Albert Anker, Klaas Ras and Albertus Snoek v Bundesrepublik Deutschland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2003:348
Date12 June 2003
Celex Number62002CC0047
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-47/02
EUR-Lex - 62002C0047 - FR 62002C0047

Conclusions de l'avocat général Stix-Hackl présentées le 12 juin 2003. - Albert Anker, Klaas Ras et Albertus Snoek contre Bundesrepublik Deutschland. - Demande de décision préjudicielle: Schleswig-Holsteinisches Oberverwaltungsgericht - Allemagne. - Libre circulation des travailleurs - Article 39, paragraphe 4, CE - Emplois dans l'administration publique - Capitaines de navires de pêche - Attribution de prérogatives de puissance publique à bord - Emplois réservés aux ressortissants de l'État du pavillon. - Affaire C-47/02.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-10447


Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1. Par sa demande de décision préjudicielle, le Schleswig-Holsteinisches Oberverwaltungsgericht entend pour l'essentiel savoir si l'emploi de patron (capitaine) sur des bateaux allemands affectés à la «petite navigation maritime» (Kleine Seeschifffahrt), relève des emplois dans «l'administration publique» tels que mentionnés à l'article 39, paragraphe 4, CE et si un État membre peut par conséquent réserver un tel emploi à ses propres ressortissants.

2. La présente affaire soulève des questions qui sont largement semblables à celles qui se posent dans l'affaire C-405/01 [Colegio de Oficiales de la Marina Mercante Española] qui a pour objet des emplois de capitaine et de premier officier sur des bateaux de la marine marchande espagnole. Nous présentons aujourd'hui également nos conclusions dans l'affaire précitée (2). Dans la mesure où les moyens et arguments soulevés dans les deux affaires correspondent ou que leur contenu fait l'objet de la même analyse que dans nos conclusions dans l'affaire C-405/01, précitée, nous y ferons, le cas échéant, référence.

II - Le cadre juridique

A - Le droit communautaire

3. Conformément à son paragraphe 4, l'article 39 CE qui garantit la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté «n'est pas applicable aux emplois dans l'administration publique».

B - Le droit international

4. La convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 (ci-après la «convention sur le droit de la mer») comporte, entre autres, les dispositions suivantes sur la navigation en haute mer:

«Article 91

Nationalité des navires

1. Chaque État fixe les conditions auxquelles il soumet l'attribution de sa nationalité aux navires, les conditions d'immatriculation des navires sur son territoire et les conditions requises pour qu'ils aient le droit de battre son pavillon. Les navires possèdent la nationalité de l'État dont ils sont autorisés à battre le pavillon. Il doit exister un lien substantiel entre l'État et le navire.

[...]

Article 92

Condition juridique des navires

1. Les navires naviguent sous le pavillon d'un seul État et sont soumis, sauf dans les cas exceptionnels expressément prévus par des traités internationaux ou par la convention à sa juridiction exclusive en haute mer [...]

[...]

Article 94

Obligations de l'État du pavillon

1. Tout État exerce effectivement sa juridiction et son contrôle dans les domaines administratif, technique et social sur les navires battant son pavillon.

2. En particulier tout État:

[...]

b) Exerce sa juridiction, conformément à son droit interne, sur tout navire battant son pavillon ainsi que sur le capitaine, les officiers et l'équipage pour les questions d'ordre administratif, technique et social concernant le navire.

3. Tout État prend à l'égard des navires battant son pavillon les mesures nécessaires pour assurer la sécurité en mer, [...]

[...]»

Conformément à l'article 94, paragraphe 5, de la convention sur le droit de la mer, lorsqu'il prend lesdites mesures, chaque État est tenu d'assurer le respect des règles, procédures et pratiques internationales généralement acceptées.

L'article 97 de ladite convention dispose entre autres qu'en cas d'abordage ou de tout autre incident de navigation maritime en haute mer, il ne peut être intenté d'éventuelles poursuites pénales ou disciplinaires «que devant les autorités judiciaires ou administratives soit de l'État du pavillon, soit de l'État dont l'intéressé a la nationalité». En matière disciplinaire, l'État qui a délivré un brevet de commandement ou une attestation analogue est seul compétent pour prononcer, en respectant les voies légales, le retrait de ces titres, même si le titulaire n'a pas la nationalité de cet État

C - Le droit national

1. Les dispositions relatives à l'aptitude aux fonctions de capitaine d'un bateau de pêche

a) L'article 2, paragraphe 2, de la Schiffsbesetzungsverordnung (le règlement relatif aux équipages des navires) du 26 août 1998 (BGBl. I, p. 2577), modifiée par le règlement du 29 octobre 2001 (BGBl. I, p. 2785) (ci-après la «Schiffsbesetzungsverordnung»)

5. L'article 2, paragraphe 2, de la Schiffsbesetzungsverordnung dispose:

«Indépendamment de la jauge brute, le capitaine doit être ressortissant allemand au sens du Grundgesetz (loi fondamentale) et titulaire d'un certificat d'aptitude allemand valide».

b) La Schiffsoffizier-Ausbildungsverordnung (le règlement sur la formation des officiers des navires; ci-après la «Schiffsoffizier- Ausbildungsverordnung»), du 11 février 1985 (BGBl. I, p. 323), modifiée en dernier lieu par le règlement du 29 octobre 2001 (BGBl. I, p. 2785)

6. La formation des officiers de navires, ainsi que la délivrance de certificats d'aptitude professionnelle sont régies par la Schiffsoffizier- Ausbildungsverordnung.

