Opinion of Advocate General Sharpston delivered on 13 September 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:720
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-225/17
Date13 September 2018
Celex Number62017CC0225
Procedure TypeRecurso de casación - infundado
62017CC0225

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 13 septembre 2018 ( 1 )

Affaire C‑225/17 P

Islamic Republic of Iran Shipping Lines,

Hafize Darya Shipping Lines (HDSL),

Khazar Sea Shipping Lines Co.,

IRISL Europe GmbH,

IRISL Marine Services and Engineering Co.,

Irano Misr Shipping Co.,

Safiran Payam Darya Shipping Lines,

Shipping Computer Services Co.,

Soroush Sarzamin Asatir Ship Management,

South Way Shipping Agency Co. Ltd,

Valfajr 8th Shipping Line Co.

contre

Conseil de l’Union européenne

« Pourvoi – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran – Critères d’inclusion sur une liste des personnes et entités soumises à un gel des avoirs – Exception d’illégalité – Recevabilité – Plan d’action global commun – Incidence sur l’intérêt à agir dans le cadre du pourvoi – Base juridique – Confiance légitime – Sécurité juridique – Principe ne bis in idem – Autorité de la chose jugée – Droit à un recours juridictionnel effectif – Détournement de pouvoir – Droits de défense – Proportionnalité – Droits fondamentaux – Erreur manifeste d’appréciation »

1.

La République islamique d’Iran (ci‑après l’« Iran ») est engagée dans un programme d’activités nucléaires posant un risque de prolifération et d’activités de mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci‑après le « programme de prolifération nucléaire »). L’Organisation des Nations unies et l’Union européenne ont cherché de différentes manières à répondre à la menace qu’un tel programme a posée et continue de poser.

2.

Par le présent pourvoi, les requérantes ( 2 ) demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 17 février 2017, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil ( 3 ), dans la mesure où le Tribunal a rejeté comme étant non fondés, premièrement, leurs recours en annulation formés au titre de l’article 263 TFUE contre deux mesures par lesquelles leurs noms ont été inclus dans les listes de personnes ou entités dont les avoirs devaient être gelés dans le cadre de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran ( 4 ) et, deuxièmement, les exceptions d’illégalité opposées par ces entités, conformément à l’article 277 TFUE, à l’encontre de deux mesures établissant les critères généraux d’inclusion de personnes sur ces listes ( 5 ).

3.

Les moyens invoqués par les requérantes soulèvent d’importantes questions institutionnelles et constitutionnelles. En particulier, s’agissant de mesures restrictives appliquées à l’encontre de personnes et d’entités, quel est le pouvoir d’appréciation du Conseil de l’Union européenne lorsqu’il décide, après que les mesures initialement adoptées de manière illégale ont été annulées, d’adapter les critères d’application de ces mesures ou d’y soumettre la même entité ? Dans quelle mesure ce pouvoir d’appréciation est-il limité par les principes généraux du droit de l’Union et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte ») ?

Le droit international

Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies

4.

La prolifération nucléaire est sans conteste une des plus dangereuses menaces pour la paix et la sécurité internationales au XXIe siècle. Depuis le début de ce millénaire, l’Iran semble avoir cherché à développer un programme de prolifération nucléaire en violation des engagements internationaux, en particulier du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires conclu en 1968.

5.

Le 23 décembre 2006, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci‑après le « Conseil de sécurité ») a adopté la résolution 1737 (2006), dans laquelle il a exprimé de sérieuses inquiétudes quant au programme de prolifération nucléaire développé par l’Iran, et a cherché à exercer une pression sur cet État afin de « faire obstacle » au programme et de « suspendre » certaines de ses composantes en vue de maintenir la paix et la sécurité internationales ( 6 ).

6.

À cette fin, le Conseil de sécurité a décidé, au point 12 de cette résolution, que tous les États devront geler les fonds, avoirs et ressources qui sont la propriété ou sous le contrôle des personnes ou entités désignées comme participant, étant directement associées ou apportant un appui au programme de prolifération nucléaire de l’Iran. Ce gel des avoirs concerne également les personnes ou entités agissant en leur nom ou sur leurs instructions, ou des entités qui sont leur propriété ou sont sous leur contrôle, y compris par des moyens illicites.

7.

Le 24 mars 2007, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1747 (2007). Au point 5, le Conseil de sécurité indique avoir décidé que « l’Iran ne doit fournir, vendre ou transférer, directement ou indirectement, à partir de son territoire ou par l’intermédiaire de ses nationaux ou au moyen de navires ou d’aéronefs battant son pavillon, aucune arme ni aucun matériel connexe et que tous les États devront interdire l’acquisition de ces articles auprès de l’Iran par leurs ressortissants, ou au moyen de navires ou d’aéronefs battant leur pavillon, que ces articles aient ou non leur origine dans le territoire iranien » (ci‑après l’« embargo sur les armes »).

