Opinion of Advocate General Bot delivered on 28 January 2016.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:66
Date28 January 2016
Celex Number62015CC0081
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
62015CC0081

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 28 janvier 2016 ( 1 )

Affaire C‑81/15

Kapnoviomichania Karelia AE

contre

Ypourgos Oikonomikon

[demande de décision préjudicielle formée par le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État, Grèce)]

«Renvoi préjudiciel — Fiscalité — Droits d’accises — Directive 92/12/CEE — Responsabilité de l’entrepositaire agréé — Possibilité pour les États membres de rendre l’entrepositaire agréé solidairement responsable du paiement des sanctions pécuniaires infligées aux auteurs d’une contrebande»

1.

La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation, à la lumière des principes de sécurité juridique et de proportionnalité, de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise ( 2 ), telle que modifiée par la directive 92/108/CEE du Conseil, du 14 décembre 1992 ( 3 ).

2.

Cette demande, présentée dans le cadre d’un litige opposant Kapnoviomichania Karelia AE ( 4 ) à l’Ypourgos Oikonomikon (ministre des Finances), pose, plus concrètement, la question de savoir si un entrepositaire agréé peut être déclaré solidairement tenu au paiement des sanctions pécuniaires prononcées à l’encontre de personnes reconnues coupables de contrebande de produits du tabac placés sous régime suspensif.

3.

Dans les présentes conclusions, nous soutiendrons que la directive 92/12 doit être interprétée en ce sens que, eu égard aux principes généraux du droit de l’Union, dont notamment ceux de légalité des délits et des peines et de responsabilité personnelle, elle ne s’oppose pas à ce que, en cas de sortie irrégulière des marchandises du régime suspensif du fait d’une infraction de contrebande commise en cours de transport, l’entrepositaire agréé expéditeur soit déclaré solidairement tenu au paiement des amendes douanières infligées aux auteurs de la contrebande, pour autant qu’un tel régime de responsabilité solidaire, qui revêt le caractère d’une sanction pénale, soit expressément prévu par la législation nationale et que, s’il repose sur une présomption de propriété ou de détention des marchandises par l’entrepositaire agréé et de représentation de celui-ci par les auteurs de la contrebande, cette présomption ne revête pas un caractère irréfragable qui priverait l’entrepositaire agréé de la faculté de s’exonérer de sa responsabilité en démontrant qu’il n’a commis aucune faute. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, en tenant compte de toutes les circonstances de droit et de fait pertinentes, si le régime en cause au principal satisfait à ces exigences.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

4.

La directive 92/12, en vigueur à la date des faits au principal, a été abrogée à compter du 1er avril 2010 par la directive 2008/118/CE ( 5 ).

5.

L’article 4, sous a), de la directive 92/12, laquelle s’appliquait, en vertu de son article 3, paragraphe 1, aux tabacs manufacturés, définissait l’entrepositaire agréé comme «la personne physique ou morale autorisée par les autorités compétentes d’un État membre, dans l’exercice de sa profession, à produire, transformer, détenir, recevoir et expédier des produits soumis à accise en suspension de droits d’accises dans un entrepôt fiscal».

6.

L’article 6, paragraphe 1, de cette directive énonçait:

«L’accise devient exigible lors de la mise à la consommation ou lors de la constatation des manquants qui devront être soumis à accise conformément à l’article 14 paragraphe 3.

Est considérée comme mise à la consommation de produits soumis à accise:

a)

toute sortie, y compris irrégulière, d’un régime suspensif;

[...]»

7.

L’article 13, sous a), de ladite directive prévoyait que l’entrepositaire agréé était tenu «de fournir [...] une garantie obligatoire en matière de circulation dont les conditions sont fixées par les autorités fiscales de l’État membre où l’entrepôt fiscal est agréé».

8.

L’article 15 de la directive 92/12 disposait:

«[...]

3. Les risques inhérents à la circulation intracommunautaire sont couverts par la garantie constituée par l’entrepositaire agréé expéditeur telle que prévue à l’article 13 ou, le cas échéant, par une garantie solidaire entre l’expéditeur et le transporteur. Le cas échéant, les États membres peuvent exiger une garantie auprès du destinataire.

Les modalités de la garantie sont fixées par les États membres. La garantie doit être valable dans toute la Communauté.

4. Sans préjudice de l’article 20, la responsabilité de l’entrepositaire agréé expéditeur, et, le cas échéant, celle du transporteur, ne peut être dégagée que par la preuve de la prise en charge des produits par le destinataire, notamment par le document d’accompagnement [...]»

9.

