Pirkko Marjatta Turpeinen.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:332
Docket NumberC-520/04
Celex Number62004CC0520
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date18 May 2006

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PHILIPPE LÉger

présentées le 18 mai 2006 (1)

Affaire C‑520/04

Pirkko Marjatta Turpeinen

[demande de décision préjudicielle formée par le Korkein hallinto‑oikeus (Finlande)]

«Libre circulation des personnes – Impôt sur le revenu – Pension de retraite – Discrimination entre contribuables résidents et contribuables non‑résidents»





1. La présente procédure préjudicielle a pour objet d’apprécier la compatibilité avec le droit communautaire d’une réglementation fiscale nationale en vertu de laquelle la pension de retraite versée par un État membre à un contribuable qui réside dans un autre État membre fait l’objet d’une imposition qui, dans certains cas, s’avère plus élevée que celle qui serait due si ce contribuable résidait dans l’État débiteur de cette pension.

2. Cette procédure a pour origine le litige qui oppose une ressortissante finlandaise, qui a décidé de résider en Espagne après avoir fait valoir ses droits à la retraite, à l’administration fiscale finlandaise à propos du taux d’imposition de sa pension de retraite.

3. Le Korkein hallinto‑oikeus (Cour administrative suprême de Finlande) demande si la législation en cause est compatible avec l’article 18 CE ou avec l’article 39 CE, ou encore avec la directive 90/365/CEE du Conseil (2).

I – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

4. La liberté de circulation des personnes prévue par le traité CE a été limitée initialement aux déplacements dans un autre État membre qui avaient pour finalité l’exercice d’une activité économique.

5. L’article 39 CE, qui prévoit, à son paragraphe 1, la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, dispose, à son paragraphe 3, sous c) et d), que ce droit de circulation comporte, respectivement, le droit de séjourner dans un des États membres afin d’y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux et celui de demeurer, dans les conditions énoncées par des règlements d’application, sur le territoire d’un État membre après y avoir accompli un emploi.

6. La directive 90/365 a étendu ce droit de séjour aux personnes ayant cessé leur activité professionnelle. L’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive énonce que les États membres accordent le droit de séjour à tout ressortissant d’un État membre qui a exercé dans la Communauté une activité en tant que travailleur salarié ou non salarié, ainsi qu’aux membres de sa famille. Ainsi qu’il est indiqué au troisième considérant de ladite directive, ce droit de séjour devrait être accordé également aux personnes qui n’ont pas exercé leur droit de circulation pendant leur vie professionnelle.

7. L’article 1er de la directive 90/365 soumet toutefois l’exercice dudit droit à la condition que son titulaire dispose de ressources suffisantes. Il prévoit ainsi à son paragraphe 1, premier alinéa, que ce dernier doit bénéficier d’une pension d’invalidité, de préretraite ou de vieillesse, ou d’une rente d’accident de travail ou de maladie professionnelle de niveau suffisant afin qu’il ne devienne pas, pendant son séjour, une charge pour l’assistance sociale de l’État membre d’accueil, et à condition qu’il dispose d’une assurance maladie couvrant l’ensemble des risques dans l’État membre d’accueil (3).

8. Aux termes de l’article 2 de cette directive, le droit de séjour est constaté par la délivrance d’un document dénommé «carte de séjour», dont la durée de validité est définie à cette même disposition.

9. Le traité UE, signé à Maastricht le 7 février 1992 et entré en vigueur le 1er novembre 1993, a créé la notion de «citoyenneté de l’Union». Aux termes de l’article 17, paragraphe 1, CE, est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre.

10. L’article 18, paragraphe 1, CE confère à tout citoyen de l’Union le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire de n’importe quel État membre, sous réserve des limitations et des conditions prévues par le traité CE et par les dispositions prises pour son application.

B – Le droit national

1. La législation relative à l’imposition des revenus

11. En vertu de la loi fiscale finlandaise applicable à l’époque des faits, une personne domiciliée pendant l’année fiscale en Finlande est un contribuable «pleinement assujetti», c’est-à-dire qu’elle est imposée dans cet État sur l’ensemble de ses revenus. En revanche, un contribuable qui, pendant l’année fiscale, n’est pas domicilié en Finlande n’est que «partiellement assujetti» dans cet État, ce qui signifie qu’il ne peut y être imposé que sur les revenus qu’il a perçus dans ledit État.

12. Selon cette même loi, un ressortissant finlandais est considéré comme résidant en Finlande, même s’il n’y séjourne pas de manière continue pendant une durée supérieure à six mois, jusqu’à ce que trois ans se soient écoulés à partir de la fin de l’année au cours de laquelle il a quitté le pays.

13. Le contribuable partiellement assujetti est soumis en Finlande à l’impôt sur le revenu et sur la fortune, sauf disposition contraire dans une convention bilatérale ou internationale liant cet État membre. En l’absence d’une telle disposition, les impôts dus par un contribuable partiellement assujetti au titre de ses revenus salariaux imposables, qui comprennent notamment les pensions de retraite, sont perçus par le biais d’une retenue à la source qui s’élève à 35 % du montant de ces revenus.

14. En revanche, l’imposition due par un contribuable pleinement assujetti est calculée en fonction d’un barème progressif qui prévoit, d’une part, l’application d’un impôt minimal pour chaque tranche et, d’autre part, celle d’un pourcentage croissant pour la partie du revenu qui dépasse la limite inférieure de la tranche d’imposition.

