Kingdom of the Netherlands v European Parliament and Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2001:329
CourtCourt of Justice (European Union)
Date14 June 2001
Docket NumberC-377/98
Celex Number61998CC0377
Procedure TypeRecurso de anulación - infundado
EUR-Lex - 61998C0377 - FR 61998C0377

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 14 juin 2001. - Royaume des Pays-Bas contre Parlement européen et Conseil de l'Union européenne. - Annulation - Directive 98/44/CE - Protection juridique des inventions biotechnologiques - Base juridique - Article 100 A du traité CE (devenu, après modification, article 95 CE), article 235 du traité CE (devenu article 308 CE) ou articles 130 et 130 F du traité CE (devenus articles 157 CE et 163 CE) - Subsidiarité - Sécurité juridique - Obligations de droit international des Etats membres - Droits fondamentaux - Dignité de la personne humaine - Principe de collégialité pour les projets législatifs de la Commission. - Affaire C-377/98.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-07079


Conclusions de l'avocat général

1. En l'espèce, le royaume des Pays-Bas a formé un recours au titre de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE) tendant à l'annulation de la directive 98/44/CE, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques .

La directive

2. Le chapitre I (articles 1er à 7) de la directive est intitulé «Brevetabilité».

3. La directive impose aux États membres de protéger les inventions biotechnologiques au moyen de leur droit national des brevets . Malgré l'absence de définition des «inventions biotechnologiques», il est clair que cette notion couvre essentiellement les inventions portant sur «un produit composé de matière biologique ou en contenant, ou sur un procédé permettant de produire, de traiter ou d'utiliser de la matière biologique» ou celles qui ont pour objet «un procédé microbiologique, ou d'autres procédés techniques, ou un produit obtenu par ces procédés» . Par «procédé microbiologique», on entend «tout procédé utilisant une matière microbiologique, comportant une intervention sur une matière microbiologique ou produisant une matière microbiologique» . Par «matière microbiologique», on entend «une matière contenant des informations génétiques et qui est autoreproductible ou reproductible dans un système biologique» . Une matière microbiologique isolée de son environnement naturel ou produite à l'aide d'un procédé technique peut être l'objet d'une invention, même lorsqu'elle préexistait à l'état naturel ; de même, un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, y compris la séquence ou la séquence partielle d'un gène, peut constituer une invention brevetable, même si la structure de cet élément est identique à celle d'un élément naturel .

4. La directive prévoit que ne sont pas brevetables: i) les variétés végétales et les races animales ; ii) les procédés essentiellement biologiques pour l'obtention de végétaux ou d'animaux ; iii) le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d'un de ses éléments, y compris la séquence ou la séquence partielle d'un gène ; et iv) les inventions dont l'exploitation commerciale serait contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs , comme: a) les procédés de clonage des êtres humains; b) les procédés de modification de l'identité génétique germinale de l'être humain; c) les utilisations d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales, et d) les procédés de modification de l'identité génétique des animaux de nature à provoquer chez eux des souffrances sans utilité médicale substantielle pour l'homme ou l'animal, ainsi que les animaux issus de tels procédés .

5. Le chapitre II de la directive (articles 8 à 11) concerne l'étendue de la protection conférée par un brevet. Le chapitre III (article 12) se rapporte à l'octroi obligatoire de licences réciproques . Le chapitre IV (articles 13 et 14) concerne le dépôt d'une matière biologique, l'accès à une telle matière et le nouveau dépôt. Son chapitre V (articles 15 à 18) contient les dispositions finales. Il sera ci-après fait référence aux dispositions de ces chapitres lorsqu'il conviendra.

6. La directive a connu une genèse relativement longue, bien que la version finalement adoptée ait parcouru le processus législatif à une vitesse impressionnante.

7. C'est en 1988 que la Commission a présenté sa première proposition de directive du Conseil concernant la protection juridique des inventions biotechnologiques . Cette proposition était fondée sur l'idée que «l'objet d'une invention ne sera pas exclu de la brevetabilité au seul motif qu'il se compose de matière vivante» . Elle est finalement demeurée sans suite, principalement en raison de l'opposition du Parlement à un acte qui n'énoncerait pas les principes éthiques fondamentaux régissant l'octroi de brevets en ce qui concerne la matière animée.

8. En 1996, la Commission a présenté une nouvelle proposition . Après l'intégration d'amendements substantiels proposés par le Parlement, elle fut adoptée le 6 juillet 1998. Le royaume des Pays-Bas a voté contre cette directive; la République italienne et le royaume de Belgique se sont abstenus. Elle devait être transposée au plus tard le 30 juillet 2000 .

