Raffinerie Mediterranee (ERG) SpA, Polimeri Europa SpA and Syndial SpA v Ministero dello Sviluppo economico and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:650
Docket NumberC-380/08,C-379/08
Celex Number62008CC0378
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date22 October 2009

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 22 octobre 2009 (1)

Affaire C‑378/08

Raffinerie Mediterranee SpA (ERG)

Polimeri Europa SpA

Syndial SpA

contre

Ministero dello Sviluppo Economico e.a.



et



Affaires C-379/08 et C-380/08



Raffinerie Mediterranee SpA (ERG)

Polimeri Europa SpA

Syndial SpA

contre

Ministero dello Sviluppo Economico e.a.


[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale Amministrativo Regionale della Sicilia (Italie)]

«Directive 2004/35/CE – Site d’intérêt national de Priolo – Application ratione temporis – Responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux – Principe du ‘pollueur – payeur’ – Mesures de réparation des dommages environnementaux – Mesures supplémentaires ordonnées d’office – Passation de marchés publics»






I – Introduction

«δός μοί (φησι) ποῦ στῶ καὶ κινῶ τὴν γῆν»(2)

1. Cette phrase est attribuée au savant grec Archimède. Elle illustre l’effet de ses lois du levier.

2. Archimède vivait dans la ville de Syracuse en Sicile. Non loin de cette ville se trouve une baie, la rade d’Augusta, qui est un site fortement pollué depuis de nombreuses années par des substances nocives. Les tentatives de réparer ces dommages environnementaux ont donné lieu aux présentes demandes de décision préjudicielle (3).

3. Il ne nous est certes pas demandé de trouver un point d’appui permettant de faire bouger la terre de son pivot. La question du fondement de la responsabilité en matière de dommages environnementaux est toutefois posée. Seule la responsabilité de ceux qui ont causé le dommage peut-elle être engagée ou est-il également possible de rechercher la responsabilité d’autres acteurs, qui possèdent des terrains sur le site en question ou qui y exercent une activité industrielle?

4. En effet, dans la procédure au principal dans l’affaire C‑378/08, il est soutenu que les autorités compétentes ont contraint les entreprises opérant sur le site en question à réparer des dommages environnementaux, sans avoir vérifié et démontré l’existence d’un lien de causalité entre le comportement des entreprises et les dommages environnementaux ou l’existence d’une faute des entreprises.

5. La juridiction de renvoi pose cette question en se plaçant en particulier dans le cadre de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux (4) (ci-après la «directive sur la responsabilité environnementale» ou la «directive 2004/35»). Il y a cependant lieu de s’interroger tout d’abord sur le point de savoir dans quelle mesure cette directive peut jouer un rôle pour des dommages qui ont été causés en grande partie avant l’entrée en vigueur de la directive.

6. Les mesures ordonnées pour réparer les dommages soulèvent d’autres questions. Les autorités compétentes auraient fortement modifié a posteriori le plan de dépollution déjà adopté, sans consulter les entreprises concernées, s’interroger sur les répercussions de ces modifications ou motiver cette façon d’agir. Il est par conséquent demandé si cela est conforme à la directive sur la responsabilité environnementale.

7. Enfin, du point de vue de la réglementation des marchés publics, il est demandé dans quelles conditions l’administration publique peut passer des marchés relatifs à la planification et à l’exécution de mesures de réparation sans appliquer la procédure prescrite en matière de marchés publics.

II – Le cadre juridique

8. Les principes communautaires en matière de politique de l’environnement, et en particulier le principe du pollueur-payeur, sont énoncés à l’article 174, paragraphe 2, CE:

«La politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de la Communauté. Elle est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et sur le principe du pollueur-payeur.

[…]»

9. Il ressort de la finalité de la directive sur la responsabilité environnementale, énoncée à l’article 1er de celle-ci, que la directive est fondée sur le principe du pollueur-payeur:

«La présente directive a pour objet d’établir un cadre de responsabilité environnementale fondé sur le principe du ‘pollueur-payeur’, en vue de prévenir et de réparer les dommages environnementaux.»

10. Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, cette directive s’applique aux:

«a) dommages causés à l’environnement par l’une des activités professionnelles énumérées à l’annexe III, et à la menace imminente de tels dommages découlant de l’une de ces activités;

b) dommages causés aux espèces et habitats naturels protégés par l’une des activités professionnelles autres que celles énumérées à l’annexe III, et à la menace imminente de tels dommages découlant de l’une de ces activités, lorsque l’exploitant a commis une faute ou une négligence.»

11. Les exclusions du champ d’application de la directive sont énumérées à l’article 4. Il est indiqué à l’article 4, paragraphe 5, que:

«La présente directive s’applique uniquement aux dommages environnementaux ou à la menace imminente de tels dommages causés par une pollution à caractère diffus, lorsqu’il est possible d’établir un lien de causalité entre les dommages et les activités des différents exploitants.»

12. En ce qui concerne le coût des mesures de réparation, l’article 8, paragraphe 1, dispose:

«L’exploitant supporte les coûts des actions de prévention et de réparation entreprises en application de la présente directive.»

13. La notion d’exploitant est définie comme suit à l’article 2, point 6:

«toute personne physique ou morale, privée ou publique, qui exerce ou contrôle une activité professionnelle ou, lorsque la législation nationale le prévoit, qui a reçu par délégation un pouvoir économique important sur le fonctionnement technique, y compris le titulaire d’un permis ou d’une autorisation pour une telle activité, ou la personne faisant enregistrer ou notifiant une telle activité».

14. L’article 16, paragraphe 1, régit l’adoption de dispositions plus strictes par les États membres:

«La présente directive ne fait pas obstacle au maintien ou à l’adoption par les États membres de dispositions plus strictes concernant la prévention et la réparation des dommages environnementaux, notamment l’identification d’autres activités en vue de leur assujettissement aux exigences de la présente directive en matière de prévention et de réparation, ainsi que l’identification d’autres parties responsables.»

15. L’application dans le temps de la directive est limitée à l’article 17:

«La présente directive ne s’applique pas:

– aux dommages causés par une émission, un événement ou un incident survenus avant la date prévue à l’article 19, paragraphe 1;

– aux dommages causés par une émission, un événement ou un incident survenus après la date prévue à l’article 19, paragraphe 1, lorsqu’ils résultent d’une activité spécifique qui a été exercée et menée à son terme avant ladite date;

– […]»

16. L’article 19, paragraphe 1, fixe le délai de transposition:

«Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 30 avril 2007.»

17. La demande de décision préjudicielle présentée dans l’affaire C‑378/08 se réfère en outre, pour ce qui est des marchés publics, à la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (5), à la directive 93/37/CEE (6) du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (7) et à la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (8). Il n’est toutefois pas nécessaire de reproduire les dispositions de ces directives.

III – Les faits et les questions préjudicielles

A – L’affaire C-378/08

18. Dans l’affaire C-378/08, l’ordonnance de renvoi expose les faits suivants.

19. Le site de la rade d’Augusta est concerné par des phénomènes causés par une pollution environnementale qui a vraisemblablement commencé il y a longtemps, apparemment au plus tard après la deuxième guerre mondiale. En particulier, les fonds marins de ce secteur sont fortement contaminés par des substances polluantes.

20. Une pluralité d’entreprises opérant dans le secteur de l’industrie et des hydrocarbures se sont succédées ou ont coexisté dans la rade d’Augusta au cours de la période pendant laquelle la pollution aurait eu lieu. Cela peut avoir pour conséquence, selon la juridiction de renvoi, qu’il sera impossible de déterminer concrètement la responsabilité individuelle des différentes entreprises pour ce qui est de la pollution.

21. Par différentes mesures successives, l’administration italienne a ordonné aux entreprises qui opèrent actuellement sur le site de la rade d’Augusta de procéder à la bonification des fonds marins contaminés. À défaut pour les entreprises de s’exécuter, l’administration les a menacées d’effectuer d’office les travaux de bonification, à la charge des entreprises.

22. Les entreprises sommées de procéder à la bonification opèrent dans des domaines d’activité qui impliquent l’utilisation ou le traitement de substances polluantes.

23. Il ressort des constatations de la juridiction de renvoi que l’administration a ordonné aux entreprises qui opèrent dans la rade d’Augusta d’éliminer la...

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