8.

Le 3 mars 2008, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1803 (2008). Au point 11, le Conseil de sécurité a demandé à tous les États de « faire inspecter […] les chargements à destination et en provenance d’Iran des aéronefs et navires que possèdent ou contrôlent Iran Air Cargo et [IRISL], pour autant qu’il existe des motifs raisonnables de penser que tel aéronef ou navire transporte des biens prohibés par la présente résolution ou les résolutions 1737 (2006) ou 1747 (2007) ».

9.

Par la résolution 1929 (2010) du 9 juin 2010, le Conseil de sécurité a introduit une série de mesures additionnelles à l’encontre d’IRISL. En particulier, les points 14 à 22 de cette résolution ont étendu les mesures de gel des avoirs qui figurent dans la résolution 1737 (2006) « aux entités de la compagnie [IRISL] qui figurent à l’annexe III et à toute personne ou entité agissant pour leur compte ou sur leurs ordres, ainsi qu’aux entités qui sont leur propriété ou sont sous leur contrôle, y compris par des moyens illicites, ou dont le Conseil ou le Comité [des sanctions des Nations unies] aura établi qu’elles les ont aidées à se soustraire aux sanctions résultant [de ses] résolutions ou à en enfreindre les dispositions» ( 7 ).

10.

Aucune des requérantes n’était visée par les mesures de gel des avoirs arrêtées par le Conseil de sécurité.

11.

Le 14 juillet 2015, les représentants de la communauté internationale sont parvenus à trouver un accord avec l’Iran sur une solution à long terme de la question de son programme de prolifération nucléaire (Plan d’action global commun, ci‑après le « PAGC »). Un des éléments du PAGC était la levée des sanctions internationales imposées à l’Iran. Le 20 juillet 2015, le Conseil de sécurité a approuvé le PAGC par la résolution 2231 (2015).

12.

Chaque résolution du Conseil de sécurité a été mise en œuvre dans l’Union européenne par l’intermédiaire de règles de droit dérivé.

Le droit de l’Union

13.

Le 17 juin 2010, afin de se conformer à la résolution 1929 (2010), le Conseil européen a adopté la « déclaration sur l’Iran» ( 8 ). Au point 4, ce dernier a invité le Conseil à adopter des mesures mettant en œuvre celles prévues dans cette résolution ainsi que des mesures d’accompagnement, en vue de contribuer à répondre, par la voie des négociations, à l’ensemble des préoccupations que continue de susciter le développement par l’Iran de son programme de prolifération nucléaire. Ces mesures devaient porter sur plusieurs secteurs essentiels de l’économie iranienne, en ce compris « le secteur iranien des transports, y compris [IRISL] et ses filiales» ( 9 ).

Inscription initiale des requérantes en 2010

14.

Par la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO 2010, L 195, p. 39), le Conseil a mis cette déclaration à exécution en adoptant des mesures restrictives supplémentaires. L’article 20, paragraphe 1, sous b), de cette décision imposait une obligation de geler les avoirs des entités « directement associées ou [qui] apportent un appui [au programme de prolifération nucléaire] de l’Iran », des « entités qui ont aidé les personnes ou les entités désignées à se soustraire aux dispositions des résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010) du Conseil de sécurité […] ou à les enfreindre », et des « entités […] de la compagnie [IRISL] et les entités qui sont leur propriété, sont sous leur contrôle ou agissent pour leur compte, telles qu’énumérées à l’annexe II ». Le nom des requérantes étaient repris dans la liste figurant à l’annexe II.

15.

L’inscription d’IRISL sur la liste reprise à l’annexe II de la décision 2010/413 était fondée sur les motifs suivants : « […] IRISL a participé au transport de marchandises de nature militaire, y compris de cargaisons interdites en provenance d’Iran. Trois incidents de ce type constituant des infractions manifestes ont été rapportés au Comité des sanctions du CNSU. Les liens de l’IRISL avec des activités présentant un risque de prolifération étaient tels que le [Conseil de sécurité] a demandé aux États d’inspecter les navires de l’IRISL, pour autant qu’il existe des motifs raisonnables permettant de penser que les navires transportent des biens interdits au titre des résolutions 1803 et 1929 du [Conseil de sécurité] ». Les autres parties requérantes ont été inscrites sur la liste, car il s’agissait de sociétés détenues ou contrôlées par IRISL ou agissant pour son compte.

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