Nuova società di telecomunicazioni SpA v Ministero delle Comunicazioni and ENI SpA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:658
Date27 October 2005
Celex Number62004CC0339
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-339/04

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 27 octobre 2005(1)

Affaire C-339/04

Nuova società di telecomunicazioni SpA

contre

Ministero delle Comunicazioni

et

ENI SpA

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Italie)]

«Télécommunications – Directive 97/13/CE – Champ d’application – Réseaux à usage privatif dans lesquels les conditions de libre concurrence ne sont pas réunies – La directive ne leur est pas applicable»





1. Les questions préjudicielles déférées dans cette affaire par le Consiglio di Stato (Italie) à la Cour ont comme toile de fond le processus graduel d’ouverture des télécommunications dans la Communauté, qui élimine les frontières nationales et supprime les obstacles à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services.

2. La juridiction de renvoi souhaite concrètement savoir si la directive 97/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 avril 1997, relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications (2) s’applique aussi aux opérateurs qui exploitent un réseau à usage privatif, et si, partant, ces derniers bénéficient ainsi de la limitation que la directive impose aux États membres en ce qui concerne leur pouvoir d’exiger des prélèvements liés à ces permis d’exploitation.

I – Le cadre réglementaire communautaire

A – La libéralisation des télécommunications dans la Communauté européenne

3. Au cours des années 80-90, les communications électroniques sont devenues l’un des moteurs de l’économie. Les institutions communautaires ont décidé d’impulser leur essor, en promouvant leur libéralisation (3).

4. À cette fin, elles se sont engagées dans une double voie: flexibiliser les marchés et rendre compatibles les réglementations nationales.

5. Le point de départ de la première des directions suivies fut la directive 90/388/CEE de la Commission, du 28 juin 1990, relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunication (4), modifiée à plusieurs reprises (5). Cet acquis juridique a été abrogé et remplacé par la directive 2002/77/CE de la Commission, du 16 septembre 2002 (6).

6. En ce qui concerne la seconde direction, la suppression des obstacles requérait l’harmonisation des conditions d’accès et d’utilisation des réseaux, objectif dans le cadre duquel a été adoptée la directive 90/387/CEE du Conseil, du 28 juin 1990 (7), modifiée, dans le but de l’adapter à un environnement concurrentiel, par la directive 97/51/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 octobre 1997 (8). La directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002 (9), qui a remplacé les directives antérieures, approfondit l’effort d’harmonisation réglementaire et technique.

B – La directive 97/13

1. Ses dispositions relatives aux «autorisations»

7. Ainsi que je l’ai indiqué dans les conclusions dans les affaires ISIS Multimedia Net et Firma 02 (point 5) (10), l’ouverture souhaitée n’impliquait pas de retirer aux États membres les pouvoirs de contrôle dont ils disposaient au travers des procédures d’autorisation pertinentes. La Commission elle-même a affirmé que ces procédures constituent une méthode essentielle pour créer les conditions favorables au développement de la concurrence, par l’application de principes communs lors de l’octroi de licences (11).

8. Dans les conclusions dans les affaires Albacom et Infostrada (12), j’ai exposé que la directive 97/13 répond à cette nécessité, en configurant une solution unique, fondée sur les principes de proportionnalité, de transparence et de non-discrimination, dans le but d’instaurer un ensemble compatible avec la liberté d’établissement et la libre prestation de services (premier, deuxième, quatrième et onzième considérants, et article 3, paragraphe 2, de ladite directive).

9. Conformément à cet objectif, la libre prestation des services de télécommunications et la libéralisation de l’exploitation de leurs réseaux président à la directive 97/13. Le législateur communautaire souhaite que ces services soient distribués et utilisés sans entrave ou, le cas échéant, en vertu «d’autorisations générales» (13), et que les «licences individuelles» (14) ne soient attribuées qu’exceptionnellement ou en vue de compléter les autorisations générales (septième et treizième considérants, et articles 3, paragraphe 3 et 7, de ladite directive). Ces deux instruments relèvent de la notion d’«autorisation» (15).

10. Pour mettre cette règle libéralisatrice en œuvre, la directive ne limite pas le nombre de licences individuelles que les États membres peuvent accorder, sauf si cela s’avère nécessaire pour garantir l’utilisation efficace du spectre des radiofréquences ou pour permettre l’attribution de numéros en nombre suffisant. Ainsi, toute entreprise qui remplit les conditions fixées par les États membres a le droit d’obtenir d’office une licence individuelle (articles 10, paragraphe 1, et 9, paragraphe 3).

