Irène Bogiatzi, married name Ventouras v Deutscher Luftpool and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:400
Docket NumberC-301/08
Celex Number62008CC0301
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date25 June 2009

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÁN Mazák

présentées le 25 juin 2009 (1)

Affaire C‑301/08

Irène Bogiatzi, épouse Ventouras,

contre

Deutscher Luftpool,

Société Luxair, société luxembourgeoise de navigation aérienne SA,

Communautés européennes,

État du Grand-Duché de Luxembourg,

Foyer Assurances SA

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation (Luxembourg)]

«Règlement nº 2027/97 – Article 29 de la convention de Varsovie – Responsabilité d’un transporteur aérien de la Communauté pour un préjudice subi par un passager à la suite d’un accident – Délai pour l’introduction d’une action en indemnisation du préjudice subi – Convention internationale conclue par les États membres – Compétence de la Cour de justice pour interpréter, en vertu de l’article 234 CE, l’article 29 de la convention de Varsovie – Incidence d’un règlement communautaire sur une convention internationale – Article 307 CE»





I – Introduction

1. Par un arrêt du 26 juin 2008, reçu par le greffe le 7 juillet 2008, la Cour de cassation (Luxembourg) a, en application de l’article 234 CE, saisi la Cour de justice à titre préjudiciel d’un certain nombre de questions relatives à l’interprétation du règlement (CE) nº 2027/97 du Conseil, du 9 octobre 1997, relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas d’accident (2) dans le contexte de l’application de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Varsovie le 12 octobre 1929 (ci-après la «convention de Varsovie»).

2. Les questions dont la Cour est saisie ont été soulevées dans une procédure engagée par Mme Bogiatzi contre Luxair, société luxembourgeoise de navigation aérienne SA (ci-après «Luxair»), et Deutscher Luftpool, une association de droit allemand, en raison d’un dommage subi lors d’un accident survenu au moment d’embarquer dans un avion de Luxair le 21 décembre 1998 (ci-après la «date pertinente»).

3. Afin de déterminer si le droit de Mme Bogiatzi d’intenter une action en indemnisation est frappé de forclusion, la juridiction de renvoi interroge essentiellement la Cour sur le point de savoir si l’article 29 de la convention de Varsovie, qui fixe à deux ans le délai dans lequel un tel recours peut être formé, est applicable aux circonstances de la cause, en dépit du fait que le règlement nº 2027/97 ne contient aucune disposition expresse à cet effet, et, dans l’affirmative, si ce délai peut être interrompu, suspendu ou si l’on peut y renoncer.

4. À cet égard, la première question aborde, à titre préliminaire, l’étendue de la compétence, le cas échéant, de la Cour pour interpréter les dispositions de la convention de Varsovie en vertu de l’article 234 CE.

II – Cadre juridique

A – La convention de Varsovie

5. Entre autres dispositions, la convention de Varsovie comprend des règles gouvernant la responsabilité des transporteurs aériens en cas d’accident. Cette convention a été modifiée à plusieurs reprises, en particulier par le protocole de La Haye du 28 septembre 1955, par la convention de Guadalajara du 18 septembre 1961 et par les quatre protocoles additionnels de Montréal du 25 septembre 1975.

6. Bien que la Communauté européenne ne soit pas elle-même une partie à la convention de Varsovie, les quinze États membres qu’elle comptait à la date pertinente l’étaient tous à ce moment.

7. Dans sa version en vigueur à la date pertinente, l’article 29 de ladite convention disposait:

«1. L’action en responsabilité doit être intentée, sous peine de déchéance, dans le délai de deux ans à compter de l’arrivée à destination ou du jour où l’aéronef aurait dû arriver, ou de l’arrêt du transport.

2. Le mode de calcul du délai est déterminé par la loi du tribunal saisi.»

8. La Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international (ci-après la «convention de Montréal») (3), qui visait à moderniser et à consolider la convention de Varsovie et les instruments apparentés, a été signée à Montréal le 28 mai 1999. La Communauté y a également adhéré le 9 décembre 1999, ladite convention ayant été approuvée au nom de celle-ci par la décision 2001/539/CE du Conseil, du 5 avril 2001, concernant la conclusion de la convention de Montréal (4).

9. La convention de Montréal, à laquelle aussi bien la Communauté que les 27 États membres sont parties, est entrée en vigueur le 4 novembre 2003, c’est-à-dire après la date pertinente. Il convient, cependant, de noter que l’article 35 de cette convention, intitulé «Délai de recours», est identique à l’article 29 de la convention de Varsovie.

