Azienda Agricola Disarò Antonio and Others v Cooperativa Milka 2000 Soc. coop. arl.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:120
Docket NumberC-34/08
Celex Number62008CC0034
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date03 March 2009

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme VERICA Trstenjak

présentées le 3 mars 2009 (1)

Affaire C‑34/08

Azienda Agricola Disarò Antonio e.a.

contre

Cooperativa Milka 2000 Soc. coop. arl

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale ordinario di Padova (Italie)]

«Lait et produits laitiers – Prélèvement supplémentaire sur le lait – Règlement (CE) n° 1788/2003 – Validité – Article 33, paragraphe 1, CE – Objectifs de la politique agricole commune – Article 34, paragraphe 2, deuxième alinéa, CEArticle 5, troisième alinéa, CE – Principe de proportionnalité – Fixation des quantités de référence nationales – Prise en compte du rapport entre la production et la demande de lait dans un État membre»






1. L’introduction d’un prélèvement supplémentaire sur le lait a été à l’origine de nombreux litiges tant sur le plan communautaire qu’à l’échelle des États membres (contentieux dit des «quotas laitiers» (2)). La présente demande de décision préjudicielle comprend quatre questions posées par le Tribunale ordinario di Padova (Italie, ci-après le «tribunal de renvoi») au sujet de la validité du règlement (CE) n° 1788 /2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant un prélèvement dans le secteur du lait et des produits laitiers (3). Le tribunal de renvoi a des doutes sur la compatibilité du règlement n° 1788/2003 avec les objectifs de la politique agricole commune (PAC), ainsi qu’avec les principes de non-discrimination et de proportionnalité.

2. Ces questions se posent dans le cadre d’un litige opposant des entreprises productrices de lait, qui ont la qualité de parties requérantes dans la procédure au principal (ci-après les «requérantes au principal») à la Cooperativa Milka 2000 (ci-après la «Cooperativa Milka»), partie défenderesse dans la procédure au principal.

3. Les requérantes au principal livrent leur production laitière à la Cooperativa Milka. Sur le fondement du règlement n° 1788/2003, la Cooperativa Milka réclame aux requérantes au principal le paiement du prélèvement supplémentaire sur le lait. Les requérantes au principal soutiennent que le règlement n° 1788/2003 est illégal et que, par conséquent, il ne saurait constituer un fondement juridique valable pour la perception du prélèvement supplémentaire.

I – Cadre juridique

4. En vertu de l’article 5, troisième alinéa, CE, l’action de la Communauté n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du traité CE.

5. Aux termes de l’article 33, paragraphe 1, CE, la PAC a pour but:

«a) d’accroître la productivité de l’agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu’un emploi optimal des facteurs de production, notamment de la main-d’œuvre;

b) d’assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture;

c) de stabiliser les marchés;

d) de garantir la sécurité des approvisionnements;

e) d’assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs.»

6. L’article 34, paragraphe 1, CE prévoit que, en vue d’atteindre les objectifs prévus à l’article 33 CE, il est établi une organisation commune des marchés agricoles qui, suivant les produits, peut prendre l’une des formes suivantes:

«a) des règles communes en matière de concurrence;

b) une coordination obligatoire des diverses organisations nationales de marché;

c) une organisation européenne du marché.»

7. Selon l’article 34, paragraphe 2, CE, l’organisation commune sous une des formes prévues au paragraphe 1 peut comporter toutes les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs définis à l’article 33 CE, notamment des réglementations des prix, des subventions tant à la production qu’à la commercialisation des différents produits, des systèmes de stockage et de report, des mécanismes communs de stabilisation à l’importation ou à l’exportation. L’organisation commune doit se limiter à poursuivre les objectifs énoncés à l’article 33 CE et doit exclure toute discrimination entre producteurs ou consommateurs de la Communauté.

II – L’organisation commune des marchés dans le secteur du lait et le prélèvement supplémentaire

8. Le lait fait l’objet d’une organisation commune de marché depuis 1964. Depuis les années 70, la production de lait est excédentaire par rapport à la demande. Les progrès accomplis en matière de productivité sont une des causes de cette évolution, mais celle-ci est également imputable au système mis en place par l’organisation commune de marché, qui reposait sur des mécanismes de soutien grâce auxquels les producteurs laitiers étaient assurés de pouvoir vendre leur lait ou leurs produits laitiers à un prix déterminé. Ce dispositif a incité les producteurs laitiers à ne plus produire en fonction de la demande réelle, mais essentiellement en fonction de la possibilité d’écouler leur lait à des prix de soutien. Cela a entraîné l’apparition d’importantes surcapacités structurelles sur le marché laitier; l’offre s’est mise à dépasser la demande de manière significative (4). Différentes mesures prises par le législateur communautaire (5) dans l’espoir de stabiliser le marché n’ont pas produit l’effet recherché.

