Opinion of Advocate General Bobek delivered on 5 December 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:1055
Date05 December 2019
Celex Number62018CC0406
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

ÉDITION PROVISOIRE DU 04/12/2019

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 5 décembre 2019(1)

Affaire C406/18

PG

contre

Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal

[demande de décision préjudicielle formée par le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale, Hongrie)]

« Renvoi préjudiciel — Politique commune en matière d’asile et de protection subsidiaire — Procédures communes pour l’octroi de la protection internationale — Directive 2013/32/UE — Article 46, paragraphe 3 — Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à un recours effectif – Étendue des pouvoirs de la juridiction de première instance — Aucun pouvoir de réformation — Délai de 60 jours dans lequel la juridiction doit statuer »






I. Introduction

1. Que faut-il entendre par une durée raisonnable de la procédure juridictionnelle ? Cette question, familière à tout système judiciaire moderne, se pose généralement lorsqu’il s’agit de juger si le temps qui a été mis pour statuer dans une affaire a été trop long et a donc méconnu le droit à un procès équitable d’une partie.

2. Il n’arrive pas souvent qu’une juridiction, y compris la Cour, se voit poser la question inverse, c’est-à-dire celle de savoir si un délai (en l’espèce un délai maximal de 60 jours) est trop court, de sorte qu’il ne permet pas à la juridiction concernée de procéder à l’examen de l’affaire au niveau requis (en l’espèce, un examen complet et ex nunc d’une décision administrative rejetant une demande de protection internationale, tel que prévu à l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32/UE (2)) et qu’il viole ainsi éventuellement le droit à un procès équitable d’une partie.

3. Le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale, Hongrie), qui a saisi la Cour de cette question, demande également à savoir s’il peut être considéré qu’est respecté le droit à un recours effectif, établi à l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lorsque les juridictions nationales ne disposent pas du pouvoir de réformer la décision administrative, question sur laquelle la Cour vient récemment de se pencher dans l’affaire Alheto ainsi que dans l’affaire Torubarov (3).

II. Cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4. Le considérant 18 de la directive 2013/32 précise qu’« [i]l est dans l’intérêt à la fois des États membres et des demandeurs d’une protection internationale que les demandes de protection internationale fassent l’objet d’une décision aussi rapide que possible, sans préjudice de la réalisation d’un examen approprié et exhaustif ».

5. Le considérant 34 de la directive 2013/32 précise que « [l]es procédures d’examen des besoins de protection internationale devraient permettre aux autorités compétentes de procéder à un examen rigoureux des demandes de protection internationale ».

6. L’article 31 de la directive 2013/32, intitulé « Procédure d’examen », prévoit ce qui suit :

« […]

2. Les États membres veillent à ce que la procédure d’examen soit menée à terme dans les meilleurs délais, sans préjudice d’un examen approprié et exhaustif.

3. Les États membres veillent à ce que la procédure d’examen soit menée à terme dans les six mois à compter de l’introduction de la demande.

[…]

5. En tout état de cause, les États membres concluent la procédure d’examen dans un délai maximal de vingt-et-un mois à partir de l’introduction de la demande. »

7. L’article 46 de la directive 2013/32, intitulé « Droit à un recours effectif », prévoit ce qui suit :

« 1. Les États membres font en sorte que les demandeurs d’asile disposent d’un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants :

a) une décision concernant leur demande de protection internationale, y compris :

i) les décisions considérant comme infondée une demande quant au statut de réfugié et/ou au statut conféré par la protection subsidiaire ;

ii) les décisions d’irrecevabilité de la demande en application de l’article 33, paragraphe 2,

iii) les décisions prises à la frontière ou dans les zones de transit d’un État membre en application de l’article 43, paragraphe 1 ;

iv) les décisions de ne pas procéder à un examen en vertu de l’article 39 ;

[…]

3. Pour se conformer au paragraphe 1, les États membres veillent à ce qu’un recours effectif prévoie un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d’ordre juridique, y compris, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE, au moins dans le cadre des procédures de recours devant une juridiction de première instance.

4. Les États membres prévoient des délais raisonnables et énoncent les autres règles nécessaires pour que le demandeur puisse exercer son droit à un recours effectif en application du paragraphe 1. Les délais prévus ne rendent pas cet exercice impossible ou excessivement difficile.

