Herbert Schaible v Land Baden-Württemberg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:334
Date29 May 2013
Celex Number62012CC0101
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑101/12
62012CC0101

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 29 mai 2013 ( 1 )

Affaire C‑101/12

Herbert Schaible

contre

Land Baden-Württemberg

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Stuttgart (Allemagne)]

«Agriculture — Règlement (CE) no 21/2004 — Identification et enregistrement des animaux des espèces ovine et caprine — Article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Article 20 de la Charte — Proportionnalité — Égalité»

1.

Lutter contre les épizooties constitue un objectif légitime de la législation de l’Union européenne. Néanmoins, le nouveau système d’identification individuelle électronique des ovins et des caprins introduit par le règlement (CE) no 21/2004 du Conseil, du 17 décembre 2003, établissant un système d’identification et d’enregistrement des animaux des espèces ovine et caprine et modifiant le règlement (CE) no 1782/2003 et les directives 92/102/CEE et 64/432/CEE ( 2 ), n’est pas adapté pour atteindre cet objectif, est inutilement lourd et coûteux de même que discriminatoire. En tant que tel, ce règlement viole la liberté d’entreprise, consacrée par l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), des détenteurs d’animaux ainsi que le principe d’égalité de traitement visé à l’article 20 de la Charte et il est donc nul.

2.

C’est, en substance, le principal argument avancé par M. Herbert Schaible, un éleveur allemand de moutons détenant 420 brebis, dans une procédure devant le Verwaltungsgericht Stuttgart (cour administrative de Stuttgart, Allemagne) qu’il a introduite contre le Land Baden-Württemberg afin d’être exonéré de plusieurs obligations fixées par le règlement no 21/2004.

3.

Dans les présentes conclusions, je tenterai de mettre en lumière les raisons pour lesquelles, selon moi, les arguments juridiques soulevés par M. Schaible sont mal fondés. En conséquence, je proposerai à la Cour de répondre à la juridiction nationale que l’examen des questions préjudicielles n’a révélé aucun élément de nature à s’opposer à la validité des dispositions en cause. Enfin, dans la mesure où mon analyse montre que l’application pratique de ce règlement peut potentiellement faire obstacle à la pleine réalisation de son objectif principal et à l’équité globale du système, je présenterai rapidement quelques considérations de lege ferenda.

I – Cadre juridique

4.

Les considérants 1, 3 et 11 du règlement no 21/2004 énoncent:

«(1)

En vertu de l’article 3, paragraphe 1, point c), de la directive 90/425/CEE du Conseil du 26 juin 1990 relative aux contrôles vétérinaires et zootechniques applicables dans les échanges intracommunautaires de certains animaux vivants et produits dans la perspective de la réalisation du marché intérieur, les animaux destinés aux échanges intracommunautaires doivent être identifiés conformément aux exigences de la réglementation communautaire et être enregistrés de manière à permettre de remonter à l’exploitation, au centre ou à l’organisme d’origine ou de passage. […]

[…]

(3)

Les règles applicables à l’identification et à l’enregistrement des animaux des espèces ovine et caprine en particulier ont été fixées par la directive 92/102/CEE. En ce qui concerne les animaux des espèces ovine et caprine, il est apparu, à la lumière de l’expérience et à la suite, notamment, de la crise de la fièvre aphteuse, que la mise en œuvre de la directive 92/102/CEE n’était pas satisfaisante et devait être améliorée. Il est donc nécessaire de fixer des règles plus strictes et spécifiques […]

[…]

(11)

Dans les États membres où le cheptel ovin ou caprin est relativement réduit, l’introduction d’un système d’identification électronique peut ne pas être justifiée. Il est dès lors opportun de permettre à ces États membres de le rendre facultatif. […]»

5.

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 21/2004:

«Chaque État membre établit un système d’identification et d’enregistrement des animaux des espèces ovine et caprine, conformément aux dispositions du présent règlement.»

6.

En vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 21/2004, le système d’identification et d’enregistrement des animaux comprend les éléments suivants: «a) moyens d’identification permettant d’identifier chaque animal; b) registres à jour conservés dans chaque exploitation; c) documents de circulation; d) registre central/ou base de données informatique».

7.