15. Dans le cadre de la présente procédure, le gouvernement finlandais a exposé que cette législation avait été modifiée et que, à compter du 1er janvier 2006, les contribuables partiellement assujettis percevant une pension de retraite de la part de la République de Finlande sont imposés dans cet État au titre de cette pension de la même manière que les contribuables pleinement assujettis, avec application du barème progressif et des abattements personnels et familiaux.

2. La convention préventive de double imposition conclue avec le Royaume d’Espagne

16. Conformément à la convention préventive de double imposition passée entre le Royaume d’Espagne et la République de Finlande, les rémunérations, pensions comprises, qui sont payées par l’un des États contractants ou l’une de ses collectivités ou communautés de droit public, par un organisme autonome ou par une personne morale de droit public, soit directement, soit par prélèvement sur des fonds qu’ils ont constitués, à une personne physique au titre de services rendus à cet État, collectivité, communauté, organisme ou personne morale ne sont imposables que dans cet État.

II – Le cadre factuel et le renvoi préjudiciel

17. Mme Turpeinen est une ressortissante finlandaise qui a travaillé en Finlande en tant que psychiatre pour enfants dans le service public. Après avoir pris sa retraite en septembre 1998, elle a décidé de séjourner dans un autre État membre, d’abord en Belgique puis, à compter de 1999, en Espagne.

18. Mme Turpeinen perçoit comme seuls revenus sa pension de retraite versée par le Kuntien Eläkevakuutus (assurance vieillesse des communes). Conformément à la convention préventive de double imposition conclue avec le Royaume d’Espagne, cette pension n’est imposable qu’en Finlande.

19. Au cours des années 1999 à 2001, Mme Turpeinen a été imposée par le centre des impôts d’Uudenmaa au titre de cette pension au taux de 28,5 %, conformément au régime d’imposition progressif applicable aux contribuables pleinement assujettis.

20. En revanche, en ce qui concerne l’imposition due pour l’année 2002, ce même centre a estimé que Mme Turpeinen devait être considérée comme un contribuable partiellement assujetti, puisque celle‑ci avait quitté le territoire national depuis plus de trois ans. Il a donc appliqué à la pension de retraite de l’intéressée une retenue à la source de 35 %. Mme Turpeinen a ainsi supporté un impôt de 10 113,77 euros alors que, si elle avait été imposée comme un contribuable pleinement assujetti en Finlande, elle aurait acquitté 8 173,09 euros d’impôts, outre 549,03 euros à titre de cotisations d’assurance maladie.

21. Par décision du 3 juillet 2002, le centre des impôts d’Uudenmaa a rejeté la réclamation de Mme Turpeinen visant à ce que l’imposition de sa retraite pour l’année fiscale 2002 soit calculée comme elle l’avait été pour les trois années antérieures.

22. Le hallinto‑oikeus (tribunal administratif) a rejeté le recours formé par Mme Turpeinen à l’encontre de cette décision. L’intéressée a contesté la décision du hallinto‑oikeus devant le Korkein hallinto‑oikeus.

23. Cette dernière juridiction a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel.

24. Dans sa décision de renvoi, elle a exposé éprouver des doutes sur les effets du droit communautaire en l’espèce parce que, à sa connaissance, les arrêts rendus par la Cour en matière de fiscalité directe n’ont pas concerné des personnes retraitées, mais uniquement des travailleurs salariés ou non salariés, des prestataires de services ou des étudiants (4). Elle indique également que la Commission des Communautés européennes, dans une mise en demeure adressée au gouvernement finlandais en 2001, a indiqué que la retenue à la source de 35 % risquait d’être contraire à l’article 39 CE et, s’agissant d’un contribuable retraité, à la directive 90/365.

25. Le Korkein hallinto‑oikeus a donc décidé de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Faut-il interpréter l’article 18 CE relatif au droit du citoyen de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des...

To continue reading

Request your trial
12 cases
  • Georgios Alevizos v Ypourgos Oikonomikon.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 26 April 2007
    ...las sentencias de 26 de noviembre de 2002, Oteiza Olazabal, C‑100/01, Rec. p. I‑10981, apartado 26, y de 9 de noviembre de 2006, Turpeinen, C‑520/04, Rec. p. I‑0000, apartado 13). En estas circunstancias, resulta necesario verificar, con carácter preliminar, si el asunto principal puede que......
  • F. Gielen v Staatssecretaris van Financiën.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 27 October 2009
    ...11 – Arrêts Schumacker, précité (point 31); du 12 mai 1998, Gilly (C‑336/96, Rec. p. I‑2793, point 49), et du 9 novembre 2006, Turpeinen (C‑520/04, Rec. p. I‑10685, point 26). 12 – Arrêts Schumacker, précité (points 31 et 32); du 14 septembre 1999, Gschwind (C‑391/97, Rec. p. I‑5451, point ......
  • Georgios Alevizos v Ypourgos Oikonomikon.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 25 January 2007
    ...notamment, arrêts du 26 novembre 2002, Oteiza Olazabal (C‑100/01, Rec. p. I‑10981, point 26), ainsi que du 9 novembre 2006, Turpeinen, (C‑520/04, non encore publié au Recueil, points 13 à 17). 67 – La Cour analyse également cette disposition dans l’arrêt Weigel (précité à la note 33, points......
  • Government of Communauté française and Gouvernement wallon v Gouvernement flamand.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 28 June 2007
    ...la nota 40, apartado 33; de 17 de marzo de 2005, Kranemann (C‑109/04, Rec. p. I‑2421), apartado 25, y de 9 de noviembre de 2006, Turpeinen (C‑520/04, Rec. p. I‑10685), apartado 14. 45 – Véanse las sentencias de 7 de marzo de 1991, Masgio (C‑10/90, Rec. p. I‑1119), apartados 18 y 19; Terhoev......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT