Futura Immobiliare srl Hotel Futura and Others v Comune di Casoria.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:264
Date23 April 2009
Celex Number62008CC0254
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-254/08

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 23 avril 2009 (1)

Affaire C‑254/08

Futura Immobiliare srl Hotel Futura

Meeting Hotel

Hotel Blanc

Hotel Clyton

Business srl

contre

Comune di Casoria

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale amministrativo regionale della Campania (Italie)]

«Directive 2006/12/CE – Déchets – Coûts de l’élimination des déchets – Principe du ‘pollueur-payeur’ – Égalité de traitement»





I – Introduction

1. La juridiction de renvoi demande à la Cour de lui préciser dans quelle mesure le principe du «pollueur-payeur» inhérent au droit des déchets limite le pouvoir d’appréciation des États membres lorsqu’ils fixent les règles suivant lesquelles les coûts d’élimination des déchets urbains doivent être répartis. En effet, plusieurs entreprises hôtelières contestent les coûts d’élimination des déchets qui leur sont imposés parce qu’elles estiment que ces frais ne correspondent pas à leur production de déchets.

II – Le cadre juridique

A – La directive‑cadre sur les déchets

2. Le principe du pollueur-payeur est énoncé à l’article 15 de la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative aux déchets (2) (ci-après la «directive‑cadre sur les déchets»):

«Conformément au principe du ‘pollueur-payeur’, le coût de l’élimination des déchets doit être supporté par:

a) le détenteur qui remet des déchets à un ramasseur ou à une entreprise visée à l’article 9,

et/ou

b) les détenteurs antérieurs ou le producteur du produit générateur de déchets.»

3. Cette disposition est identique à l’article 15 de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (3) qui a été codifiée avec toutes ses modifications par la directive 2006/12. L’article 20 règle la transition entre l’ancienne et la nouvelle directive:

«La directive 75/442/CEE est abrogée, sans préjudice des obligations des États membres en ce qui concerne les délais de transposition en droit interne indiqués à l’annexe III, partie B.

Les références faites à la directive abrogée s’entendent comme faites à la présente directive et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe IV.»

4. L’annexe III, partie B, énonce les délais de transposition en droit interne de la directive 75/442 ainsi que ceux des directives qui l’ont modifiée.

5. La directive 2006/12 est entrée en vigueur, conformément à son article 21, le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel, c’est-à-dire le 17 mai 2006.

6. A été adoptée entre-temps la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (4), qui a aboli la directive-cadre sur les déchets avec effet au 12 décembre 2010. L’article 14 de la directive 2008/98 énonce, en matière de frais d’élimination des déchets, des règles analogues à celles de ses devancières, mais elle n’englobe cependant pas tous les détenteurs antérieurs du produit générateur des déchets.

B – Le droit italien

7. Voici comment le juge de renvoi a décrit la situation juridique italienne dans ce domaine:

8. Conformément au droit en vigueur jusqu’à présent, à savoir les articles 58 et suivants du Decreto Legislativo (décret législatif) n° 507/1993 (5), les communes doivent mettre en place une taxe annuelle pour le service d’élimination des déchets solides urbains. L’assiette de cette taxe est l’occupation ou la possession de locaux couverts et d’espaces découverts sur le territoire de la commune. Le montant de cette taxe est calculé à raison de la surface imposable et des taux de production de déchets estimés en fonction de l’utilisation de l’immeuble.

9. Cette réglementation doit être remplacée par un système de redevance dont les bases ont tout d’abord été posées à l’article 49 du Decreto Legislativo n° 22/1997 (6) et ont entre-temps été fixées à l’article 238 du Decreto Legislativo n° 158/2006 (7). Les détails de ce système sont précisés dans le Decreto del Presidente della Repubblica n° 158/1999 (8). La redevance est composée d’une part fixe visant à couvrir les coûts principaux du service qui est déterminée sur la base de la surface des immeubles occupés ou détenus et d’une part variable proportionnelle à la quantité des déchets livrés.

10. L’application du système de redevance a cependant toujours été différée, notamment par l’article 1er, paragraphe 184, de la loi n° 296/2006.

III – Les faits et la question préjudicielle

11. Différentes entreprises hôtelières de la commune de Casoria près de Naples contestent le mode de calcul de la taxe qu’elles doivent acquitter pour l’élimination des déchets. En 2006, cette taxe serait huit fois plus élevée pour les hôtels que pour des habitations privées comparables et, en 2007, son montant serait neuf fois plus élevé.