[…]

10. Les États membres peuvent fixer des délais pour l’examen par la juridiction visée au paragraphe 1 de la décision prise par l’autorité responsable de la détermination.

[…] »

B. Le droit hongrois

8. En vertu de l’article 68, paragraphe 2, de la menedékjogról szóló 2007. évi LXXX. törvény (loi nº LXXX de 2007 relative au droit d’asile, ci-après la « loi relative au droit d’asile »), la juridiction doit statuer dans un délai de 60 jours à compter de la date d’une demande qui lui est faite de procéder à l’examen d’une décision administrative. En vertu de l’article 68, paragraphe 5, de la même loi, la juridiction ne peut pas réformer la décision de l’autorité compétente en matière d’asile.

III. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

9. Le requérant dans la procédure au principal, qui est un ressortissant irakien, d’ethnie kurde, est arrivé dans la zone de transit hongroise de Tompa, ville qui se situe à la frontière entre la Hongrie et la République de Serbie.

10. Le 22 août 2017, il a introduit une demande tendant à la reconnaissance de son statut de réfugié.

11. Le 18 janvier 2018, le Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (office de l’immigration et de l’asile, Hongrie) a rejeté la demande de protection internationale du requérant. Il a décidé que le requérant devait quitter le territoire de l’Union européenne et retourner sur le territoire relevant du gouvernement régional du Kurdistan d’Irak et il a ordonné l’éloignement du requérant aux fins de l’exécution de cette décision administrative. Il a également imposé au requérant une interdiction d’entrée et de séjour de deux ans.

12. Le requérant a introduit un recours contre cette décision devant le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale), la juridiction de renvoi.

13. Il a été confirmé, lors de l’audience, qu’avaient été adoptées antérieurement deux autres décisions administratives rejetant la même demande. Ces décisions avaient été annulées par deux décisions de justice rendues par une autre juridiction nationale. Or, à la suite de modifications législatives, adoptées au niveau national, concernant la compétence des juridictions en matière d’asile, la présente affaire est entrée dans le ressort de la juridiction de renvoi.

14. C’est dans ces circonstances que le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest‑Capitale) a sursis à statuer et a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes :

« 1. L’article 47 de la charte des droits fondamentaux [de l’Union européenne] et l’article 31 de la [directive 2013/32] – compte tenu des dispositions des articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l’homme – peuvent-ils respectivement être interprétés en ce sens qu’un État membre peut garantir le droit à un recours effectif également dans le cas où il permet aux juridictions non pas de réformer les décisions rendues dans le cadre de la procédure d’asile, mais seulement d’annuler de telles décisions et d’obliger l’autorité administrative à mener une nouvelle procédure ?

2) L’article 47 de la charte des droits fondamentaux [de l’Union européenne] et l’article 31 de la [directive 2013/32] – compte tenu des dispositions des articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l’homme – peuvent-ils respectivement être interprétés en ce sens que la réglementation d’un État membre est conforme à ces dispositions lorsqu’elle prévoit pour les procédures juridictionnelles en matière d’asile un délai impératif et uniforme de 60 jours au total, indépendamment de toute circonstance individuelle et sans tenir compte des spécificités de l’affaire et des éventuelles difficultés de preuve ? »

15. Le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale) a demandé que le présent renvoi préjudiciel soit soumis à la procédure d’urgence prévue à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour. Par décision du 31 juillet 2018, la chambre compétente de la Cour a décidé de ne pas accéder à cette demande.

16. Le requérant, le gouvernement hongrois ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites. Ils ont également participé à l’audience qui s’est tenue le 11 septembre 2019.

IV. Appréciation

17. Les présentes conclusions sont structurées comme suit. J’expliquerai d’abord pourquoi j’estime que les récents arrêts rendus par la Cour dans l’affaire C‑585/16, Alheto, et dans l’affaire C‑556/17, Torubarov, ont tranché tous les points que la première question préjudicielle de la juridiction de renvoi soulève (A). Quant à la seconde question préjudicielle, je suggérerai de répondre que le caractère adéquat du délai imposé de 60 jours dépend de savoir s’il permet de garantir les droits procéduraux du demandeur. C’est ce qu’il appartient à la juridiction nationale d’apprécier au regard non seulement des circonstances spécifiques...

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