Persidera SpA v Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni and Ministero dello Sviluppo Economico delle Infrastrutture e dei Trasporti.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:250
Docket NumberC-112/16
Celex Number62016CC0112
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date30 March 2017
62016CC0112

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 30 mars 2017 ( 1 )

Affaire C‑112/16

Persidera SpA

contre

Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni et

Ministero dello Sviluppo Economico, delle Infrastrutture
e dei Trasporti

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Réseaux et services de communications électroniques – Directives 2002/20/CE, 2002/21/CE et 2002/77/CE – Passage de la télévision analogique à la télévision numérique – Détermination du nombre de fréquences numériques à octroyer aux titulaires de fréquences analogiques – Prise en considération de fréquences analogiques utilisées illégalement – Rapport de conversion – Facteur de conversion – Égalité de traitement, non-discrimination et proportionnalité »

I. Introduction

1.

On ne saurait suffisamment souligner, à l’époque actuelle, le rôle fondamental que jouent la diversité et l’intégrité des médias dans une société libre et démocratique. Les réseaux et services de communications électroniques, notamment, sont aujourd’hui utilisés par presque chacun de nous au quotidien et, en ce qu’ils constituent la condition d’une démocratie moderne, ainsi que de l’information et de l’instruction de la population, sans oublier la vie culturelle, sont devenus des outils dont on n’imagine plus pouvoir se passer. En même temps, la fragilité et la complexité des mécanismes sur lesquels reposent de tels réseaux et services se rappellent à nous de manière récurrente.

2.

La République italienne a souvent été le théâtre, ces dernières décennies, de débats virulents sur le pluralisme à la télévision. Il n’est par conséquent guère étonnant que le passage de la télévision analogique à la télévision numérique ait lui aussi donné lieu, dans ce pays, à des litiges relatifs à l’attribution équitable des nouvelles fréquences de télévision numérique.

3.

La présente affaire porte plus particulièrement sur l’attribution des fréquences numériques que l’État avait expressément réservées à la poursuite des programmes télévisuels analogiques existants. Dans le cadre de la conversion des fréquences analogiques en fréquences numériques, Persidera SpA (anciennement Telecom Italia Media Broadcasting – TIMB) ( 2 ), un des opérateurs de réseau italiens, se sent désavantagée par rapport à ses concurrentes, qui ne sont autres que la Rai et Mediaset, les leaders du marché.

4.

Dans la présente affaire, la Cour va devoir préciser quelles sont les exigences d’une attribution de fréquences équitable au regard du droit de l’Union. Il faudra ce faisant prendre en considération le fait que la République italienne, dans le cadre de la méthode d’attribution de fréquences ici litigieuse, devait notamment tenir compte des réserves exprimées par la Commission européenne dans une procédure d’infraction en cours ( 3 ) et d’un arrêt rendu par la Cour dans une affaire préjudicielle ( 4 ).

5.

Les règles pertinentes pour apprécier cette situation sont les dispositions du « nouveau cadre réglementaire commun » en vigueur depuis l’année 2002, lequel est constitué de plusieurs directives adoptées par le législateur de l’Union européenne, ainsi que les principes généraux du droit de l’Union.

6.

La présente procédure dans l’affaire C‑112/16 est étroitement liée à la procédure préjudicielle dans l’affaire C‑560/15, dans laquelle nous présentons également nos conclusions aujourd’hui. Bien que les questions juridiques soulevées dans cette seconde affaire se rapportent en substance aux mêmes dispositions et principes du droit de l’Union, elles ne concernent pas la conversion d’anciennes fréquences analogiques en nouvelles fréquences numériques, ici litigieuse, et soulèvent des problèmes juridiques nettement différents par ailleurs.

II. Le cadre juridique

7.

Le cadre juridique de l’Union dans lequel s’inscrit la présente affaire est défini par trois directives de l’année 2002 sur les réseaux et services de communications électroniques, qui appartiennent toutes au nouveau cadre réglementaire commun aux services de communications électroniques, aux réseaux de communications électroniques ainsi qu’aux ressources et aux services associés : la directive 2002/21/CE ( 5 ), la directive 2002/20/CE ( 6 ), et la directive 2002/77/CE ( 7 ). Les deux premières directives susmentionnées s’appliquent telles que modifiées par la directive 2009/140/CE ( 8 ).

A. La directive-cadre

8.