L’article 4 du règlement no 21/2004, dans sa partie présentant une pertinence à l’égard de la présente affaire, est libellé comme suit:

«1. Tous les animaux d’une exploitation nés après le 9 juillet 2005 sont identifiés conformément au paragraphe 2, dans un délai à fixer par l’État membre, à partir de la naissance de l’animal et en tout cas avant que l’animal quitte l’exploitation dans laquelle il est né. […]

a)

Les animaux sont identifiés par un premier moyen d’identification conforme aux exigences de l’annexe, section A, points 1 à 3, et

b)

par un second moyen d’identification agréé par l’autorité compétente et répondant aux caractéristiques techniques énumérées à l’annexe, section A, point 4.»

8.

L’article 5, paragraphe 1, du règlement no 21/2004 dispose:

«Chaque détenteur d’animaux, à l’exception du transporteur, tient un registre à jour, contenant au minimum les informations figurant à la section B de l’annexe.»

9.

L’article 9, paragraphe 3, du règlement no 21/2004 énonce:

«À partir du 31 décembre 2009, l’identification électronique, selon les lignes directrices mentionnées au paragraphe 1 et conformément aux dispositions pertinentes de la section A de l’annexe, est obligatoire pour tous les animaux.

Toutefois, les États membres dont le nombre total d’animaux des espèces ovine et caprine est inférieur ou égal à 600 000 têtes peuvent rendre cette identification électronique facultative pour les animaux qui ne font pas l’objet d’échanges intracommunautaires.

Les États membres dont le nombre total d’animaux de l’espèce caprine est inférieur ou égal à 160 000 têtes peuvent également rendre cette identification électronique facultative pour les animaux de l’espèce caprine qui ne font pas l’objet d’échanges intracommunautaires.»

II – Les faits à l’origine du litige, la procédure et les questions préjudicielles

10.

La procédure au principal porte sur une action introduite par M. Schaible demandant au Verwaltungsgericht Stuttgart de déclarer qu’il n’est pas soumis à l’obligation d’identifier les animaux, de les identifier électroniquement et de tenir un registre d’exploitation en vertu du règlement no 21/2004.

11.

Ayant des doutes quant à la validité de certaines dispositions du règlement no 21/2004, le Verwaltungsgericht Stuttgart a décidé de surseoir à statuer et a posé plusieurs questions préjudicielles à la Cour lui demandant si:

«a)

l’obligation pour le requérant d’identifier les animaux en vertu des articles 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 2, du règlement (CE) no 21/2004,

b)

l’obligation pour le requérant d’identifier électroniquement les animaux en vertu de l’article 9, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement (CE) no 21/2004 […],

c)

l’obligation pour le requérant de tenir un registre d’exploitation C en vertu des dispositions combinées de l’article 5, paragraphe 1, et de l’annexe B, point 2, du règlement (CE) no 21/2004

sont compatibles avec le droit de l’Union de rang supérieur et donc valables?»

12.

Dans la présente affaire, M. Schaible, le Land Baden-Württemberg, les gouvernements allemand, français, néerlandais, polonais, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne ont présenté des observations écrites. M. Schaible, le gouvernement français, le Conseil et la Commission ont également présenté des observations orales lors de l’audience du 7 mars 2013.

III – Analyse

A – Les questions préjudicielles

13.

Par ses questions, la juridiction de renvoi s’interroge sur la validité de certaines dispositions du règlement no 21/2004 par lesquelles les détenteurs d’ovins et de caprins sont soumis à trois obligations spécifiques, à savoir: i) identifier individuellement les animaux (articles 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 2); ii) procéder à l’identification individuelle électronique des animaux (article 9, paragraphe 3, premier alinéa); et iii) tenir à jour un registre des animaux (article 5, paragraphe 1, et annexe B, point 2) (ci-après les «obligations en cause»).

14.

Alors que le Verwaltungsgericht Stuttgart a précisément identifié les obligations en cause, à la fois quant à leur teneur et quant à leurs bases légales, il a été moins précis en ce qui concerne les dispositions du droit primaire de l’Union susceptibles de s’opposer à de telles obligations.

15.

En effet, la juridiction de renvoi se limite à demander à la Cour si les obligations en cause sont «compatibles avec le droit de l’Union de rang supérieur et donc valables».

16.

Le libellé général et imprécis des questions aurait confronté la Cour à une tâche particulièrement délicate si le reste de l’ordonnance de renvoi ainsi que les observations présentées par M. Schaible et les autres parties n’avaient pas apporté quelques éclaircissements sur cet aspect fondamental ( 3 ).

17.

Ainsi que l’a expliqué le Verwaltungsgericht Stuttgart, M. Schaible fait valoir que les obligations en cause sont incompatibles avec sa liberté professionnelle, telle que consacrée par l’article 15 de la Charte. La juridiction...

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