Nigyar Rauf Kaza Ahmedbekova and Rauf Emin Ogla Ahmedbekov v Zamestnik-predsedatel na Darzhavna agentsia za bezhantsite.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:514
Docket NumberC-652/16
Celex Number62016CC0652
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date28 June 2018
62016CC0652

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 28 juin 2018 ( 1 )

Affaire C‑652/16

Nigyar Rauf Kaza Ahmedbekova,

Rauf Emin Ogla Ahmedbekov

contre

Zamestnik-predsedatel na Darzhavna agentsia za bezhantsite

[demande de décision préjudicielle formée par l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de Sofia, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Frontières, asile et immigration – Normes relatives à l’octroi du statut de réfugié – Directives 2005/85/CE et 2011/95/UE – Demandes de protection internationale des membres d’une famille d’une personne qui a demandé la reconnaissance du statut de réfugié – Disposition nationale qui reconnaît le statut de réfugié aux membres de la famille d’un réfugié reconnu – Directive 2013/32/UE – Droit à un recours effectif »

1.

Par la demande de décision préjudicielle objet des présentes conclusions, l’Administrativen sad Sofia‑grad (tribunal administratif de Sofia, Bulgarie) pose à la Cour une série de neuf questions préjudicielles portant sur l’interprétation des directives 2011/95/UE ( 2 ) et 2013/32/UE ( 3 ). La plupart de ces questions concernent des aspects de procédure et de fond liés au traitement de demandes de protection internationale introduites par les membres d’une même cellule familiale ( 4 ). La deuxième, la troisième, la huitième et la neuvième question concernent en revanche des aspects relatifs à l’examen de la recevabilité des demandes de protection internationale et à l’étendue du contrôle du juge de première instance sur les décisions de refus de cette protection, aspects déjà soulevés, mais sous des angles en partie différents, par l’Administrativen sad Sofia‑grad (tribunal administratif de Sofia) dans l’affaire Alheto dans laquelle j’ai présenté mes conclusions le 17 mai dernier (C‑585/16, EU:C:2018:327).

A. Le contexte juridique

2.

Afin d’améliorer la lisibilité des présentes conclusions, les dispositions pertinentes du droit de l’Union et du droit national seront rappelées dans l’analyse des questions préjudicielles. Il suffit de rappeler ici que l’examen des demandes de protection internationale est régi, en droit bulgare, par le Zakon za ubezhishteto i bezhantsite (loi sur l’asile et sur les réfugiés, ci-après le « ZUB ») qui prévoit deux formes de protection internationale, celle liée à la reconnaissance du statut de réfugié (article 8 du ZUB) et celle qui découle de l’octroi du statut humanitaire (article 9 du ZUB), correspondant à la protection subsidiaire prévue par la directive 2011/95. Cette directive et la directive 2013/32 ont été transposées en droit bulgare par des modifications introduites dans le ZUB par deux lois respectivement entrées en vigueur le 16 octobre et le 28 décembre 2015 ( 5 ).

II. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

3.

Les faits du litige au principal sont ainsi résumés dans la décision de renvoi. Le 16 décembre 2012, Mme Ahmedbekova et les membres de sa famille ont quitté légalement l’Azerbaïdjan pour l’Ukraine en passant par la Turquie. Pendant le séjour en Ukraine, où ils sont restés un an et deux mois, Mme Ahmedbekova et les membres de sa famille ont introduit une demande de protection internationale et ont été enregistrés auprès du Haut‑commissariat des Nations unies pour les réfugiés (ci-après le « HCR »). Sans attendre une réponse à leur demande de protection, ils sont partis légalement pour la Turquie le 19 janvier 2014 et, depuis la Turquie, ils sont entrés illégalement en Bulgarie. Le même jour, ils ont été arrêtés alors qu’ils tentaient de quitter le pays avec des passeports grecs ( 6 ).

4.

Le 20 janvier 2014, Mme Ahmedbekova et son mari, M. Emin Ahmedbekov, ont déposé séparément une demande d’asile auprès du président de la République de Bulgarie. La demande de Mme Ahmedbekova était introduite également pour le fils mineur du couple, né le 5 octobre 2007. Les deux demandes ont été rejetées le 4 novembre 2014.

5.

Le 19 novembre 2014, M. Ahmedbekov a introduit une demande de protection internationale auprès de la Drzhavnata agentsia za bezhantsite (Agence nationale pour les réfugiés, ci-après la « DAB ») qui a été rejetée par décision du 12 mai 2015. Le recours de M. Ahmedbekov contre cette décision a été rejeté par la juridiction de première instance par décision du 2 novembre 2015. À la date de la demande de décision préjudicielle, la procédure en cassation contre cette décision était encore pendante devant le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie).