2. Ses dispositions fiscales

11. Les articles 6 et 11 de la directive 97/13 s’inscrivent dans la même ligne et visent à favoriser la concurrence sur le marché des télécommunications et à ne pas imposer aux entreprises plus de restrictions ou de charges que nécessaire (16), respectant ainsi le principe de proportionnalité. Ils sont respectivement intitulés «Taxes et redevances applicables aux procédures d’autorisations générales» et «Taxes et redevances applicables aux licences individuelles».

12. «Article 6

[…]

Sans préjudice des contributions financières à la fourniture du service universel conformément à l’annexe, les États membres veillent à ce que les taxes imposées aux entreprises au titre des procédures d’autorisation aient uniquement pour objet de couvrir les frais administratifs afférents à la délivrance, à la gestion, au contrôle et à la mise en œuvre du régime d’autorisations générales applicable. Ces taxes sont publiées d’une manière appropriée et suffisamment détaillée pour que les informations soient facilement accessibles.»

13. «Article 11

[…]

1. Les États membres veillent à ce que les taxes imposées aux entreprises au titre des procédures d’autorisation aient uniquement pour objet de couvrir les frais administratifs afférents à la délivrance, à la gestion, au contrôle et à l’application des licences individuelles applicables. Les taxes applicables à une licence individuelle sont proportionnelles au volume de travail requis et sont publiées d’une manière appropriée et suffisamment détaillée pour que les informations soient facilement accessibles.

2. Nonobstant le paragraphe 1, dans le cas de ressources rares, les États membres peuvent autoriser leurs autorités réglementaires nationales à imposer des redevances afin de tenir compte de la nécessité d’assurer une utilisation optimale de cette ressource. Ces redevances sont non discriminatoires et tiennent compte notamment de la nécessité de promouvoir le développement de services innovateurs et de la concurrence.»

II – La législation italienne

A – La situation antérieure à l’ouverture des marchés

14. Le code des postes et des télécommunications (Codice postale e delle telecomunicazioni) (ci-après le «code postal») de 1973 (17) a proclamé que les télécommunications relevaient du secteur public, tout en admettant qu’elles pouvaient faire l’objet d’une gestion indirecte par le biais d’un régime de concession (articles 1, 4 et 183).

15. Cette réglementation prévoyait, outre les exploitations à usage public, celles qui étaient destinées à l’usage exclusif de leur titulaire, et qui étaient également soumises à un régime de concession (articles 183 et 213), l’article 214 mentionnant parmi celles-ci celles qui avaient pour objet d’assister les sociétés titulaires des services publics.

B – La réglementation postérieure à libéralisation du secteur

16. Le processus que j’ai évoqué plus haut ayant débuté dans la Communauté européenne, le décret n° 545, du 23 octobre 1996 (18), a ordonné l’adaptation de la législation italienne au droit communautaire et, notamment, à la directive 96/19, et est ensuite devenu, après diverses modifications, la loi n° 650, du 23 décembre 1996 (19).

17. La nouvelle réglementation a supprimé les droits exclusifs et spéciaux en reconnaissant à toute entreprise le droit de développer des services et d’installer des réseaux de télécommunications, mais en le soumettant à une autorisation administrative. L’article 4, paragraphes 1 et 2, de la loi n° 249, du 31 juillet 1997, instituant l’autorité garante en matière de communications et édictant des règles concernant les systèmes radiotélévisés et de télécommunications (20) a corroboré cette approche.

18. Le décret du président de la République nº 318, du 19 septembre 1997 (21), a procédé à l’adaptation annoncée du droit italien aux exigences découlant de l’ordre juridique communautaire qui était en vigueur depuis le 1er janvier 1999.

1. Les autorisations et leurs conséquences fiscales

19. Les formalités à accomplir pour l’octroi des autorisations générales et des licences individuelles sont décrites à l’article 6 du décret n° 318 de 1997, dont les paragraphes 5, 20 et 21 prescrivent des règles concernant la perception de taxes et de redevances par l’État:

«5. La contribution demandée aux entreprises pour la procédure relative à l’autorisation générale ne couvre que les seuls coûts administratifs liés à l’instruction, au contrôle de la gestion du service et du maintien des conditions prévues pour l’autorisation elle-même […].

[...]

20. Sans préjudice des contributions financières pour la fourniture du service universel au titre de l’article 3, la contribution demandée aux entreprises pour les procédures relatives aux licences individuelles est exclusivement destinée à couvrir les coûts administratifs liés à l’instruction, au contrôle de la gestion du service et du maintien des conditions prévues pour les...

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