9. Le préambule de la directive telle qu'adoptée comporte 56 considérants pour 18 articles seulement, qui ne contiennent pas tous des dispositions de fond. Beaucoup des considérants sont manifestement destinés à répondre à des objections soulevées par le Parlement, tant à l'égard de la proposition de 1996 que de celle de 1988. Tous ne sont pas répercutés dans les articles de la directive. Les considérants et les dispositions de fond de la directive sont analysés plus en détail ci-après, dans le cadre des diverses branches des moyens présentés par le royaume des Pays-Bas.

Le recours en annulation

10. Le royaume des Pays-Bas a mis en cause la validité de la directive. Il ressort clairement de sa requête que son objection porte essentiellement sur l'idée que les végétaux, les animaux et des parties du corps humain puissent faire l'objet de brevets. Il estime que le droit d'obtenir un brevet dans le domaine de la biotechnologie devrait être limité au procédé biotechnologique et non pas s'étendre aux produits qui en dérivent: en d'autres termes, ni les végétaux et les animaux en tant que tels, y compris les végétaux et animaux génétiquement modifiés, ni la matière biologique humaine ne devraient être brevetables.

11. Les moyens d'annulation de la directive sont tirés de ce que celle-ci i) serait erronément fondée sur l'article 100 A du traité CE (devenu, après modification, article 95 CE); ii) serait contraire au principe de subsidiarité; iii) violerait le principe de sécurité juridique; iv) serait incompatible avec certaines obligations internationales; v) violerait les droits fondamentaux, et vi) n'aurait pas été régulièrement adoptée, car la version définitive de la proposition présentée au Parlement et au Conseil n'a pas fait l'objet d'une décision du collège des commissaires.

12. Comme nous le verrons, certains des moyens précités concernent l'interprétation et l'effet de la directive dans des domaines techniques: ainsi, par exemple, la deuxième branche du troisième moyen pose la question de la portée de l'exclusion de la brevetabilité des variétés végétales et races animales. D'autres moyens soulèvent des questions substantielles de portée plus large, telle la compatibilité de la directive avec les droits fondamentaux et avec d'autres obligations internationales. Enfin, les premier, deuxième et sixième moyens concernent des points plus formels tenant à l'adoption de la directive. Toutefois, même ces moyens-là soulèvent d'importantes questions de principe: l'un des arguments avancés dans le cadre de l'adéquation de la base juridique, par exemple, pose la question de savoir si la directive, en prévoyant un «brevet sur la vie», crée un nouveau droit de propriété intellectuelle. Nous proposons de traiter les moyens d'annulation dans l'ordre dans lequel le royaume des Pays-Bas les a présentés dans sa requête, bien que d'autres approches soient également envisageables.

13. Le royaume des Pays-Bas est soutenu par la République italienne (dont le mémoire en intervention se concentre sur les premier et troisième moyens d'annulation) et par le royaume de Norvège (dont l'intervention se concentre sur les premier, troisième et quatrième moyens). Le Parlement et le Conseil sont soutenus par la Commission (dont l'intervention est limitée au sixième moyen).

14. Il convient à ce stade de mentionner deux points de procédure.

15. En premier lieu, le 6 juillet 2000, le royaume des Pays-Bas a déposé une demande de mesures provisoires tendant principalement à faire suspendre la mise en oeuvre de la directive jusqu'à ce que la Cour ait statué sur le recours en annulation. Le Parlement européen et le Conseil ont présenté leurs observations sur la demande de mesures provisoires. Une audience s'est tenue le 18 juillet 2000, à laquelle ont comparu le royaume des Pays-Bas, le Parlement et le Conseil ainsi que la République italienne et la Commission, lesquelles avaient toutes deux été autorisées à intervenir. La demande de mesures provisoires a été rejetée par ordonnance du président de la Cour du 25 juillet 2000.

16. En second lieu, le Conseil et le Parlement font valoir à titre préalable que le mémoire en intervention du royaume de Norvège est irrecevable. L'article 37 du statut CE de la Cour de justice impose qu'une demande d'intervention d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen (ci-après l'«accord EEE») soit limitée au soutien des conclusions de l'une des parties. L'article 93, paragraphe 5, sous a), du règlement de procédure de la Cour exige de même que le mémoire en intervention contienne les conclusions de l'intervenant tendant au soutien ou au rejet, total ou partiel, des conclusions d'une des parties. En l'espèce, le royaume des Pays-Bas demande l'annulation de la directive. Dans l'introduction de son mémoire en intervention, le royaume de Norvège déclare...

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