Alfred Hirmann v Immofinanz AG.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:555
Docket NumberC-174/12
Celex Number62012CC0174
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date12 September 2013
62012CC0174

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 12 septembre 2013 ( 1 )

Affaire C‑174/12

Alfred Hirmann

contre

Immofinanz AG

[demande de décision préjudicielle formée par le Handelsgericht Wien (Autriche)]

«Droit des sociétés — Directive 77/91/CEE — Responsabilité d’une société anonyme — Protection de l’investisseur qui s’est fondé sur des informations inexactes — Compatibilité d’une réglementation nationale prévoyant la résolution de l’opération d’acquisition des actions»

1.

Lorsqu’un investisseur a acheté sur le marché secondaire des actions d’une société anonyme (c’est-à‑dire des actions qui ne sont pas émises dans le cadre d’une augmentation de capital de ladite société) et affirme ensuite que les informations figurant dans le prospectus, sur lesquelles il s’est appuyé pour décider de cette acquisition, n’étaient ni complètes ni véridiques, un juge peut-il ordonner à la société de résilier le contrat, l’obligeant ainsi à racheter ses propres actions et à restituer les fonds à l’investisseur, ou est-ce que le droit de l’Union s’oppose à une telle mesure? De plus, cet investisseur a-t-il droit au remboursement du prix qu’il a payé lors de l’achat des actions ou à celui de leur valeur à la date de l’introduction de sa demande?

2.

Le Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne, Autriche), qui a déféré la présente demande de décision préjudicielle, pose ses questions par rapport à la directive 77/91/CEE ( 2 ) (ci-après la «deuxième directive sur le droit des sociétés»). Cette directive a cependant été abrogée le 25 octobre 2012 pour être remplacée par un texte nouveau et refondu, la directive 2012/30 ( 3 ). Dans les présentes conclusions, je me référerai donc à la deuxième directive sur le droit des sociétés en m’exprimant au passé. Toutefois, lorsque des dispositions de la directive abrogée sont reprises quasiment telles quelles dans sa version refondue (les dispositions équivalentes feront alors l’objet d’une note en bas de page), mes propos auront, je l’espère, quelque utilité tant pour l’avenir que pour le passé.

3.

La juridiction de renvoi constate que l’article 15 de la deuxième directive sur le droit des sociétés ( 4 ) limite le droit pour une société anonyme de distribuer son capital à ses actionnaires et que son article 18 ( 5 ) interdit à une société de souscrire à ses propres actions. Le juge national demande si ces dispositions font obstacle à ce qu’une société anonyme, civilement responsable à l’égard d’un investisseur en raison d’un manquement à son obligation d’information, puisse se voir ordonner une telle mesure de réparation. La deuxième directive sur le droit des sociétés interdisait-elle une telle mesure de réparation, nécessitant d’entamer le capital souscrit et susceptible d’entraîner l’insolvabilité de la société? Enfin, est-ce que le principe d’égalité des actionnaires interdisait le prononcé d’une telle mesure?

4.

Dans sa décision de renvoi, le juge national demande également à se faire préciser l’éventuelle incidence de la directive 2003/71/CE ( 6 ), de la directive 2004/109/CE ( 7 ), de la directive 2003/6/CE ( 8 ) et de la directive 2009/101/CE ( 9 ).

Le droit de l’Union

5.

Les directives auxquelles la juridiction de renvoi se réfère relèvent en substance de deux catégories: d’une part, celles essentiellement relatives à la gouvernance des entreprises (la deuxième directive sur le droit des sociétés et la directive «garanties») et, d’autre part, celles essentiellement relatives à la protection des intérêts des associés (la directive «prospectus», la directive «obligations de transparence» et la directive «abus de marché») ( 10 ). Dans un souci de clarté, je les regrouperai ainsi dans mon exposé sur le droit de l’Union pertinent.

Les directives sur la gouvernance des entreprises

La deuxième directive sur le droit des sociétés

6.

Les deuxième et quatrième considérants de la deuxième directive sur le droit des sociétés disposaient respectivement:

«[…] pour assurer une équivalence minimale dans la protection tant des actionnaires que des créanciers de ces sociétés, il importe tout particulièrement de coordonner les dispositions nationales concernant leur constitution, ainsi que le maintien, l’augmentation et la réduction de leur capital;

[…]

[…] il y a lieu d’arrêter des prescriptions communautaires afin de préserver le capital, gage des créanciers, notamment en interdisant d’entamer celui-ci par des distributions indues aux actionnaires et en limitant la possibilité pour une société d’acquérir ses propres actions».

7.