7. En application de l'article 21 bis, paragraphe 1, de ce règlement, les certificats d'aptitude obtenus par les ressortissants d'un autre État membre ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, dans l'un de ces États, sont, sous certaines conditions, reconnus comme équivalents aux certificats d'aptitude allemands.

8. Conformément à l'article 21 quater dudit règlement, la Wasser- und Schiffahrtdirektion Nord délivre, sur demande, une attestation de validité des qualifications reconnues comme équivalentes selon l'article 21 bis, paragraphe 1, de ce même règlement.

9. Les certificats d'aptitude reconnus comme équivalents ne donnent toutefois pas aux personnes ne possédant pas la nationalité allemande au sens du Grundgesetz le droit de commander des navires battant pavillon de la République fédérale d'Allemagne. L'article 24, paragraphe 2, du règlement dispose en effet:

«La délivrance d'attestations de compétence à des personnes qui ne sont pas ressortissants allemands au sens du Grundgesetz, mais qui satisfont aux conditions pour l'obtention d'une attestation de compétence (article 7) peut être autorisée. Le cas échéant, une attestation de compétence pour le service nautique n'autorise cependant pas le commandement de navires sous pavillon allemand. Cette indication doit être portée sur l'attestation de compétence [...]»

2. Les dispositions concernant les tâches et les compétences du capitaine

a) Les compétences en application du Seemannsgesetz (loi relative aux gens de la mer), du 26 juillet 1957 (ci-après le «Seemannsgesetz»)

10. L'article 106 du Seemannsgesetz est rédigé comme suit (extraits):

«1) Le capitaine est le supérieur de tous les membres de l'équipage (article 3) et des autres personnes travaillant à bord (article 7). Il dispose de l'autorité suprême.

2) Le capitaine doit veiller au maintien de l'ordre et de la sécurité à bord et a le droit de prendre des mesures nécessaires à cette fin dans le cadre des dispositions qui suivent et de la législation en vigueur.

3) En cas de danger direct pour les personnes ou pour le navire, le capitaine peut faire appliquer les ordres donnés pour écarter ce danger, au besoin par les moyens de coercition nécessaires; l'arrestation provisoire est licite. Les droits fondamentaux visés aux articles 2, paragraphe 2, phrases 1 et 2, ainsi que 13, paragraphes 1 et 2, du Grundgesetz peuvent être restreints. Si plusieurs moyens sont envisageables, on retiendra, dans toute la mesure du possible, celui qui porte le moins préjudice aux intéressés.

4) L'usage de la contrainte physique ou de l'arrestation provisoire n'est licite que si d'autres moyens paraissent d'emblée insuffisants ou se sont avérés tels. Ces mesures ne s'appliquent que tant que et dans la mesure où l'exige l'accomplissement des tâches du capitaine visées aux paragraphes 2 et 3.

5) S'il n'est pas en mesure de les exercer lui-même, le capitaine peut déléguer les pouvoirs visés aux paragraphes 1 à 4 au second affecté au service du pont ou au premier officier mécanicien dans le cadre de leurs fonctions [...]».

11. Aux termes de l'article 115 du Seemannsgesetz, le non-respect des ordres donnés par le capitaine est passible de sanctions pénales lorsque de tels ordres doivent servir à lutter contre les dangers menaçant des personnes, des navires ou leur cargaison, éviter des préjudices disproportionnés, empêcher des perturbations importantes pour le fonctionnement du navire, respecter les dispositions de sécurité maritime de droit public et maintenir l'ordre et la sécurité à bord.

12. L'abus de ce pouvoir est, lui aussi, passible de sanctions pénales (article 117 en relation avec l'article 115, paragraphe 4, du Seemannsgesetz).

b) Les règles applicables en matière d'état civil, conformément au règlement d'application du Personenstandsgesetz (loi sur l'état des personnes), du 12 août 1957, modifié en dernier lieu par le règlement du 17 décembre 2001 (BGBl. I, p. 3752) (ci après l'«Ausführungsverordnung»)

- Selon l'article 45, paragraphe 1, de l'Ausführungsverordnung, la naissance ou le décès d'une personne au cours d'un voyage sur un navire allemand doivent être authentifiés par un officier de l'état civil du registre de l'état civil de Berlin I. En application de l'article 45, paragraphe 2, de l'Ausführungsverordnung, la naissance ou le décès doivent être notifiés au capitaine au plus tard le lendemain. Si la personne tenue de faire la déclaration met fin...

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