Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe delivered on 12 January 2017.
Jurisdiction | European Union |
ECLI | ECLI:EU:C:2017:12 |
Date | 12 January 2017 |
Celex Number | 62015CC0620 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Docket Number | C-620/15 |
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE
présentées le 12 janvier 2017 ( 1 )
Affaire C‑620/15
A‑Rosa Flussschiff GmbH
contre
Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) d’Alsace, venant aux droits de l’Urssaf du Bas‑Rhin,
Sozialversicherungsanstalt des Kantons Graubünden
[demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation (France)]
«Renvoi préjudiciel — Règlement (CEE) no 1408/71 — Sécurité sociale — Détermination de la législation applicable — Article 14, paragraphe 2, sous a), i) — Personnes faisant partie du personnel navigant d’une entreprise effectuant des transports internationaux de passagers — Succursale suisse — Règlement (CEE) no 574/72 — Article 12 bis, paragraphe 1 bis — Certificat E 101 — Effet contraignant»
I – Introduction
1. |
La Cour a déjà constaté, à de multiples reprises, que le certificat E 101 ( 2 ) délivré par l’institution compétente ( 3 ) d’un État membre, attestant l’affiliation au régime de sécurité sociale de cet État membre d’un travailleur qui se déplace au sein de l’Union européenne, lie tant l’institution compétente que les juridictions de l’État membre d’accueil, de sorte que le travailleur ne saurait être soumis au régime de sécurité sociale de ce dernier État membre ( 4 ). |
2. |
Dans la présente affaire, la Cour de cassation (France), siégeant en assemblée plénière, interroge la Cour, en substance, sur l’applicabilité de cette jurisprudence à des situations où il est constaté par l’institution compétente ou par les juridictions de l’État membre d’accueil que les conditions de délivrance d’un certificat E 101 n’étaient manifestement pas réunies ( 5 ). |
3. |
Le litige au principal oppose une société allemande aux autorités de sécurité sociale françaises au sujet d’un redressement de plus de deux millions d’euros, fondé sur l’application de la loi française relative à la sécurité sociale, du fait du non‑paiement par cette société des cotisations au régime français de sécurité sociale pour des travailleurs salariés travaillant à bord de bateaux de croisière sur des fleuves français. Les autorités françaises estiment que les salariés concernés, ayant été affectés, pendant toute la durée de leur contrat, sur des bateaux naviguant exclusivement en France, étaient soumis au régime de sécurité sociale français, en vertu de l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1408/71 ( 6 ), énonçant la règle générale selon laquelle la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de sécurité sociale de cet État. |
4. |
Pour sa part, la société revendique l’application de la législation de sécurité sociale suisse aux salariés concernés, en s’appuyant sur des certificats E 101, attestant leur affiliation au régime de sécurité sociale suisse. Ces certificats ont été délivrés par l’institution compétente suisse sur la base de l’article 14, paragraphe 2, sous a), i), dudit règlement, qui prévoit l’exception selon laquelle une personne occupée par une succursale qui fait partie du personnel roulant ou navigant d’une entreprise effectuant des transports internationaux de passagers est soumise à la législation de l’État sur le territoire duquel se trouve cette succursale. |
5. |
La juridiction de renvoi estime que les conditions de l’activité des salariés en question n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de l’article 14 du règlement no 1408/71. La question qui se pose est donc celle de savoir si, dans de telles circonstances, l’institution compétente ou les juridictions de l’État membre d’accueil peuvent porter une appréciation et, le cas échéant, remettre en cause, à titre exceptionnel, la validité d’un certificat E 101 délivré par l’institution compétente d’un autre État membre. |
6. |
