SA CNL-SUCAL NV v HAG GF AG.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1990:112
Docket NumberC-10/89
Celex Number61989CC0010
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date13 March 1990
EUR-Lex - 61989C0010 - FR 61989C0010

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 13 mars 1990. - SA CNL-SUCAL NV contre HAG GF AG. - Demande de décision préjudicielle: Bundesgerichtshof - Allemagne. - Libre circulation des marchandises - Droit de marque. - Affaire C-10/89.

Recueil de jurisprudence 1990 page I-03711
édition spéciale suédoise page 00521
édition spéciale finnoise page 00543


Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

I - Le contexte de l' affaire

1 . La présente affaire a été portée devant la Cour par la voie d' une demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof ( Cour fédérale de justice allemande ). Elle a principalement pour objet la relation entre le principe de la libre circulation des marchandises posé aux articles 30 à 34 du traité CEE et l' exception à ce principe prévue à l' article 36 dudit traité pour les restrictions "justifiées par des raisons de ... protection de la propriété industrielle et commerciale ". Cette affaire constitue la suite de l' affaire 192/73, Van Zuylen/HAG ( Rec . 1974, p . 731 ). Celle-ci et la présente affaire seront inévitablement connues sous les noms de HAG I et HAG II . Ces expressions étant commodes, nous aurons nous-même recours à elles .

2 . La partie demanderesse au principal, HAG GF AG ( ci-après "HAG Brême "), est une société allemande ayant son siège à Brême . Elle a été fondée en 1906 et, ayant inventé la première un procédé permettant de décaféiner le café, elle a depuis longtemps pour activité principale la fabrication et la vente d' un tel café . En 1907, elle a déposé à son nom la marque "HAG" en Allemagne . L' année suivante, la même marque a été enregistrée à son nom en Belgique et au Luxembourg . En 1927, elle a créé en Belgique, sous le nom de "Café HAG SA", une filiale placée sous son contrôle et lui appartenant entièrement . En 1935, elle a cédé à cette filiale ses marques belge et luxembourgeoise . En 1944, le patrimoine de la filiale dans son ensemble, y compris les marques déposées en Belgique et au Luxembourg, a été mis sous séquestre comme bien ennemi . La société a été vendue en totalité à la famille Van Oevelen . En 1971, ces marques, converties entre-temps en marques Benelux, ont été cédées à la société Van Zuylen Frères, ayant son siège à Liège .

3 . Lorsque HAG Brême a commencé, en 1972, à exporter du café vers le Luxembourg sous la marque "Kaffee HAG", Van Zuylen Frères a introduit une action en contrefaçon devant un tribunal luxembourgeois . Cette action a été à l' origine de la décision préjudicielle rendue dans l' affaire HAG I, dans laquelle la Cour a dit pour droit que :

"Le fait d' interdire la commercialisation, dans un État membre, d' un produit portant légalement une marque dans un autre État membre, au seul motif qu' une marque identique, ayant la même origine, existe dans le premier État, est incompatible avec les dispositions prévoyant la libre circulation des marchandises à l' intérieur du marché commun ."

4 . Les implications de cette décision paraissent claires . Elle était rédigée en des termes suffisamment larges pour laisser penser que, si Van Zuylen ne pouvait pas se prévaloir de sa marque Benelux pour empêcher HAG Brême de vendre du café sous cette marque au Luxembourg ( et aussi en Belgique ), HAG Brême ne pouvait pas non plus se fonder sur sa marque allemande pour empêcher Van Zuylen d' approvisionner le marché allemand sous cette même marque . Toutefois, Van Zuylen n' a pas tenté de le faire . Pendant la décennie suivante, HAG Brême a continué d' avoir l' usage exclusif de la marque HAG en Allemagne .

5 . En 1979, l' entreprise Van Zuylen Frères a été rachetée par une société suisse aujourd' hui dénommée Jacobs Suchard AG, leader sur le marché du café en Allemagne . Selon les observations déposées par HAG Brême, Jacobs Suchard AG s' est séparée de la totalité des activités de Van Zuylen dans le domaine du café, en ne conservant de l' entreprise que l' entité juridique et les marques HAG . L' entreprise a été transformée en une filiale à part entière de Jacobs Suchard AG, sous le nom de SA CNL-SUCAL NV ( ci-après "HAG Belgique ").

