Marina del Mediterráneo SL and Others v Agencia Pública de Puertos de Andalucía.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:651
Docket NumberC-391/15
Celex Number62015CC0391
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date08 September 2016
62015CC0391

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 8 septembre 2016 ( 1 )

Affaire C‑391/15

Marina del Mediterráneo SL e.a.

contre

Consejería de Obras Públicas y Vivienda de la Junta de Andalucía e.a.

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Superior de Justicia de Andalucía (Cour supérieure de justice d’Andalousie, Espagne)]

«Demande de décision préjudicielle — Marchés publics — Procédure de passation — Décision d’admettre un candidat — Illégalité alléguée — Acte préparatoire — Contrôle juridictionnel immédiat ou différé — Effet direct»

I – Introduction

1.

Marina del Mediterráneo SL et autres (ci-après les « requérantes ») ont remis une offre pour un contrat de concession de travaux publics portant sur l’extension d’un port en Espagne. Un second groupement d’entreprises a également remis une offre pour ce contrat. Les requérantes ont considéré que le second groupement ne remplissait pas les conditions pour soumissionner. Elles ont donc formé un recours spécial en matière de marchés publics contre l’admission du second groupement d’entreprises à la procédure de passation. La juridiction de renvoi a informé toutefois les requérantes qu’un recours administratif contentieux tel que le leur pouvait être irrecevable au motif que son objet était un simple acte préparatoire, à savoir l’admission d’un candidat.

2.

Dans la présente affaire, la Cour est appelée à préciser le principe que le droit de l’Union fixe en matière de contrôle des actes préparatoires, tels qu’une décision d’admettre une entreprise à remettre une offre, dans le cadre d’une procédure de marché public. La question qui lui est plus spécifiquement posée est celle de savoir si la directive 89/665/CEE ( 2 ) impose aux États membres de prévoir un contrôle immédiat et autonome de toute décision du pouvoir adjudicateur ou s’il est possible que le contrôle soit reporté à un stade ultérieur de la procédure de passation.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

3.

La directive recours, telle que modifiée par la directive 2007/66/CE ( 3 ), vise à garantir l’application des directives de l’Union en matière de marchés publics en imposant aux États membres de prévoir des recours efficaces et rapides en cas de violation du droit de l’Union ou des règles nationales transposant ce droit.

4.

Le deuxième considérant de cette directive précise que « les mécanismes existant actuellement, tant sur le plan national que sur le plan communautaire, pour assurer cette application ne permettent pas toujours de veiller au respect des dispositions communautaires, en particulier à un stade où les violations peuvent encore être corrigées ».

5.

L’article 1er de la directive recours dispose :

« 1. La présente directive s’applique aux marchés visés par la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services [ ( 4 )], sauf si ces marchés sont exclus en application des articles 10 à 18 de ladite directive.

Les marchés au sens de la présente directive incluent les marchés publics, les accords-cadres, les concessions de travaux publics et les systèmes d’acquisition dynamiques.

Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés publics relevant du champ d’application de la directive 2004/18/CE, les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles 2 à 2 septies de la présente directive, au motif que ces décisions ont violé le droit communautaire en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit.

[…]

3. Les États membres s’assurent que les procédures de recours sont accessibles, selon des modalités que les États membres peuvent déterminer, au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée. »

6.

L’article 2, paragraphe 1, exige des États membres qu’ils « veillent à ce que les mesures prises aux fins des recours visés à l’article 1er prévoient les pouvoirs permettant :

a)

de prendre, dans les délais les plus brefs et par voie de référé, des mesures provisoires ayant pour but de corriger la violation alléguée ou d’empêcher qu’il soit encore porté atteinte aux intérêts concernés, y compris des mesures destinées à suspendre ou à faire suspendre la procédure de passation de marché public en cause ou l’exécution de toute décision prise par le pouvoir adjudicateur ;

b)

d’annuler ou de faire annuler les décisions illégales, y compris de supprimer les spécifications techniques, économiques ou financières discriminatoires figurant dans les documents de l’appel à la concurrence, dans les cahiers des charges ou dans tout autre document se rapportant à la procédure de passation du marché en cause ;

c)

d’accorder des dommages et intérêts aux personnes lésées par une violation. »

7.