La demande soulève la question délicate de la mise en balance, dans le domaine de la sécurité sociale, d’une part, des principes de la sécurité juridique et de la libre circulation des travailleurs au sein de l’Union et, d’autre part, de la nécessité d’assurer une application correcte des dispositions pertinentes du règlement no 1408/71. Cette question a pris de l’ampleur ces dernières années en raison de l’intégration des marchés du travail des États membres ( 7 ). |
7. |
Dans les présentes conclusions, j’expliquerai les motifs pour lesquels je considère que, dans les circonstances de la présente affaire, il n’est pas justifié de procéder à un infléchissement de la jurisprudence de la Cour, de manière à reconnaître une exception à l’effet contraignant du certificat E 101. |
II – Le cadre juridique
A – Le règlement no 1408/71
8. |
L’article 13 du règlement no 1408/71, intitulé « Règles générales », figurant sous le titre II, intitulé « Détermination de la législation applicable », dispose, à ses paragraphes 1 et 2, sous a) : « 1. [...] [L]es personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre. 2. Sous réserve des articles 14 à 17 :
|
9. |
L’article 14 de ce règlement, intitulé « Règles particulières applicables aux personnes autres que les gens de mer, exerçant une activité salariée » et figurant sous le même titre, dispose, à son paragraphe 2, sous a), i) : « La règle énoncée à l’article 13, paragraphe 2, point a) est appliquée compte tenu des exceptions et particularités suivantes. [...]
|
10. |
L’article 84 bis du règlement no 1408/71, intitulé « Relations entre les institutions et les personnes couvertes par le présent règlement », prévoit, à son paragraphe 3: « En cas de difficultés d’interprétation ou d’application du présent règlement, susceptibles de mettre en cause les droits d’une personne couverte par celui‑ci, l’institution de l’État compétent ou de l’État de résidence de la personne en cause s’adresse à la ou aux institutions du ou des autres États membres concernés. À défaut d’une solution dans un délai raisonnable, les autorités concernées peuvent saisir la commission administrative ». |
11. |
Le règlement no 1408/71 a été abrogé et remplacé par le règlement no 883/2004 ( 8 ) avec effet au 1er mai 2010 ( 9 ). Les faits pertinents du litige au principal demeurent donc régis, ratione temporis, par le règlement no 1408/71 ( 10 ). |
B – Le règlement no 574/72
12. |
L’article 12 bis du règlement (CEE) no 574/72 ( 11 ), figurant sous le titre III, intitulé « Application des dispositions du règlement relatives à la détermination de la législation applicable », dispose, à son paragraphe 1 bis : « Pour l’application des dispositions de l’article 14, paragraphes 2 [...] du règlement, les règles suivantes sont applicables : [...] Si, conformément aux dispositions de l’article 14, paragraphe 2, point a), du règlement, une personne qui fait partie du personnel roulant ou navigant d’une entreprise effectuant des transports internationaux est soumise à la législation de l’État membre sur le territoire duquel se trouve, selon le cas, soit le siège ou le domicile de l’entreprise, soit la succursale ou la représentation permanente qui l’occupe, soit le lieu où elle réside et est occupée de manière prépondérante, l’institution désignée par l’autorité compétente de l’État membre concerné lui remet un certificat attestant qu’elle est soumise à sa législation ». |
13. |
Le règlement no 574/72 a été abrogé et remplacé par le règlement no 987/2009 ( 12 ) avec effet au 1er mai 2010 ( 13 ). Le premier règlement demeure donc applicable, ratione temporis, au litige au principal ( 14 ). |
C – L’accord entre la Communauté européenne et ses États membres et la Confédération suisse sur la libre circulation des personnes
14. |
L’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ci‑après l’ « accord CE‑Suisse ») ( 15 ), intitulé « Coordination des systèmes de sécurité sociale », dispose, à son point b) : « Les parties contractantes règlent, conformément à l’annexe II, la coordination des systèmes de sécurité sociale dans le but d’assurer notamment : [...]
|
15. |
L’annexe II de l’accord CE‑Suisse, intitulé « Coordination des systèmes de sécurité », énonce, à son article 1er : « 1. Les... |
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