6 . En 1985, HAG Belgique a commencé à écouler du café décaféiné sous la marque HAG sur le marché allemand . HAG Brême, qui soutient que "Kaffee HAG" a acquis en Allemagne le statut d' une marque notoire et que son produit, grâce à un nouveau procédé de fabrication, est de meilleure qualité que le café commercialisé par HAG Belgique, a demandé au tribunal allemand compétent d' interdire, par voie d' ordonnance, à HAG Belgique d' enfreindre son droit de marque . Il a été fait droit à sa demande devant le Landgericht de Hambourg et, en appel, devant le Hanseatisches Oberlandesgericht . HAG Belgique s' est pourvue devant le Bundesgerichtshof, lequel a saisi la Cour de justice, conformément à l' article 177, troisième alinéa, du traité CEE, d' une demande de décision préjudicielle portant sur les questions suivantes :

"1 ) Le fait pour une entreprise établie dans un État membre A de s' opposer, en invoquant les droits au nom commercial et à la marque dont elle est titulaire dans ce pays, à l' importation par une entreprise établie dans un État membre B de produits similaires lorsque ces produits ont été légalement revêtus dans l' État membre B d' une dénomination qui

a ) est susceptible d' être confondue avec le nom commercial et la marque, qui font l' objet dans l' État A d' une protection au bénéfice de l' entreprise qui y est établie et,

b ) à l' origine, a également appartenu dans l' État B - dans un ordre chronologiquement postérieur à celui de la dénomination protégée dans l' État A - à l' entreprise établie dans l' État A, avant d' être cédée par celle-ci à une filiale faisant partie du même groupe de sociétés créée dans l' État B et,

c ) à la suite de l' expropriation de cette filiale établie dans l' État B, a été cédée par cet État en tant qu' élément du patrimoine de la filiale mise sous séquestre et en même temps que celui-ci à un tiers qui, à son tour, a vendu la marque au prédécesseur juridique de l' entreprise qui importe maintenant dans l' État A les produits revêtus de cette dénomination

est-il compatible - compte tenu également de l' article 222 du traité CEE - avec les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises ( articles 30, 36 du traité CEE )?

2 ) Dans l' hypothèse où il serait répondu négativement à la question 1

Doit-il être répondu différemment à la question précédente, lorsque la dénomination protégée dans l' État A y est devenue une marque 'célèbre' et que, en raison de la notoriété exceptionnelle qu' elle a acquise, on doit s' attendre, au cas où une entreprise tierce utiliserait la même dénomination, à ce que l' information des consommateurs au sujet de l' entreprise dont provient le produit ne puisse être assurée sans porter atteinte à la libre circulation des marchandises?

3 ) Dans l' hypothèse également ( de manière alternative ) où il serait répondu négativement à la question 1

La même réponse vaut-elle pour le cas où, dans l' État A, les consommateurs se font de la dénomination qui y est protégée certaines idées en ce qui concerne non seulement l' origine de fabrication, mais également les caractéristiques, notamment de qualité, des produits sur lesquels elle est apposée et où les produits importés de l' État B sous la même dénomination ne correspondent pas à cette attente?

4 ) Dans l' hypothèse où il serait répondu négativement aux trois questions précédentes

La réponse se trouverait-elle modifiée du fait que les conditions séparément énoncées aux questions 2 et 3 se trouveraient remplies cumulativement?"

La question 1

II - Les principaux problèmes soulevés par cette question

7 . Si l' on aborde la question 1 à la lumière de l' arrêt de la Cour dans l' affaire HAG I, on peut dire qu' elle soulève deux points très importants . En premier lieu, cette affaire pose de façon directe la question du bien-fondé de la théorie dite de l' "identité d' origine" formulée par la Cour dans l' affaire HAG I; et, bien que les situations auxquelles cette théorie s' applique devraient être rares, de telle sorte que les implications de son maintien ou de son abandon sont relativement limitées, la possibilité d' un renversement direct de la jurisprudence antérieure est une question fondamentale . En second lieu, la question a des implications allant au-delà de la théorie de l' identité d' origine, qui sont susceptibles d' affecter des catégories de marques beaucoup plus larges . Pour des raisons compréhensibles, certains de ces points fondamentaux ne sont pas traités en profondeur par les parties . HAG Brême, ayant obtenu gain de cause dans l' affaire HAG I, ne souhaite pas que l' on revienne sur cette décision; elle entend seulement en restreindre la portée . HAG Belgique, pour sa part, considère qu' il y a lieu de confirmer cette décision et d' appliquer ladite théorie en l' espèce . Par conséquent, les parties n' abordent ni l' une ni l' autre les questions fondamentales qui permettront de savoir si le principe posé dans l' affaire HAG I est valide . Ces questions n' ont pas non plus été complètement traitées par les autres parties à la procédure . Avant de tenter de les résoudre, nous examinerons d' abord les dispositions visées du traité, puis les principales règles qui découlent de la jurisprudence de la Cour dans le domaine de la propriété intellectuelle .

III - Les dispositions visées du traité et de la législation communautaire

8 . L' article 30 du traité dispose que :

"Les restrictions quantitatives à l' importation, ainsi que toutes mesures d' effet équivalent, sont interdites entre les États membres, sans préjudice des dispositions ci-après ."

Pour le domaine considéré, l' article 36 du traité prévoit ce qui suit :

"Les dispositions des articles 30 à 34 inclus ne font pas...

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