6.

Le 25 novembre 2014, Mme Ahmedbekova a également introduit une demande de protection internationale pour elle et une autre pour son fils, auprès de la DAB. Ces demandes ont été rejetées par décision du 12 mai 2015. Mme Ahmedbekova a contesté cette décision par un recours devant la juridiction de renvoi. Dans ce recours, Mme Ahmedbekova indique que sa demande de protection internationale est faite, d’une part, à titre personnel, en raison de la crainte d’être persécutée du fait de ses opinions politiques et, d’autre part, en tant que membre de la famille d’une personne, en l’espèce le conjoint, qui a été persécutée dans son pays.

7.

Il ressort de la décision de renvoi que Mme Ahmedbekova et son fils ont fait l’objet d’une décision de retour au sens de la directive 2008/115/CE ( 7 ).

8.

Par décision du 5 décembre 2016, l’Administrativen sad Sofia‑grad (tribunal administratif de Sofia) a décidé de suspendre la procédure et a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Découle-t-il de l’article 78, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), d) et f), [TFUE] ainsi que du considérant 12 et de l’article 1 de la directive [2013/32] que le motif d’irrecevabilité de demandes de protection internationale prévu à l’article 33, paragraphe 2, sous e), de cette directive est une disposition ayant un effet direct dont les États membres ne peuvent pas écarter l’application, notamment en appliquant des dispositions plus favorables du droit national prévoyant un examen de la première demande de protection internationale, tout d’abord pour savoir si le demandeur remplit les conditions d’octroi d’un statut de réfugié et ensuite pour savoir s’il remplit les conditions d’octroi d’une protection subsidiaire, comme le requiert l’article 10, paragraphe 2, de ladite directive ?

2)

Découle-t-il de l’article 33, paragraphe 2, sous e), de la directive [2013/32], lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 3, et l’article 2, sous a), c) et g), ainsi qu’avec le considérant 60 de ladite directive, dans la situation de l’affaire au principal, qu’une demande de protection internationale déposée au nom d’un mineur accompagné par l’un de ses parents est irrecevable lorsqu’elle est motivée par le fait que l’enfant est un membre de la famille d’une personne ayant déposé une demande de protection internationale au titre de l’article 1er, section A, de la convention relative au statut des réfugiés [signée à Genève le 28 juillet 1951 et entrée en vigueur le 22 avril 1954, ci‑après la « convention de Genève »] ( 8 ) ?

3)

Découle-t-il de l’article 33, paragraphe 2, sous e), de la directive [2013/32], lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, et l’article 2, sous a), c) et g), ainsi qu’avec le considérant 60 de ladite directive, dans la situation de l’affaire au principal, qu’une demande de protection internationale déposée au nom d’une personne majeure est irrecevable lorsqu’elle est motivée dans le cadre des procédures devant l’autorité administrative compétente uniquement par le fait que le demandeur est un membre de la famille d’une personne ayant déposé une demande de protection internationale au titre de l’article 1er, section A, de la convention de Genève, alors que ce demandeur n’a pas le droit d’exercer une activité professionnelle au moment du dépôt de la demande ?

4)

Découle-t-il de l’article 4, paragraphe 4, de la directive [2011/95], lu conjointement avec le considérant 36 de ladite directive, qu’il requiert qu’une évaluation de la crainte fondée de persécution ou du risque réel de préjudice grave soit basée seulement sur des faits et des circonstances concernant le demandeur ?

5)

L’article 4 de la directive [2011/95], lu conjointement avec le considérant 36 de ladite directive, et l’article 31, paragraphe 1, de la directive [2013/32], permet-il une jurisprudence nationale qui :

a)

impose à l’autorité compétente d’examiner dans le cadre d’une procédure commune les demandes de protection internationale des membres d’une famille, lorsque ces demandes sont fondées sur des faits généraux et, plus précisément sur des allégations, selon lesquelles seulement l’un des membres de la famille a la qualité de réfugié ;

b)

impose à l’autorité compétente de suspendre la procédure concernant les demandes de protection internationale des membres d’une famille, qui, à titre personnel, ne remplissent pas les conditions d’octroi d’une telle protection, jusqu’à la clôture de la procédure concernant la demande du membre de la famille qui est déposée au titre de l’article 1er, section A, de la convention de Genève ;

notamment, cette jurisprudence est-elle permise en vertu de considérations liées à l’intérêt supérieur de l’enfant, au maintien de l’unité familiale et au respect du droit à la vie privée et familiale, au droit de rester dans l’État membre jusqu’à l’examen de la demande, compte tenu des articles 7, 18 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, des considérants 12 et 60, ainsi que de l’article 9, de la directive [2013/32], des considérants 16, 18 et 36, ainsi que...

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