9. Les mesures de soutien des prix du lait sont financées par le budget communautaire. Comme le prix du marché était, pour le lait, nettement inférieur au prix de soutien, la surproduction a fini par grever lourdement le budget communautaire. Le législateur communautaire a estimé que cette charge financière était susceptible de compromettre l’avenir de la PAC. Il a envisagé deux mesures pour résoudre ce problème. L’une d’entre elles consistait à baisser le prix de soutien, l’autre, à introduire des quotas afin de contrôler la production. En adoptant le règlement (CEE) n° 856/84 du Conseil, du 31 mars 1984, instituant un prélèvement supplémentaire sur le lait afin de rétablir l’équilibre du marché (6), le législateur communautaire a tranché en faveur de la solution des quotas.

A – Le prélèvement supplémentaire

10. En application du règlement n° 856/84, des quantités de référence individuelles et nationales ont été fixées, ainsi qu’une quantité globale de lait garantie pour la Communauté. Les quantités de référence nationales correspondaient à la production laitière d’un État membre au cours d’une année de référence déterminée (au choix, 1981, 1982 ou 1983). Dans le cas de l’Italie, l’année 1983 a été retenue comme année de référence, car les chiffres de 1981 et de 1982 étaient désavantageux. Les quantités de référence nationales ont été révisées au fil des ans. Les quantités de référence individuelles correspondaient en principe (7) à la quantité de lait produite par les producteurs au cours de l’année de référence, ou achetée par les acheteurs de lait au cours de l’année de référence. La quantité globale garantie pour la Communauté se composait, fondamentalement, des quantités produites dans les différents États membres (8).

11. Un prélèvement supplémentaire était perçu en cas de dépassement de la quantité de référence individuelle. Du fait de ce prélèvement supplémentaire, il n’était plus rentable, pour le producteur de lait concerné, de produire du lait au-delà de la quantité de référence fixée pour son exploitation.

12. Ce prélèvement supplémentaire avait initialement été instauré pour une durée de cinq ans seulement par le règlement n° 856/84. Il a toutefois été renouvelé d’abord par le règlement (CEE) n° 3950/92 du Conseil, du 28 décembre 1992, établissant un prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers (9), puis par le règlement n° 1788/2003, en vigueur depuis le 1er avril 2004 (10). Les dispositions relatives au prélèvement supplémentaire font partie du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement OCM unique) (11), entré en vigueur le 1er janvier 2008 (12).

B – Le règlement n° 1788/2003

13. En application de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 1788/2003, des quantités de référence nationales annuelles sont fixées pour chaque État membre. Celles-ci sont consignées à l’annexe I dudit règlement. En vertu de l’article 1er, paragraphe 3, du règlement n° 1788/2003, les quantités de référence nationales fixées à l’annexe I du même règlement peuvent être révisées en fonction de la situation générale du marché et des conditions particulières existant dans certains États membres.

14. En application des dispositions combinées des articles 1er, paragraphe 2, et 6 du règlement n° 1788/2003, les producteurs laitiers se voient attribuer des quantités de référence individuelles dont le total n’excède pas la quantité de référence nationale. Si la quantité de référence nationale est dépassée, l’État membre concerné doit, en application de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1788/2003, verser à la Communauté un prélèvement supplémentaire dont le montant dépend de l’ampleur de ce dépassement. Conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1788/2003, ce prélèvement est alors entièrement réparti entre les producteurs qui ont contribué à chacun des dépassements des quantités de référence nationales. En application de l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 1788/2003, c’est le premier acheteur qui, dans ce cadre, est responsable de la collecte, auprès des producteurs, des contributions dues par ceux-ci au titre du prélèvement.

15. Selon l’article 22 du règlement n° 1788/2003, le prélèvement supplémentaire est considéré comme faisant partie des interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles.

III – Antécédents du litige, procédure au principal et questions préjudicielles

16. Lors des campagnes laitières de 1995/1996 à 2003/2004 et lors des campagnes suivantes, les requérantes au principal ont...

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