Global Starnet Ltd v Ministero dell'Economia e delle Finanze and Amministrazione Autonoma Monopoli di Stato.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:442
Docket NumberC-322/16
Celex Number62016CC0322
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date08 June 2017
62016CC0322

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 8 juin 2017 ( 1 )

Affaire C‑322/16

Global Starnet Ltd

contre

Ministero dell’Economia e delle Finanze,

Amministrazione Autonoma Monopoli di Stato

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Obligation pour la juridiction nationale de dernier ressort de saisir la Cour de justice d’une demande de décision préjudicielle – Arrêt de la Cour constitutionnelle – Restrictions à la libre prestation de services – Restriction à la liberté d’établissement – Attribution de nouvelles concessions pour les jeux en ligne – Nouvelles conditions applicables aux concessionnaires – Justification – Proportionnalité »

1.

Par la présente demande de décision préjudicielle, il est de nouveau demandé à la Cour d’examiner si certains aspects de la législation italienne dans le domaine des jeux de hasard sont compatibles avec les règles du traité FUE relatives au marché intérieur ainsi qu’avec certains principes généraux du droit de l’Union ( 2 ).

2.

Les questions soulevées dans le cadre de la présente procédure sont, notamment, celles de savoir si les règles du traité FUE relatives au marché intérieur, l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ou le principe général de protection de la confiance légitime s’opposent à une législation nationale qui impose de nouvelles conditions financières, techniques et professionnelles tant aux concessionnaires existants qu’aux nouveaux concessionnaires de services de jeux de hasard.

I. Le cadre juridique

A. Le droit italien

3.

L’article 1er, paragraphe 77, de la legge n. 220/2010 – Disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriennale dello Stato (legge di stabilità 2011) [loi no 220/2010 – Dispositions pour la formation du budget annuel et pluriannuel de l’État (loi de stabilité 2011)], du 13 décembre 2010 ( 3 ), prévoit :

« Afin d’assurer un équilibre correct entre les intérêts publics et privés dans le cadre de l’organisation et de la gestion des jeux publics, compte tenu du monopole d’État dans le secteur des jeux publics, […] ainsi que des principes – y compris ceux établis par l’Union européenne – de sélection concurrentielle qui s’appliquent à ce secteur, et afin de contribuer également à consolider les bases d’une action plus efficiente et plus efficace en matière de lutte contre la diffusion du jeu irrégulier ou illégal en Italie, de protection des consommateurs, en particulier des mineurs d’âge, de maintien de l’ordre public, et de lutte contre le jeu des mineurs et les infiltrations du crime organisé dans le secteur des jeux, […] l’Agenzia delle Dogane e dei Monopoli [Agence des douanes et des monopoles ; ci-après l’« ADM »] procède sans tarder à la mise à jour du modèle-type de contrat donnant accès aux concessions pour l’exercice et la collecte autrement qu’à distance des jeux publics. »

4.

L’article 1er, paragraphe 78, de la loi no 220/2010 a introduit de nouvelles obligations pour les concessionnaires de jeux publics et de collecte, autrement qu’à distance, des paris publics, exigeant en particulier :

le maintien du ratio d’endettement en deçà du plafond fixé [article 1er, paragraphe 78, sous b), no 4] ;

la soumission à autorisation préalable des opérations entraînant des modifications subjectives concernant le concessionnaire ; des opérations de transfert des participations détenues par le concessionnaire et susceptibles de réduire l’indice de solidité financière ; des affectations des profits excédentaires à des fins autres que les investissements liés aux activités faisant l’objet de la concession [article 1er, paragraphe 78, sous b), no 8, 9 et 17] ;

l’obligation pour le concessionnaire de poursuivre l’administration ordinaire des activités jusqu’au transfert de ces activités au nouveau concessionnaire [article 1er, paragraphe 78, sous b), no 25].

5.

L’article 1er, paragraphe 78, sous b), no 23, de la loi no 220/2010 a fixé des sanctions, à titre de pénalités, en cas de manquement aux obligations stipulées dans le contrat de concession.

6.

Les conditions auxquelles doivent satisfaire les concessionnaires en application de l’article 1er, paragraphe 78, de la loi no 220/2010 ont été fixées par le decreto interdirigenziale (décret interdirectionnel) adopté le 28 juin 2011 par le directeur de l’ADM (ci-après l’« arrêté de l’ADM ») ( 4 ). Ces conditions, qui visaient à améliorer la solidité économique et financière des concessionnaires ainsi qu’à accroître leur honorabilité et leur fiabilité, ont été imposées aussi bien aux concessionnaires existants qu’aux nouveaux concessionnaires.

II. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

7.

La société B Plus Giocolegale Ltd, devenue Global Starnet Ltd, est concessionnaire de l’ADM pour la mise en service et l’exploitation du réseau de gestion en ligne des jeux autorisés par la loi. Elle a participé au programme prévu par le decreto-legge no 39/2009 (décret‑loi no 39/2009) qui permettait aux concessionnaires d’effectuer des essais et, ensuite, de mettre en service des systèmes de jeux spécifiques. La participation à ce programme expérimental donnait aux concessionnaires le droit de se voir reconnaître le renouvellement des concessions.

8.

À la suite de l’entrée en vigueur de la loi no 220/2010 et de l’arrêté de l’ADM, Global Starnet a introduit un recours devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie) tendant à l’annulation de l’arrêté de l’ADM au motif qu’il avait été illégalement porté atteinte aux droits qu’elle détient en qualité de concessionnaire. Elle a également demandé des dommages et intérêts ainsi que l’annulation de l’avis de marché publié par l’ADM concernant l’attribution d’une concession de services portant sur la réalisation et l’exploitation du réseau de gestion en ligne des jeux autorisés par la loi. Les demandes de Global Starnet étaient fondées aussi bien sur le droit national que sur le droit de l’Union.

9.

Le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium) a partiellement accueilli le recours pour ce qui concerne le droit national, mais a conclu qu’il n’y avait pas eu de violation ni de la Constitution italienne ni du droit de l’Union. Global Starnet a introduit un appel contre ledit arrêt devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie).

10.

Dans son arrêt no 4371, du 2 septembre 2013, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a partiellement accueilli le recours introduit par Global Starnet. En outre, considérant qu’il existait des doutes quant à la constitutionnalité de l’article 1er, paragraphe 79, de la loi no 220/2010, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a renvoyé l’affaire devant la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie).

11.

Dans son arrêt no 56, du 31 mars 2015, la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle) a considéré que la disposition nationale en cause ne violait pas la Constitution italienne et a renvoyé l’affaire devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État).

12.

Ayant des doutes concernant la compatibilité de la législation nationale litigieuse avec le droit de l’Union, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes :

« 1)

À titre principal, “l’article 267, paragraphe 3, TFUE, doit-il être interprété en ce sens que le juge de dernier ressort n’est pas inconditionnellement tenu de procéder au renvoi préjudiciel d’une question d’interprétation du droit européen si, dans le cadre de la même procédure nationale, la Cour constitutionnelle a apprécié la constitutionnalité des règles nationales, en employant, en substance, les mêmes normes de référence que celles dont l’interprétation est demandée à la Cour de justice, bien que ces normes de référence soient formellement différentes car elles figurent dans des dispositions de la Constitution et non dans des dispositions des traités européens ?”

2)

À titre subsidiaire, pour le cas où la Cour répondrait à la question concernant l’interprétation de l’article 267, paragraphe 3, [TFUE,] dans le sens du caractère obligatoire du renvoi préjudiciel : “Les dispositions et les principes des articles 26 (Marché intérieur), 49 (Droit d’établissement), 56 (Liberté de prestation des services) et 63 (Liberté de circulation des capitaux) du traité FUE, de l’article 16 (Liberté d’entreprise) de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et le principe général de confiance légitime (‘qui fait partie des principes généraux de l’Union’ ainsi que la Cour l’a affirmé dans l’arrêt du 14 mars 2013, Agrargenossenschaft Neuzelle, C‑545/11, EU:C:2013:169) s’opposent-ils à l’adoption et à l’application de règles nationales [article 1er, paragraphe 78, sous b), numéros 4, 8, 9, 17, 23 et 25 de la loi no 220/2010] qui imposent […] de nouvelles conditions et de nouvelles obligations au moyen d’un avenant au contrat existant (et sans prévoir de délai pour permettre une mise en conformité progressive) ?” »

III. Analyse

A. Sur la première question préjudicielle

13.

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le fait que la Cour constitutionnelle d’un État membre a déclaré qu’une mesure nationale était compatible avec la Constitution a une quelconque incidence sur l’obligation qui incombe, au titre de l’article 267 TFUE, aux juridictions nationales...

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