12. Les requérantes font valoir que le tarif applicable aux entreprises hôtelières est disproportionnellement élevé par rapport à celui qui s’applique aux habitations privées et elles déplorent que le montant de la taxe soit calculé d’après leur capacité économique plutôt que d’après leur capacité de produire des déchets sans qu’il soit tenu compte ni du taux d’occupation des chambres ni de l’existence de services de restauration, du caractère saisonnier de l’activité ou encore de l’incidence des surfaces dédiées aux services et non habitées.

13. Le Tribunale amministrativo regionale della Campania (Italie) a donc adressé la question préjudicielle suivante à la Cour:

«La réglementation nationale, contenue aux articles 58 et suivants du décret législatif n° 507 de 1993 et dans les normes transitoires qui en ont prolongé la validité, en vertu de l’article 11 du décret du président de la République n° 158 de 1999, modifié par la suite, et de l’article 1er, paragraphe 184, de la loi n° 296 de 2006, permettant le maintien d’un système à caractère fiscal pour la couverture des coûts du service d’élimination des déchets et reportant l’introduction d’un système tarifaire dans lequel le coût du service est supporté par ceux qui produisent et réunissent les déchets est-elle compatible avec l’article 11 de la directive 75/442/CEE du Conseil relative aux déchets, devenu article 15 en vertu de l’article 1er de la directive 91/156/CEE, et avec le principe du pollueur‑payeur?»

14. Ont présenté des observations écrites à la Cour la commune de Casoria, la République italienne et la Commission des Communautés européennes. Il n’y a pas eu de débat oral.

IV – Appréciation juridique

A – Recevabilité et interprétation de la demande

15. La commune de Casoria et le gouvernement italien exposent à bon escient que, dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de l’article 234 CE, la Cour n’est pas compétente à statuer sur la compatibilité d’une mesure nationale avec le droit communautaire. Elle est toutefois compétente à fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent lui permettre d’apprécier cette compatibilité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie (9).

16. La question préjudicielle soulève à première vue la question de savoir si le principe du pollueur-payeur s’oppose au recouvrement des frais d’élimination des déchets sous la forme d’une taxe. Le juge de renvoi se demande, en effet, si un système à caractère fiscal doit être remplacé par un système de redevance.

17. Il n’est cependant pas nécessaire de préciser la manière dont le droit italien définit ces systèmes en détail. Les procédures engagées au principal soulèvent bien plutôt la question de savoir en substance dans quelle mesure le producteur de déchets peut exiger que les sommes qui lui sont réclamées pour l’élimination de ceux-ci soient proportionnelles à leur volume et non pas à la capacité économique de son entreprise.

18. Telle est bien la différence déterminante en l’espèce des deux régimes de rétribution des frais: le nouveau régime italien de redevance pour l’élimination des déchets, qui ne s’appliquait pas dans les affaires au principal, calcule le montant de la redevance plus nettement en fonction des déchets produits que le régime de taxes sur les déchets en vigueur actuellement.

19. La question préjudicielle doit donc être comprise en ce sens que le juge de renvoi souhaite s’entendre préciser si l’article 15 de la directive-cadre sur les déchets fait obstacle à une réglementation conformément à laquelle le montant des taxes à payer pour l’élimination des déchets est calculé sur la base des surfaces utilisées et de la capacité économique du producteur de déchets et non pas sur le volume de déchets effectivement produit.

20. Dès lors que la signification de la question préjudicielle se dégage ainsi de manière suffisamment claire, la demande n’est pas irrecevable pour insuffisance de motifs, contrairement à ce que prétend le gouvernement italien (10).

B – Applicabilité de la directive-cadre sur les déchets dans le temps

21. La commune de Casoria estime que la directive-cadre sur les déchets ne s’applique pas encore aux litiges au principal, qui concernent les exercices 2006 et 2007, parce que le délai de transposition n’a expiré qu’en 2008.

22. La directive-cadre sur les déchets n’est cependant assortie d’aucun délai de transposition. Aux termes de son article 20, paragraphe 1, la directive 75/442 est abrogée et il résulte clairement de son paragraphe 2 que les dispositions de la directive-cadre sur les déchets la remplaceront suivant le tableau de correspondance figurant à l’annexe IV.

23. La situation juridique n’a cependant pas été modifiée par la directive-cadre sur les déchets, qui n’a fait que préciser des dispositions globalement applicables (11). Par son entrée en vigueur, la nouvelle directive-cadre sur les déchets remplace donc formellement les dispositions en vigueur auparavant et elle doit donc être...

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