En guise d’introduction, il convient de faire référence aux considérants 6 et 19 de la directive-cadre, qui énoncent ce qui suit :

« (6)

La politique audiovisuelle et la réglementation en matière de contenus sont mises en œuvre pour atteindre des objectifs d’intérêt général, tels que la liberté d’expression, le pluralisme des médias, l’impartialité, la diversité culturelle et linguistique, l’intégration sociale, la protection des consommateurs et la protection des mineurs. […]

[…]

(19)

Les radiofréquences constituent une donnée essentielle des services de communications électroniques fondés sur les fréquences radioélectriques, et dans la mesure où elles sont liées à ces services, il convient qu’elles soient attribuées et assignées par les autorités réglementaires nationales selon un ensemble harmonisé d’objectifs et de principes sur lesquels leur action se fonde et selon des critères objectifs, transparents et non discriminatoires, compte tenu des intérêts démocratiques, sociaux, linguistiques et culturels qui sont liés à l’utilisation des fréquences. […] »

9.

Plus loin, sous l’intitulé « Objectifs généraux et principes réglementaires », l’article 8, paragraphes 1 et 2, de la directive-cadre prévoit notamment ce qui suit :

« 1. Les États membres veillent, dans l’accomplissement des tâches de réglementation spécifiées dans la présente directive ainsi que dans les directives particulières, à ce que les autorités réglementaires nationales prennent toutes les mesures raisonnables visant à la réalisation des objectifs définis aux paragraphes 2, 3 et 4. Ces mesures sont proportionnées à ces objectifs.

[…]

2. Les autorités réglementaires nationales promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, notamment :

[…]

b)

en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques, y compris pour la transmission de contenu ;

[…]

d)

en encourageant l’utilisation et la gestion efficaces des radiofréquences et des ressources de numérotation. »

10.

L’article 9 de la directive-cadre contient en outre les dispositions suivantes, concernant la gestion des radiofréquences pour les services de communications électroniques :

« 1. Tenant dûment compte du fait que les radiofréquences sont un bien public qui possède une importante valeur sociale, culturelle et économique, les États membres veillent à la gestion efficace des radiofréquences pour les services de communications électroniques sur leur territoire conformément aux articles 8 et 8 bis. Ils veillent à ce que l’attribution du spectre aux fins des services de communications électroniques et l’octroi des autorisations générales ou des droits individuels d’utilisation de telles radiofréquences par les autorités nationales compétentes soient fondés sur des critères objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés.

Lors de l’application du présent article, les États membres respectent les accords internationaux applicables, y compris le règlement de l’UIT relatif aux radiocommunications, et peuvent tenir compte de considérations d’intérêt public.

[…]

4. […]

Les mesures imposant qu’un service de communications électroniques soit fourni dans une bande de fréquences spécifique disponible pour les services de communications électroniques se justifient par la nécessité d’assurer la réalisation d’un objectif d’intérêt général tel que défini par les États membres conformément à la législation communautaire, tel que notamment, mais non exclusivement :

a)

la sauvegarde de la vie humaine ;

b)

la promotion de la cohésion sociale, régionale ou territoriale ;

c)

l’évitement d’une utilisation inefficace des radiofréquences ; ou

d)

la promotion de la diversité culturelle et linguistique ainsi que du pluralisme des médias, par exemple par la fourniture de services de radio et de télédiffusion.

[…]

7. Sans préjudice des dispositions des directives particulières et compte tenu de la situation en la matière au niveau national, les États membres peuvent fixer des règles pour prévenir la thésaurisation de fréquences, notamment en établissant des délais impératifs pour l’exploitation effective des droits d’utilisation par leur titulaire et en appliquant des sanctions, y compris des sanctions financières ou le retrait des droits d’utilisation, en cas de non-respect des délais. Les règles sont établies et appliquées d’une façon proportionnée, non discriminatoire et transparente. »

B. La directive « autorisation »

11.

L’article 3, paragraphe 1, de la directive « autorisation », relatif à l’autorisation générale applicable aux réseaux et aux services de communications électroniques, est libellé en les termes suivants :

« 1. Les États membres garantissent la liberté de fournir des réseaux et des services de communications électroniques, sous réserve des conditions fixées dans la présente directive. À cette fin, les États membres n’empêchent pas une entreprise de fournir des réseaux ou des services de...

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