exerçait aucune activité commerciale. Le Finanzgericht (tribunal des finances) a également écarté les arguments de RGEX fondés sur une prétendue confiance légitime. Selon le Finanzgericht (tribunal des finances), l’article 15 de l’UStG ne prévoit pas la protection de la bonne foi quant au respect des conditions applicables à la déduction de la taxe. C’est la raison pour laquelle la protection de la confiance légitime n’est pas prise en compte lors de l’établissement de la taxe, mais uniquement, le cas échéant, dans le cadre d’une procédure spécifique en équité, au sens des articles 163 et 227 de l’AO.

16.

RGEX a formé un pourvoi en révision contre le jugement du Finanzgericht (tribunal des finances) devant le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances). Entretenant des doutes quant à la bonne interprétation du droit de l’Union, cette juridiction a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

La facture exigée aux fins de l’exercice du droit à déduction en vertu des dispositions combinées de l’article 168, sous a), et de l’article 178, sous a), de la directive [TVA] mentionne-t-elle l’“adresse” au sens de l’article 226, point 5, de ladite directive lorsque l’entrepreneur prestataire indique, sur la facture émise pour ses prestations, une adresse où il peut être joint par courrier postal, mais où il n’exerce aucune activité économique ?

2)

Les dispositions combinées de l’article 168, sous a), et de l’article 178, sous a), de la directive [TVA] s’opposent-elles, eu égard au principe d’effectivité, à une pratique nationale en vertu de laquelle la bonne foi du bénéficiaire des prestations quant au respect des conditions applicables à la déduction de la taxe payée en amont n’est prise en considération qu’en dehors de la procédure de fixation de la taxe, dans le cadre d’une procédure distincte introduite pour des motifs d’équité ? Les dispositions combinées de l’article 168, sous a), et de l’article 178, sous a), de ladite directive peuvent-elles être invoquées à cet égard ? »

B. Affaire C‑375/16

17.

M. Igor Butin, qui exploite un commerce de véhicules en Allemagne, a fourni, pour déduire la TVA en amont, des factures concernant un certain nombre de véhicules achetés auprès de l’entreprise « Z » et destinés à être revendus. Étant donné que Z...

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