La directive 92/13/CEE du 25 février 1992, telle que modifiée par la directive 2007/66, coordonne les dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des règles communautaires sur les procédures de passation des marchés des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications ( 5 ).

8.

L’article 1er de la directive 92/13 correspond à l’article 1er de la directive 89/665 mais diverge sur deux points : tout d’abord, il s’applique aux secteurs régis par la directive 2004/17/CE ( 6 ) (au lieu de ceux régis par la directive 2004/18) ; ensuite, il ne concerne pas explicitement les concessions de travaux publics.

9.

Dans une large mesure, l’article 2, paragraphe 1, de la directive 92/13 correspond également à l’article 2, paragraphe 1, de la directive recours mais, à la différence de cette dernière disposition, il comprend explicitement, sous b), la possibilité d’annuler les spécifications techniques, économiques ou financières discriminatoires figurant dans l’avis de marché, l’avis périodique indicatif et l’avis sur l’existence d’un système de qualification.

B – Le droit espagnol

10.

L’acte administratif attaquable est défini à l’article 25, paragraphe 1, de la Ley 29/1998 reguladora de la Jurisdicción Contencioso-administrativa (loi 29/1998 relative au contentieux administratif), du 13 juillet 1998, qui prévoit que « [l]e recours contentieux administratif est recevable concernant les dispositions à caractère général, ainsi que contre les actes explicites et implicites de l’administration publique qui mettent fin à la voie administrative, qu’ils soient définitifs ou préparatoires, si ces derniers tranchent, directement ou indirectement, le fond de l’affaire, entraînent l’impossibilité de poursuivre la procédure ou de se défendre, ou occasionnent des préjudices irréparables à des droits ou à des intérêts légitimes ».

11.

L’article 107, paragraphe 1, de la Ley 30/1992 de Régimen Jurídico de las Administraciones Públicas y del Procedimiento Administrativo Común (loi 30/1992 relative au régime juridique des administrations publiques et de la procédure administrative commune), du 26 novembre 1992, telle que modifiée par la Ley 4/1999 du 13 janvier 1999, limite la possibilité de recours administratifs dans les termes suivants :

« Contre les décisions et les actes préparatoires qui tranchent, directement ou indirectement, le fond de l’affaire, qui entraînent l’impossibilité de poursuivre la procédure ou de se défendre, ou qui occasionnent des préjudices irréparables à des droits ou à des intérêts légitimes, les intéressés peuvent introduire les recours hiérarchique et gracieux facultatif fondés sur tout motif de nullité ou d’annulation prévu aux articles 62 et 63 de la présente loi.

L’opposition aux autres actes préparatoires pourra être invoquée par les intéressés afin d’être prise en considération dans la décision mettant un terme à la procédure. »

12.

La Ley 30/2007 de Contratos del Sector Público (loi 30/2007 relative aux marchés publics, ci-après la « loi relative aux marchés publics »), du 30 octobre 2007, telle que modifiée par la Ley 34/2010 du 5 août 2010, établit les règles en matière de recours spéciaux qui peuvent être formés dans le cadre des procédures de marchés publics. En matière de marchés publics, la règle générale de l’article 107, paragraphe 1, de la loi 30/1992 relative au régime juridique des administrations publiques et de la procédure administrative commune trouve son expression dans l’article 310, paragraphe 2, de la loi relative aux marchés publics. Ce dernier dispose que « les actes suivants pourront faire l’objet du recours :

a)

les avis de marché, les cahiers des charges et les documents contractuels fixant les conditions régissant l’adjudication,

b)

les actes préparatoires pris pendant la procédure d’adjudication, dès lors qu’ils décident, directement ou indirectement, de l’adjudication, empêchent de poursuivre la procédure, entraînent l’impossibilité de se défendre ou causent des préjudices irréparables à des droits ou à des intérêts légitimes. Les actes de la commission d’adjudication décidant d’exclure des soumissionnaires sont considérés comme des actes préparatoires empêchant de poursuivre la procédure.

c)

les décisions d’adjudication adoptées par les pouvoirs adjudicateurs. »

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

13.

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