L’article 20 de cette directive énonçait:

«1. Lorsqu’une irrégularité ou une infraction a été commise en cours de circulation entraînant l’exigibilité de l’accise, l’accise est due dans l’État membre où l’irrégularité ou l’infraction a été commise, auprès de la personne physique ou morale qui a garanti le paiement des droits d’accises conformément à l’article 15 paragraphe 3, sans préjudice de l’exercice des actions pénales.

[...]

3. [...] Les États membres prennent les mesures requises pour remédier à toute infraction ou irrégularité et pour imposer des sanctions efficaces.

[...]»

B – Le droit grec

10.

La loi 2127/1993, relative à l’harmonisation avec le droit communautaire du régime fiscal des produits pétroliers, de l’alcool éthylique et des boissons alcooliques ainsi que des tabacs manufacturés, et autres dispositions ( 6 ), a transposé en droit grec la directive 92/12.

11.

Aux termes de l’article 67, paragraphe 5, de cette loi:

«Toute fraude ou tentative de fraude au versement des accises et autres droits ainsi que le non-respect des formalités prévues par la loi en vue d’échapper au versement de ces accises et autres droits constituent de la contrebande au sens des articles 89 et suivants de la loi 1165/1918 portant code des douanes [ci-après le «code des douanes»]; ces actes rendent exigible la taxe majorée prévue par lesdits articles, même dans l’hypothèse où les instances compétentes jugeraient que les conditions d’une contrebande pénalement répréhensible ne sont pas réunies.»

12.

L’article 97, paragraphes 3 et 5, du code des douanes dispose:

«3. [...] toutes les personnes dont il est certain qu’elles ont participé à l’infraction douanière au sens de l’article 89, paragraphe 2, du présent code se voient infliger au prorata du degré de participation de chacune et indépendamment des poursuites pénales dont elles font l’objet, conjointement et solidairement, une taxe majorée pouvant aller du double au décuple des accises et autres droits dus au titre de l’objet de l’infraction [...]

[...]

5. Après avoir réalisé une enquête administrative, le [...] directeur du bureau de douane compétent rédige et émet, le plus rapidement possible, un acte motivé par lequel il exonère ou identifie, le cas échéant, les responsables au sens du présent code, il détermine le degré de responsabilité de chacun, les droits de douane et autres taxes dus ou perdus au titre de l’objet de la contrebande et met en recouvrement la taxe majorée au sens du présent article ainsi que, le cas échéant, les droits de douane et autres taxes perdus.»

13.

L’article 99, paragraphe 2, de ce code prévoit que les dispositions de l’article 108 dudit code s’appliquent également, «par analogie», aux infractions douanières et que «la non-connaissance par les personnes civilement coresponsables de l’intention des personnes qualifiées d’auteurs primaires de commettre l’infraction n’exonère pas les premiers de leur responsabilité».

14.

Aux termes de l’article 100, paragraphe 1, du code des douanes:

«Constitue[nt] de la contrebande:

a)

l’importation sur le territoire de l’État ou l’exportation hors de celui-ci, sans autorisation écrite de l’autorité douanière compétente ou en un lieu et à un instant autre que celui autorisé par ladite autorité, de marchandises soumises soit à des droits de douane à l’importation, soit à une accise, une taxe ou un droit perçu en douane, et

b)

toute action visant à priver l’État des droits de douane, accises, taxes et droits devant être perçus par lui sur les marchandises importées depuis l’étranger ou exportées, y compris lorsque ces actes ont été commis à un moment et selon une méthode autres que ceux prescrits par la loi.»

15.

L’article 108 de ce code prévoit:

«La juridiction pénale connaissant de l’incrimination de contrebande peut, dans son jugement de condamnation, déclarer le propriétaire ou le destinataire des biens faisant l’objet de la contrebande coresponsable, civilement et solidairement à la personne condamnée, du paiement de l’amende pécuniaire infligée et des dépens ainsi que, sur demande de l’État s’étant constitué partie civile, de la somme qui lui a été adjugée; il en est ainsi même si le coresponsable n’a pas été mis en cause au pénal, dès lors que le condamné a disposé de l’objet de la contrebande en qualité de mandataire, de gestionnaire ou de représentant du propriétaire ou du destinataire, quelle que soit la nature juridique sous laquelle le mandat est présenté ou dissimulé; il est donc indifférent de savoir si le mandataire agit en nom propre [...], s’il se présente comme le propriétaire des biens ou comme ayant tout autre lien juridique avec ces biens ou si la représentation effective du propriétaire est une représentation spéciale ou générale, sauf s’il peut être prouvé que les personnes...

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