La deuxième directive sur le droit des sociétés était applicable à toutes les sociétés anonymes énumérées en son article 1er, paragraphe 1, incluant, s’agissant de la République d’Autriche, «die Aktiengesellschaft» ( 11 ).

8.

L’article 6 ( 12 ) de la deuxième directive sur le droit des sociétés imposait aux sociétés anonymes un montant minimum de capital souscrit pour leur constitution ou l’obtention de l’autorisation de commencer leurs activités.

9.

Son article 12 ( 13 ) disposait que «les actionnaires ne peuvent pas être exemptés de l’obligation de fournir leur apport».

10.

L’article 15, paragraphe 1, de la deuxième directive sur le droit des sociétés ( 14 ) disposait:

«a)

Hors des cas de réduction du capital souscrit, aucune distribution ne peut être faite aux actionnaires lorsque, à la date de clôture du dernier exercice, l’actif net tel qu’il résulte des comptes annuels est, ou deviendrait à la suite d’une telle distribution, inférieur au montant du capital souscrit, augmenté des réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer.

[…]

c)

Le montant d’une distribution faite aux actionnaires ne peut excéder le montant des résultats du dernier exercice clos, augmenté des bénéfices reportés ainsi que des prélèvements effectués sur des réserves disponibles à cet effet et diminué des pertes reportées ainsi que des sommes portées en réserve conformément à la loi ou aux statuts.

d)

Le terme ‘distribution’, tel qu’il figure sous a) et c), englobe notamment le versement des dividendes et celui d’intérêts relatifs aux actions.»

11.

En cas de distribution faite en contravention dudit article 15, l’article 16 de la deuxième directive sur le droit des sociétés disposait que cette distribution «[devait] être restituée par les actionnaires qui l’ont reçue, si la société [prouvait] que ces actionnaires connaissaient l’irrégularité des distributions faites en leur faveur ou ne pouvaient l’ignorer compte tenu des circonstances». L’article 18, paragraphe 1, de la même directive ( 15 ) disposait que «[l]es actions d’une société ne peuvent être souscrites par celle‑ci» (les autres dispositions dudit article 18 sont sans incidence sur le présent litige).

12.

L’article 19 de la deuxième directive sur le droit des sociétés ( 16 ) permettait à une société d’acquérir ses propres actions aux conditions qu’il précisait. Celles-ci comprenaient notamment l’autorisation de l’assemblée générale, qui devait fixer les modalités des acquisitions envisagées ( 17 ), le fait que les acquisitions ne pouvaient avoir pour effet que l’actif net devienne inférieur au montant indiqué à l’article 15, paragraphe 1, sous a), de la deuxième directive sur le droit des sociétés ( 18 ), et que l’opération ne pouvait porter que sur des actions entièrement libérées ( 19 ). Les États membres pouvaient soumettre les acquisitions aux autres conditions énumérées audit article 19, paragraphe 1, i) à v).

13.

L’article 20, paragraphe 1, sous d), de la deuxième directive sur le droit des sociétés ( 20 ) permettait aux États membres de ne pas appliquer les conditions prescrites par l’article 19 de cette directive, notamment «aux actions acquises en vertu d’une obligation légale».

14.

Enfin, l’article 42 de la deuxième directive sur le droit des sociétés disposait que, pour l’application de ladite directive, «les législations des États membres garantissent un traitement égal des actionnaires qui se trouvent dans des conditions identiques».

La directive «garanties»

15.

La directive «garanties» a trait notamment aux circonstances dans lesquelles peut être prononcée la nullité d’une société ainsi qu’aux conséquences qui en découlent.

16.

L’article 12 de la directive «garanties» dispose que la législation des États membres ne peut organiser le régime des nullités des sociétés que si elle est prononcée par une décision judiciaire et ce dans les seuls cas visés au point b), i) à vi).

17.

L’article 13 de cette directive précise les conséquences de la nullité.

Les directives sur la protection des associés

La directive «prospectus»

18.

La directive «prospectus» vise l’harmonisation des exigences relatives à l’établissement, à l’approbation et à la diffusion du prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé situé ou opérant sur le territoire d’un État membre.

19.

Son considérant 10 dispose qu’elle a pour objet de «garantir la protection des investisseurs et l’efficacité des marchés».

20.

Son considérant 19 dispose que «[d]es garanties visant à protéger les intérêts des investisseurs effectifs et potentiels doivent être mises en place dans tous les États membres, pour permettre auxdits investisseurs d’évaluer ces risques en connaissance de cause et de prendre ainsi leurs décisions d’investissement en pleine connaissance de cause».

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