B – Le règlement nº 2027/97

10. Le préambule du règlement nº 2027/97, dans sa version en vigueur à la date pertinente, comprend, pour ce qui nous concerne ici, les considérations suivantes:

«1) considérant que, dans le cadre de la politique commune des transports, il est nécessaire d’améliorer le niveau de protection des passagers victimes d’accidents aériens;

2) considérant que les règles en matière de responsabilité en cas d’accident sont régies par la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Varsovie le 12 octobre 1929, ou par cette convention telle qu’elle a été modifiée à La Haye le 28 septembre 1955 et par la convention de Guadalajara du 18 septembre 1961, selon la convention qui est applicable dans le cas d’espèce, chacune étant dénommée ci-après ‘convention de Varsovie’; que la convention de Varsovie est appliquée dans le monde entier au profit tant des voyageurs que des transporteurs aériens;

3) considérant que les limites de la responsabilité telles qu’elles sont fixées par la convention de Varsovie sont trop basses eu égard aux conditions économiques et sociales actuelles et conduisent souvent à des actions en justice de longue durée qui nuisent à l’image des transports aériens; que les États membres ont en conséquence relevé ces limites dans des proportions différentes et ont ainsi établi des conditions de transport qui varient au sein du marché intérieur de l’aviation;

4) considérant en outre que la convention de Varsovie ne s’applique qu’aux transports internationaux; que la distinction entre transports nationaux et internationaux n’existe plus dans le marché intérieur de l’aviation; qu’il convient donc que la nature et le degré de responsabilité soient identiques pour les transports nationaux et les transports internationaux;

5) considérant qu’un réexamen et une révision approfondis de la convention de Varsovie sont depuis longtemps attendus et constitueraient à long terme, à l’échelle internationale, une réponse plus homogène et plus facilement applicable à la question de la responsabilité des transporteurs aériens en cas d’accident; qu’il convient de poursuivre, par la voie de négociations multilatérales, les efforts entrepris pour relever les limites de la responsabilité imposées par la convention de Varsovie;

[…]

7) considérant qu’il convient d’éliminer toutes les limitations pécuniaires de responsabilité prévues par l’article 22 paragraphe 1 de la convention de Varsovie ou toute autre limitation juridique ou contractuelle, conformément aux tendances actuelles au niveau international;

[…]».

11. L’article 2, paragraphe 2, du règlement nº 2027/97 est rédigé comme suit:

«Les notions contenues dans le présent règlement qui ne sont pas définies au paragraphe 1 sont équivalentes à celles utilisées dans la convention de Varsovie.»

12. L’article 5, paragraphes 1 et 3, dispose:

«1. Avec toute diligence nécessaire et, en tout état de cause, au plus tard quinze jours après que la personne physique ayant droit à indemnisation a été identifiée, le transporteur aérien de la Communauté verse à cette personne une avance lui permettant de faire face à ses besoins immédiats, en proportion du préjudice matériel subi.

[…]

3. Le versement d’une avance ne constitue pas une reconnaissance de responsabilité et l’avance peut être déduite de toute somme payée ultérieurement en fonction de la responsabilité du transporteur aérien de la Communauté; elle n’est pas remboursable, sauf dans les cas visés à l’article 3 paragraphe 3 ou lorsqu’il est prouvé par la suite que la faute de la personne à laquelle l’avance a été versée constitue le fait générateur du dommage ou y a concouru ou que cette personne n’avait pas droit à indemnisation.»

13. Après la date pertinente, le règlement nº 2027/97 a été modifié par le règlement (CE) n° 889/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 13 mai 2002 (5).

III – Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

14. Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, Mme Bogiatzi a été victime, le 21 décembre 1998, d’une chute sur le tarmac de l’aéroport de Luxembourg en embarquant dans un avion de Luxair.

15. Le 22 décembre 2003, elle a assigné Deutscher Luftpool et Luxair devant le tribunal d’arrondissement (Luxembourg) pour les faire condamner à réparer solidairement sinon in solidum le préjudice qu’elle avait subi, en se fondant sur le règlement nº 2027/97, ainsi que sur la convention de Varsovie.

16. Après avoir constaté que la demande de Mme Bogiatzi avait été introduite cinq ans après l’accident, le tribunal d’arrondissement a jugé le recours irrecevable, puisqu’il a été introduit après l’expiration du délai de deux ans prévu à l’article 29 de la convention de Varsovie pour intenter une action en responsabilité. À cet égard, le tribunal a considéré que ce délai était un délai préfix, non susceptible de suspension ou d’interruption.

17. Sur appel de Mme Bogiatzi, la cour d’appel (Luxembourg) a, par un arrêt du 28 mars 2007, jugé que l’appel était irrecevable en tant qu’il était dirigé contre la compagnie d’assurance Foyer Assurances SA et contre l’État du Grand-Duché de Luxembourg, mais a, en substance, confirmé le jugement entrepris pour le surplus.

18. Dans la procédure nationale, il incombe à la Cour de cassation de statuer sur...

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