Christos Gogos v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:118
CourtCourt of Justice (European Union)
Date04 March 2010
Docket NumberC-583/08
Celex Number62008CC0583
Procedure TypeRecours en responsabilité - irrecevable

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 4 mars 2010 (1)

Affaire C‑583/08 P

Christos Gogos

contre

Commission européenne

«Pourvoi – Statut des fonctionnaires – Classement en grade – Grade de base ou grade supérieur de la carrière A 7/A 6 – Perte d’une chance d’être nommé à un moment antérieur – Compensation pécuniaire ou en termes de carrière – Conditions de l’octroi d’office d’une compensation pécuniaire – Litige à caractère pécuniaire – Compétence de pleine juridiction – Durée excessive de la procédure de première instance»





I – Introduction

1. La présente affaire a pour objet l’un des derniers pourvois en matière de fonction publique que la Cour aura à examiner. Elle soulève des questions de principe dont l’importance est notable, et pas seulement pour la future jurisprudence en matière de droit de la fonction publique européenne. En particulier, dans le cadre du second moyen du pourvoi, la Cour aura l’occasion de préciser la compétence de pleine juridiction des tribunaux de l’Union européenne.

2. Le contexte de l’affaire peut être résumé comme suit. M. Gogos, un fonctionnaire de la Commission européenne, a participé à un concours interne pour passer de l’ancienne catégorie B à celle alors dénommée «catégorie A». Par suite d’un vice de procédure, il a repassé l’épreuve orale à deux reprises et ne l’a réussie qu’au troisième essai. Il n’a ainsi été inscrit sur la liste d’aptitude que quelque cinq ans après les autres lauréats. Cela a retardé sa nomination dans un emploi de la catégorie A et ses chances d’être promu dans sa nouvelle carrière. En compensation de ce retard, il estime que la Commission aurait dû le classer directement au grade A 6, alors qu’elle ne l’a classé qu’au grade inférieur A 7.

3. Le recours introduit par M. Gogos contre la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination le classant au grade A 7 a été rejeté par arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 15 octobre 2008 (2) (ci‑après l’«arrêt attaqué»). Dans son pourvoi, M. Gogos reproche au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit et de ne pas lui avoir d’office alloué une compensation pécuniaire. Il demande en outre une indemnité en raison de la durée, selon lui excessive, de la procédure de première instance.

4. S’il est vrai que le droit applicable en l’espèce est encore celui qui a été en vigueur jusqu’au 30 avril 2004, c’est-à-dire avant la «grande réforme» de la fonction publique européenne par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 (3), les questions juridiques soumises à la Cour au sujet de la compétence de pleine juridiction et de l’indemnisation pour la perte de chances gardent toute leur pertinence dans le cadre de la situation juridique apparue le 1er mai 2004.

II – Le cadre juridique

5. Le cadre juridique de la présente affaire est tracé par le statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»), dans la version applicable jusqu’au 30 avril 2004 (4). L’article 5, paragraphe 1, du statut réglementait la structure de carrière du service public européen de la façon suivante:

«Les emplois relevant du présent statut sont classés, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en quatre catégories désignées dans l’ordre hiérarchique décroissant par les lettres A, B, C, D.

La catégorie A comporte huit grades regroupés en carrières généralement étalées sur deux grades et correspondant à des fonctions de direction, de conception et d’étude, nécessitant des connaissances de niveau universitaire ou une expérience professionnelle d’un niveau équivalent.

La catégorie B comporte cinq grades regroupés en carrières généralement étalées sur deux grades et correspondant à des fonctions d’application et d’encadrement nécessitant des connaissances du niveau de l’enseignement secondaire ou une expérience professionnelle d’un niveau équivalent [...]»

6. L’article 45, paragraphe 2, du statut disposait par ailleurs:

«Le passage d’un fonctionnaire d’un cadre ou d’une catégorie à un autre cadre ou à une catégorie supérieure ne peut avoir lieu qu’après concours.»

7. L’article 31 du statut des fonctionnaires contenait la disposition suivante:

«1. Les candidats [...] sont nommés:

– fonctionnaires de la catégorie A [...] au grade de base de leur catégorie ou de leur cadre [...].

[...]

2. Toutefois, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut déroger aux dispositions visées ci-avant dans les limites suivantes:

a) pour les grades A 1, A 2, A 3 et LA 3, à raison [...]

b) pour les autres grades, à raison:

– d’un tiers s’il s’agit de postes rendus disponibles,

– de la moitié s’il s’agit de postes nouvellement créés.

Sauf pour le grade LA 3, cette disposition s’applique par série de six emplois à pourvoir dans chaque grade.»

8. Enfin, il y a lieu de rappeler l’article 91, paragraphe 1, qui – dans la version en vigueur jusqu’au 30 avril 2004 comme dans celle applicable depuis le 1er mai 2004 – dispose ce qui suit:

«La Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour statuer sur tout litige entre les Communautés et l’une des personnes visées au présent statut et portant sur la légalité d’un acte faisant grief à cette personne [...] Dans les litiges de caractère pécuniaire, la Cour de justice a une compétence de pleine juridiction.»

III – Les faits et la procédure

9. Au service des Communautés européennes (désormais: l’Union européenne) depuis 1981, M. Gogos a été recruté par la Commission le 1er octobre 1986 comme fonctionnaire, au grade B 5.

10. En 1997, M. Gogos a participé au concours interne COM/A/17/96, qui visait à permettre à des fonctionnaires de ce qui était alors la catégorie B à accéder à la catégorie A, plus précisément pour des emplois de la carrière A 7/A 6. L’admission au concours était notamment subordonnée à un minimum de sept ans d’ancienneté de service dans la catégorie B. L’avis de concours précisait que la nomination se ferait en principe au grade de base de la carrière A 7/A 6.

11. Faute d’avoir obtenu le nombre de points nécessaires à l’épreuve orale de ce concours, M. Gogos n’a pas été inscrit sur la liste d’aptitude, ce dont le jury l’a informé par courrier du 15 décembre 1997.

12. À la suite du recours introduit par M. Gogos, le Tribunal a, par l’arrêt du 23 mars 2000,(5) annulé cette décision, notamment au motif que le jury n’avait pas été en mesure d’assurer l’égalité de traitement de tous les candidats pendant les épreuves orales.

13. En conséquence, la Commission a convoqué M. Gogos à une deuxième épreuve orale le 25 septembre 2000, à laquelle il a de nouveau échoué.

14. Le requérant a également saisi le Tribunal de cette deuxième décision du jury. Lors de la procédure devant le Tribunal, les parties ont passé un accord amiable, par lequel M. Gogos se désistait de ses conclusions en annulation de la décision du jury et en indemnisation, en échange de quoi la Commission s’engageait à organiser une troisième épreuve orale pour M. Gogos et à prendre en charge les dépens récupérables de celui-ci (6).

15. M. Gogos ayant finalement réussi la troisième épreuve orale le 8 novembre 2002, la Commission l’a informé, par lettre du 15 novembre 2002, que son nom avait été inscrit sur la liste d’aptitude du concours COM/A/17/96.

16. M. Gogos a alors été nommé fonctionnaire de catégorie A, avec effet au 1er avril 2003. Le 31 mars 2003, il a été informé de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination de le classer au troisième échelon du grade A 7 (ci-après la «décision de classement»).

17. Conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, M. Gogos a introduit, le 30 juin 2003, une réclamation à l’encontre de la décision de classement. À l’appui de sa réclamation, il a invoqué la violation des articles 31 et 45 du statut, de l’article 233 CE ainsi que de l’accord amiable intervenu dans le cadre du procès antérieur (7). Il a fait valoir en substance qu’il devait être placé dans une situation identique à celle qui serait la sienne s’il avait réussi le concours au mois de décembre 1997. La plupart des lauréats de ce concours ayant déjà été promus au grade A 6, M. Gogos a estimé que, pour compenser le retard par rapport à ces collègues, l’autorité investie du pouvoir de nomination devait le classer directement au grade A 6 et non au grade A 7.

18. Cette réclamation a été rejetée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination du 24 novembre 2003 (ci-après la «décision prise sur réclamation»), décision que M. Gogos a attaquée devant le Tribunal le 18 février 2004. Plus de quatre ans plus tard, le 15 octobre 2008, le Tribunal a rejeté ce recours par l’arrêt attaqué, tout en condamnant cependant la Commission à supporter l’ensemble des dépens, conformément aux dispositions combinées de l’article 87, paragraphe 3, et de l’article 88 de son règlement de procédure.

19. Dans son pourvoi du 22 décembre 2008 (8), M. Gogos conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

– annuler l’arrêt du Tribunal de première instance;

– annuler la décision de classement du requérant au grade A 7 ainsi que le rejet de sa réclamation, intervenu le 24 novembre 2003;

– exercer sa compétence de pleine juridiction pour allouer au requérant 538 121,79 euros d’indemnisation au titre du préjudice économique dû au comportement illégal de la Commission, tel qu’il est manifesté dans la décision faisant grief, préjudice dont la réforme administrative a renforcé les effets pour toute la durée de vie du requérant;

– lui allouer 50 000 euros d’indemnisation pour le retard mis à adopter la décision de première instance, et

– condamner la défenderesse aux dépens exposés par le requérant, tant dans la procédure devant le Tribunal que dans la procédure de pourvoi.

20. La Commission conclut, pour sa part, à ce qu’il plaise à la Cour:

– rejeter intégralement le pourvoi;

– rejeter la demande d’indemnisation fondée par le requérant au pourvoi sur la...

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